Le Nouveau Bettane+Desseauve 2024 : nos talents

Elles et ils sont jeunes, parfois enfants de la balle, parfois nouveaux venus. Toutes les personnes dont nous dressons le portrait dans les pages qui suivent ont en tout cas démontré en quelques millésimes un talent singulier qu’il faudra suivre de près. Chacune d’entre elles dessine le paysage d’une nouvelle viticulture, à la fois ambitieuse, précise et consciente des enjeux écologiques


Ambre Delorme : le phénix de la Mordorée

L’émotion que peut donner une bouteille de vin, aussi grande soit-elle, a parfois tendance à faire oublier les destinées humaines qui ont contribué à la faire naître. En 2015, nous avions accueilli avec tristesse la nouvelle de la disparition de Christophe Delorme. Ce vigneron passionné, fils de Francis, le créateur de ce domaine de Tavel au nom inoubliable, laissait à Madeleine, son épouse, et à Ambre, sa fille, le soin de s’occuper de 60 hectares répartis entre les grandes appellations du sud de la vallée (châteauneuf-du-pape, lirac, côtes-du-rhône, etc.). Avec une attention de tous les instants en bio et en biodynamie, le duo mère et fille a continué sur sa lancée, installant sur sa mosaïque de quarante parcelles réparties sur huit communes – on mesure le travail titanesque – un écosystème durable, capable de résister aux excès du climat. Dans les vins aussi, ce domaine depuis longtemps réputé pour sa qualité, a continué de franchir les paliers du grand vin, affichant une finesse aromatique et des qualités de structure d’une grande délicatesse. En châteauneuf-du-pape, le délicieux reine-des-bois et l’aérien dame-voyageuse ont rejoint le peloton des meilleurs de l’appellation. Bref, en plus d’avoir hérité de la vision de ces deux grands hommes, Madeleine et Ambre ont aussi réaffirmé le sens de l’accueil propre à la région avec un domaine très actif en matière d’œnotourisme et la création d’une villa d’hôtes sublime à dix minutes d’Avignon avec vue sur le mont Ventoux. De plus en plus exigeant avec lui-même, ce domaine est en route vers le sommet. Louis-Victor Charvet


Maï Roblin-Bazin : juliénas calling

Comme le chef qui peut s’enorgueillir d’avoir créé un ou deux grands plats dans sa vie, le passionné de vin veut trouver le grand de demain. Celui qui fera date par sa manière de révéler la haute expression de son terroir d’origine, par sa maîtrise en cave et par l’accueil de celles et ceux qui boiront ses paroles et suivront son chemin. Maï Roblin-Bazin, trentenaire beaunoise, appartient à cette espèce rare. Elle promène sa hauteur de jugement, sa distinction prudente et ses connaissances déjà denses sur son vignoble de Juliénas. Avec une sagesse exemplaire pour son âge et le courage qui l’habite comme un grand frère bienveillant, elle n’a pas hésité à reprendre les 50 ares de vignes qu’on lui a présentés. Ado nourrie par les livres et par l’amour des mots, elle s’est d’abord orientée vers des études littéraires avant de tenir plus fermement le fil d’Ariane de sa vie, qu’elle avait déjà entrevu dans les vignes murisaltiennes de son enfance en Bourgogne. London calling oblige, après un détour par la capitale anglaise et sa belle sommellerie, à la Compagnie des Vins Surnaturels où les grandes étiquettes sculptent son palais, elle a fini par répondre à l’appel de la vigne. D’abord auprès des grands noms de la côte de Beaune, qui lui font confiance et lui dispensent leurs enseignements, et puis auprès de Cyril Courvoisier, vigneron de Cornas dans le Rhône et maître à penser de la jeune femme. Le duo a opté pour un enherbement total, fait un compromis entre les engrais jaunes et verts en se donnant l’objectif réalisable de traitements discrets, voire absents. Sur la parcelle des Soubletons, Maï proposera bientôt en bouteille un juliénas 2022 identitaire qui profite déjà d’une vinification sous bois attentive et juste. Les deux barriques à venir, déjà courtisées, rejoindront bientôt les tables de goût en France. Antoine Pétrus


Antonin et Victor Coulon : de frères en fils

Ce ne serait pas rendre honneur aux six générations précédentes que d’attribuer tous les mérites à la septième, fraîchement arrivée pour reprendre, main dans la main avec la sixième, les rênes de ce beau domaine de Châteauneuf-du-Pape. Mais tout de même, Antonin et Victor Coulon, deux frères passionnés par les terroirs de l’appellation, sont en train de réaliser quelques prodiges qui méritaient qu’on s’y intéresse de près et qu’on les récompense. Sur les 60 hectares du vignoble de Beaurenard, cultivés en bio et en biodynamie, le jeune duo a déployé une batterie de pratiques ultra vertueuses et attend de pied ferme les dangers climatiques qui vont se présenter tôt ou tard : reforestation des parcelles, plantations de haies, charte paysagère commune à l’appellation, lutte contre l’érosion des sols, réflexion impressionnante quant aux couverts végétaux, sauvegarde du patrimoine des cépages (le domaine produit d’ailleurs une cuvée qui les réunit tous). Ces deux hyperactifs, attachés à la vie locale et associative du village, n’ont pas attendu d’être sûrs d’eux pour tenter, essayer, expérimenter. Dernière réussite en date, la maîtrise inédite de l’enherbement sur les sols de roche de calcaire dur, terroir le plus difficile à travailler et le plus soumis à la sécheresse estivale. Côté cave, les vins ont encore gagné en finesse et en naturel d’expression dans les derniers millésimes, avec au sommet, les cuvées Gran Partita et Boisrenard, plus raffinées que jamais. Louis-Victor Charvet


Louis Gimonnet : l’essai transformé

Anthony Aubert a été piqué par la passion du vin assez jeune. Après un master de commerce des vins, six années au grand export entre l’Asie et les États-Unis chez des importateurs, l’envie de créer sa gamme de vins l’a ramené en France. Jean-Charles Mathieu s’ennuyait dans un grand groupe qui ne laissait pas de place à sa créativité. Sa passion pour le vin, la rencontre avec Anthony, tout était réuni pour que l’aventure commence. Comme cette génération veut donner du sens à ses actes, leur démarche se veut éco-consciencieuse. L’essentiel de la production de leur toute jeune maison de négoce, créée en Languedoc en 2018, est certifié par des labels environnementaux comme ceux de l’agriculture biologique ou de la HVE, haute valeur environnementale. Ils se fournissent dans un périmètre inférieur à 100 kilomètres de leur camp de base et ont réfléchi à des emballages respectueux comme des bouteilles allégées en verre recyclé et autres bouchons et cartons. Ils déclinent leur production en différentes cuvées aux noms originaux. Leurs rouges bien réalisés partagent la même finesse de tannins et une expression intense des saveurs méditerranéennes. Blancs et rouges ont la fraîcheur pour fil rouge. Alain Chameyrat

 

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