Hospices de Beaune : malgré la baisse, 2e vente historique après 2015

Un millésime 2016 « bien dans ses peaux », sont les mots justes de Ludivine Griveau, régisseur du domaine des Hospices de Beaune, pour qualifier la qualité des 47 cuvées mises aux enchères par Christie’s en ce troisième dimanche de novembre 2016.
Pourtant le moral des viticulteurs bourguignons a été durement éprouvé cette année, avec des pluies intenses au printemps favorisant une pression historique du mildiou, un épisode de gelée noire le 27 avril touchant de façon très hétérogène toute la Bourgogne et la grêle frappant à deux reprises le Mâconnais ainsi que le Chablisien. Heureusement un bel été a réparé certaines blessures, avec en août et septembre quelques précipitations tombées à point nommé pour la vigne et un mois de septembre plutôt clément, permettant de récolter les raisins de la première des 117 parcelles des Hospices, dès le 19 septembre à Pouilly-Fuissé.

Au final, ce sont 596 pièces et deux feuillettes mises à la vente, dont 126 en blanc et 470 en rouge, (21 de plus qu’en 2015). Les rouges sont d’une intensité colorante plutôt remarquable obtenue avec des cuvaisons assez courtes, les blancs ont mis plus de temps à mûrir et présentent des niveaux d’acidité intéressants et de beaux équilibres.

Nos cuvées favorites :
• Savigny-les-Beaune 1er cru Les Vergelesses, cuvée Forneret : très droit, finale délicate.
• Auxey-Duresses 1er cru les Duresses, cuvée Boillot : puissant, fin et large avec une pointe minérale en finale.
• Beaune 1er cru, cuvée Brunet : floral et léger, il a l’élégance des beaune.
• Beaune 1er cru clos des Avaux : intense et coloré avec du gras, complet.
• Beaune 1er cru Dames Hospitalières : séducteur aux arômes de tabac et de cigare.
• Beaune 1er cru Guigone de Salins : il évoque la ronce, les mûres, le cynorhodon.
• Volnay 1er cru, Blondeau : très élégant, soyeux, franc, une belle matière.
• Pommard 1er cru dames de la Charité : une élégance verticale, droit et aérien.
• Corton Grand Cru, Charlotte Dumay : pinot très élégant, des tannins évoquant la soie sauvage et le poivre blanc en finale.
• Clos de la Roche Grand Cru, Cyrot Chaudron : fraîcheur de son terroir, mentholé en finale, puissance de la Côte de Nuits.
• Mazis-Chambertin Grand Cru, Madeleine Collignon : très élégant, force et délicatesse.
• Meursault Genevrières 1er cru, Baudot : vibrant et élégant.

Même si on peut penser que les prix d’adjudication des pièces vendues chaque année sont une sorte de baromètre des futures transactions dans le vignoble, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit avant tout d’une des ventes de charité les plus anciennes, qui permet de financer l’Hôpital de Beaune et de garder un service hospitalier de proximité autofinancé.

Avant d’entamer la vente, un hommage a été rendu à Antoine Jacquet, directeur des Hospices récemment décédé d’une crise cardiaque au cours d’un voyage en Chine, alors qu’il faisait la promotion des vins aux côtés de Christie’s.
Chaque année une pièce de charité est mise aux enchères au profit d’associations, cette année le Corton Bressandes, au profit des fondations Cœur & Recherche – sur les maladies cardio-vasculaires – parrainée par la pétillante pianiste Kathia Buniatishvili et l’actrice Virginie Ledoyen et ARC Fondation – pour les recherches sur le cancer – sous le parrainage du réalisateur Claude Lelouch et de l’actrice Valérie Bonneton. La pièce a été adjugée à 200 000 euros à deux co-acheteurs, Mme Yan Hong Cao, amoureuse des vins de Bourgogne et Jean-Claude Bernard, hôtelier beaunois.

Les ventes ont baissé cette année de 26,36 % en moyenne, avec -23,26% sur les rouges et -35,94% sur les blancs, totalisant quand même la jolie somme de 7 754 000 euros, ce qui en fait tout de même la 2e vente historique après celle de 2015. Cette chute peut paraître un peu brutale, mais elle est un réajustement nécessaire d’une flambée des prix qui frôlait parfois avec l’irraisonnable.

Comme chaque année, le BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne) a communiqué sur les deux derniers millésimes récoltés, le positionnement des vins de Bourgogne sur les marchés ainsi que sur les projets et travaux en cours menés par le négoce et les producteurs.

En écho aux aléas climatiques extrêmes de 2016 et des années précédentes, un travail de fond est mené pour étendre le réseau anti-grêle à l’ensemble du vignoble bourguignon avec les diffuseurs de granions d’argent, la poursuite de l’étude des filets de protection et contre le gel, la mise en place de chaufferettes ailleurs que dans le chablisien.
Des audits sont proposés aux exploitations viticoles qui traversent des difficultés économiques importantes (140 déclarées à ce jour, mais sans doute davantage) et une réflexion est menée pour étendre la proportionnalisation du montant des fermages à la récolte, au-delà de la seule Côte d’Or.
Pour une échéance à moyen et long terme, des études sont menées par l’interprofession et les scientifiques pour comprendre les raisons de l’affaiblissement prématuré de la vigne, sensible aux maladies du bois, pouvant entraîner une perte de 5 hectolitres à l’hectare dans un avenir très proche si des réflexions ne sont pas menées sur le clonage et la sélection massale.

La Bourgogne est confiante dans sa filière de distribution avec la mise en marché de vins qualitatifs associant même le Beaujolais dans sa promotion, en fusionnant les Grandes Maisons de Bourgogne et du Beaujolais au travers de l’Union des Maisons de Vins de la Grande Bourgogne. Une démarche positive à souligner, si toutefois les marchés devaient subir une quelconque hausse des prix liée au Brexit ou à l’élection de Donald Trump (lui-même propriétaire de vignobles en Virginie).

Avec cette vente, les amateurs français salueront ce retour des cours à un peu plus de raison. Il était ainsi possible d’acquérir des barriques de beaux premiers crus cette année à moins de 30 euros la bouteille. Il faut certes ajouter les frais d’adjudication et d’élevage mais ce prix inclut une action caritative. Certes l’unité d’achat est la barrique, près de 300 bouteilles mais n’est-ce pas une excellente occasion de fédérer ses amis autour d’un sympathique projet commun ?

Marie-Antoinette de Szczypiorski

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