Les zinzins du vignoble (3/3)

Que font les assureurs de leurs vignes ? Ils les cultivent en bon père de famille. Ou plutôt en confie la direction à des hommes de l’art. « J’entretiens des rapports d’entrepreneur à entrepreneur avec mon actionnaire parisien, qui reste étroitement associé à la gestion du domaine. Je les tiens informés 24 heures sur 24. Cantemerle propose, expose et explique et Paris valide » résume Philippe Dambrine, qui gère les domaines bordelais de SMABTP. Éric Monneret va plus loin : « travailler pour un assureur revient à bénéficier d’un parachute ventral en cas de catastrophe majeure ou d’aléa climatique. En pareil cas, cela évite de devoir négocier avec un banquier qui vous prendra à la gorge ».

Pas question cependant pour ces actionnaires de jouer les mécènes. Le mandat de leurs délégués sur place est limpide : faire des vins qui se vendent et se vendent bien afin de valoriser l’image de leur maison-mère. D’où le virage pris par les uns et les autres vers l’agriculture raisonnée, et notamment à Château Piola (Allianz). Tous partagent la même conviction que ce régisseur : « on ne sera pas crédible si l’on est obligé de baisser nos prix de vente ». Autre tournant suivant l’évolution de la demande, la création de seconds vins à l’instar de ce que font la plupart des propriétés.

Ce qui n’exclut pas la rationalisation et la mutualisation des moyens pour réduire les coûts. Désormais à la tête de plusieurs domaines sur des terroirs réduits, les vignerons-assureurs assignent à chaque propriété un rôle précis : réception et opération de communication pour l’une, stockage et entreposage du matériel pour l’autre, etc. Mais chaque vin reste vinifié dans son chai d’origine. Autre piste dans l’air du temps, le regroupement des forces de vente, et notamment des stands communs entre des vignobles européens sur divers salons. Quant à d’éventuelles acquisitions, tous se refusent à y aller tête baissée, même pour agrandir leur domaine et saisir de belles parcelles à un prix laminé par la crise financière.

(« Zinzin » est le mot qui désigne les investisseurs institutionnels)

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