Carte d’identité du vignoble chilien, 2e étape : la Vallée centrale

Michel Bettane au Chili, notre saga de l’été


L’été a commencé chaud, nos vins auront peut-être cette année
un profil d’hémisphère sud. Autant commencer à s’y habituer en révisant nos connaissances
sur les vins chiliens, modèles du continent sud-américain.

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Vallée de Maipo

Vignoble de terrasses alluviales du fleuve, avec deux grands centres, Birque, un peu plus en altitude, et Macul, aux portes de Santiago. Comme à Cahors le haut de la seconde terrasse et la troisième donnent les sols les plus propices à une maturité équilibrée des cabernets sauvignon et cabernets francs, un peu moins convaincante sur les merlots. Ce fut le point de départ de la production de vin fin dans le pays et cela reste pour les vins dégustés le secteur donnant les rouges les plus élégants et les plus complexes, dont certains font à juste titre partie de l’élite mondiale. Les blancs souvent plus intelligemment vinifiés qu’ailleurs sont équilibrés mais évidemment moins impressionnants.

Vallée de San Antonio

Vallée voisine de Casablanca, elle aussi sous l’influence océanique avec la présence constante des brises de mer. Un petit secteur portant le nom de El Rosario possède une réputation particulière donnée sans doute par la viticulture très probe de Matetic, le producteur le plus connu de la vallée. J’aurais espéré des vins de plus grand caractère, surtout en blanc mais on voit bien en fin de maturation des raisins que le manque d’eau est hélas ici préoccupant. Les vins ont des finales salines intéressantes mais manquent e volume de bouche et surtout terminent sur des notes amères et tendues qui contredisent la pureté des arômes. Les meilleurs vins dégustés ont été des rouges de syrahs. Un autre secteur de la vallée nommé Leyda peut réussir en revanche d’admirables sauvignons comme le 2003 d’Amayna, vinifié avec le concours de Jean Michel Novelle, merveilleux vigneron suisse et Claudia Gomez qui a longtemps travaillé avec Alphonse Mellot et Didier Dagueneau. Ce vin de vendanges presque tardives, sublime à 12 ans d’âge, est certainement le plus grand vin blanc d’Amérique du Sud dont j’ai souvenir, mais son style heurte hélas le public local habitué à des expressions immatures plus proche du caractère habituel des sauvignons de Nouvelle Zélande. Un jour viendra quand même…….

Vallée du Cachapoal

Secteur assez inégal et rarement mis en valeur dans des cuvées de prestige. La zone la plus favorable semble l’alto Cachapoal, au pied de la cordillère où l’on produit de bons cabernets sauvignons qui n’égalent pas en finesse de tannin les meilleurs de Maipo. Avec un peu plus de précision dans les vinifications ils pourraient pourtant se comparer en eux comme le montrent les éléments encore séparés qui constitueront le grand vin d’Altaïr en 2014. Je crois beaucoup au cabernet franc dans ce secteur à en juger par la superbe cuvée Maquis.

Vallée du Colchagua

Un des grands centres de production et des plus justement réputés, autour de la délicieuse petite ville de Santa Cruz, qui résume tout le charme du Chili historique et dispose d’un musée paléontologique et historique du plus grand intérêt. Le vignoble couvre 1500 hectares dont les meilleurs sont de classiques vignes de piémont.
Le climat est étonnant, un des plus chauds de la vallée centrale mais avec une meilleure régulation des pluies ce qui explique un paysage étonnamment vert. Les vins ont de la puissance et de la complexité et j’espère que dans l’avenir les cépages méditerranéens, qui produisent aujourd’hui les vins les plus expressifs, seront plantés en plus grande proportion. Les carmenères m’ont également beaucoup séduit. Le visiteur y trouvera quelques unes des « wineries »les plus spectaculairement modernes du pays comme Lapostolle ou Montes. Les blancs naturellement souffrent de la chaleur des jours de mars et avril.

Vallée du Curico

Nous descendons vers le sud et la plaine s’élargit ce qui permet la plantation d’un vaste vignoble de près de 20 000 ha, avec comme particularité une très grande proportion de cépages blancs sauvignon et chardonnay. La firme catalane Miguel Torres fut la première à produire des vins ambitieux dans ce secteur mais je n’ai pas pu en déguster. Les malbecs d’Odfjell m’avaient il y a quelques années laissé une très bonne impression.

Vallée du Maule

Le grand centre de production du Chili un peu équivalent à notre Languedoc-Roussillon, avec 30 000 ha en production, le plus souvent plantés sur les larges hauts plateaux du secteur. Il connait un micro climat encore plus chaud dans les journées, contrastant davantage avec la fraîcheur des nuits. Beaucoup de vignes donnent les vins de grande diffusion, souvent vendus en vrac à l’exportation pour être embouteillés dans leur pays d’arrivée. Les supermarchés anglais y trouvent leur compte, un peu moins les grandes firmes malgré les dizaines de millions de litres à faible plus- value. Le cépage dominant reste le fameux « païs » ou mission, planté par les pionniers espagnols et qui n’est pas si médiocre qu’on le dit si on sait en limiter les rendements. Il y a bien entendu des secteurs plus favorables, en direction des Andes qui réussissent au carignan. Ce ne sont pas des vins de grande garde sauf quelques exceptionnelles cuvées d’assemblage, de noble style comme Erasmo de la Reserva de Caliboro.

Vallée de l’Itata

Le micro climat de cette zone en pleine mutation, directement au sud de la vallée du Maule, est lui aussi assez chaud et sec. Elle s’est surtout développée
dans le secteur favorable de la ville de Chillan, à l’est, côté Andin. Les deux cépages les plus brillants sont le muscat, qui donne certains de blancs les mieux constitués du pays et de façon qui ne m’a pas surpris le cinsault, avec des rouges d’une pureté de fruit remarquable. Il semble qu’ici comme dans bien d’autres zones chaudes et sèches il stresse moins que le grenache, avec une élégance de texture et de fin de bouche supérieure au carignan et une buvabilité largement supérieure, liée à son degré d’alcool modéré.. Les viticulteurs seraient bien inspirés de le planter davantage.


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