Les zinzins du vignoble





Beaucoup l’ignorent, mais l’assurance française et européenne est propriétaire* de dizaines de vignobles autour du monde. De leur côté, les banques découvrent tout juste les joies de la vigne et des chais après avoir tenté l’aventure du négoce. Ainsi, dans un métier qui, a priori, n’a rien à voir avec celui d’actuaire, la fonction reine de la finance, il y a plus d’un intérêt commun. À condition de consentir de très lourds investissements sur le très long terme.

La finance et la vigne partagent une vision de longue portée, et plus particulièrement l’assurance. Du coup, les vignobles comme les forêts trouvent naturellement leur place dans la stratégie d’investissement des compagnies, mutuelles, caisses de retraite et autres instituts de prévoyance. A petites doses toutefois, puisque cette poche « Château » ne dépasse pas 1 % du total des actifs gérés par Axa, Generali, Allianz et d’autres. Quant aux banques, elles ont préféré soutenir le négoce, avec des fortunes diverses. Suravenir, la filiale Assurance-Vie du Crédit Mutuel, est entrée dans la danse au début de l’été en bouclant le rachat de Calon-Ségur, un troisième cru classé 1855 à Saint-Estèphe.

Ce mariage de raison est récent. A la SMABTP, la mutuelle du Bâtiment, on se souvient avec une pointe de regret avoir laissé filer Château Margaux au milieu des années 70. L’entreprise et son président d’alors, Albert Parment, se rattraperont avec le Château Cantemerle en 1981, puis avec Haut-Corbin et d’autres vignobles prestigieux.

Il faudra attendre le choc pétrolier de 1973 pour que l’assurance s’intéresse au vin. Auparavant, le secteur, en très grande partie nationalisé, doit financer la reconstruction de la France. Plus tard, elle empêchera des grands crus de passer sous pavillon étranger. D’où l’intervention des AGF (devenues depuis Allianz) pour sauver La Rose-Perganson en 1986. D’autres rachats portaient aussi la patte d’un grand patron. Sans Claude Bébéar, Axa disposerait-elle d’un mini-empire du vin ?

Restait à convaincre des administrateurs et des salariés qu’il ne s’agissait ni d’une danseuse ni d’une chimère. Les élus de Groupama se souviennent de leur effarement lors de la découverte de Château d’Agassac, racheté à la fin des années 90, la bâtisse n’était pas chauffée et l’électricité antédiluvienne.


Vincent Bussière


*« Zinzin » est le mot qui désigne les investisseurs institutionnels.

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