Le vieux millésime qui ne voulait pas être vieux

Un millésime ancien fait naître autant de désir que d’interrogations. Le vin sera bon ? La bouteille sera parfaite ? Et le bouchon ? Et l’émotion ? On intellectualise, on doute. En début d’année, Xavier Vignon, œnologue réputé et « créateur de vins du Rhône », bien connu des initiés et des plateformes spécialisées dans les ventes privées de vin, relâchait sur le marché un châteauneuf-du-pape 1972.

Le début des années 70 n’est pas la grande époque de la viticulture
Ô joie de retrouver un vieux millésime de l’appellation papale. Particulièrement pour ces vins, le temps permet de savoir. La tradition de les consommer vieux s’est perdu à mesure que l’offre de vieux vins s’est tarie sur le marché (ou l’inverse), exception faite de quelques flacons qui s’échangent à prix d’or au marché des enchères. On a aussi le droit d’être sceptique. Le début des années 70 n’est pas la grande époque de la viticulture française. Si l’on applaudit la remise en question dont elle fait preuve ces dernières années, on a le droit au sourcil levé quand, en comparaison du niveau de qualité de notre époque, le niveau de l’ancienne était moins régulier. L’originalité aromatique de ce 1972, en plus de sa robe étonnamment soutenue, nous fait d’abord croire au défaut. Que nenni. Le vin a passé presque cinquante ans en cuve. En béton, de surcroît. Un peu moins d’un demi-siècle, au même endroit dans la même cave d’un même domaine, redécouvert un jour par Xavier Vignon qui s’en porte acquéreur. Les quelques notes de noix, tirant doucement sur le pruneau, nous indique que ça doit avoir un peu de bouteille. Loupé, ça n’en a pas. La mise en bouteille date du début d’année. On revient donc au verre avec l’esprit interloqué du revanchard qui n’a pas de chances de revanche.

Le grand jeu
Grand nez de pierre et de silex frotté, rare par son intensité. L’acidité d’un blanc. Sans carafage, la pierre met du temps à laisser de la place au fruit. Une fois en place, c’est le grand jeu. Le charme est là. Pas celui d’un châteauneuf, on est loin de la typicité de l’appellation. Mais ce qu’il y a dans la bouteille, la beauté du nez, le tannin d’une énergie spectaculaire, le caractère ultra digeste qui fait que la bouteille circule et se vide, c’est ce qu’on appelle du plaisir. À peine évanoui, on veut le revivre. Ça tombe bien, Xavier a eu l’intelligence et les possibilités d’en tirer un nombre important de bouteille. On pourra donc être heureux plus longtemps.

Xavier Vignon, 1972, châteauneuf-du-pape 1972
18/20
90 euros, disponible sur Millésima.fr

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