Têtes de cuvée #04

Parmi tous les vignerons que nous avons rencontrés depuis dix ans,
un grand nombre travaillent en bio ou en biodynamie.
Pour EN MAGNUM, voici une sélection de onze géants verts,
il y en a beaucoup d’autres

Helen Durand

Lui, c’est l’un des meilleurs vignerons de Rasteau. À ce titre, il a la confiance de ses pairs et, c’est moins fréquent, celle de l’élite de la sommellerie française. S’il travaille très bien les appellations rasteau et côtes-du-rhône villages Cairanne, avec des vins puissants et charpentés, il est aussi très apprécié pour la grande qualité de son rasteau VDN (vin doux naturel). La raison de son succès ? C’est un excellent vinificateur qui a tout appris sur le tas (et qui s’est perfectionné chez Beaucastel). Il a commencé à mettre les vins de sa famille (Domaine du Trapadis) en bouteilles dès l’âge de 16 ans.

Philippe Fabrol

Nous avons bien failli faire souche dans ce domaine béni des dieux, nous ne voulions plus en partir. Nous étions aussi bien que les raisins issus de ces vignes menées en agriculture biologique depuis des générations parce qu’il y a des campagnes où l’on n’avait pas les moyens du phytosanitaire. C’est leur chance. Là, au pied de du village fortifié de La Garde-Adhémar, ce garçon fin et sympathique issu d’une famille émigrée du Piémont pas si lointain mène son domaine intelligemment. Moderne, il affirme que seule la qualité du raisin compte. À le regarder faire, ce vigneron donne envie d’être vigneron.

Éloi Dürrbach

Le grand homme de Trévallon a entièrement planté son domaine en 1973 au milieu des garrigues et des chênes verts des Alpilles sur des terres vierges de tout produit phytosanitaire. C’est l’une des caractéristiques de ses excellents vins rouges et de ses rares vins blancs. Si aujourd’hui, 100 % de ses soucis sont dus aux sangliers, il fut un temps déjà lointain où il s’agaçait des injonctions contradictoires de l’Inao jusqu’à décider de n’en tenir aucun compte, privilégiant la qualité de son vin aux diktats administratifs. La suite a donné raison au rebelle qui a vu ses vins célébrés partout, en Amérique comme en Europe.

Bérénice Lurton

Ce patronyme impose quelques devoirs. Si elle a reçu Château Climens en reprenant les parts de sa sœur, elle a tôt fait de le hisser au panthéon des grands barsacs à côté des liquoreux de Château Coutet, l’autre premier cru classé de l’appellation. Cette fille énergique et sympathique a décidé un beau matin de convertir son domaine à la biodynamie. Ce qui fut fait séance quasiment tenante, à la hussarde, il y a peu d’années. Et bing, le grand vin d’or a encore gagné en précision. Et comment comprendre l’extraordinaire, voire transcendante, finesse de ses parfums ? Bettane parle de « mystère ». Tout ce qu’il faut pour porter la légende de Climens encore un peu plus loin, si c’est possible.

Jérôme Bressy

Lui, avec sa belle tête d’acteur américain, c’est un rebelle de première catégorie. Encore un qui n’a pas bien supporté les atermoiements de l’Inao sur les cépages de l’appellation rasteau. Comme Dürrbach à Trévallon, Jérôme Bressy a donc sorti son domaine Gourt de Mautens de l’AOC. C’est surtout dommage pour cette dernière que de voir l’un des tout meilleurs claquer la porte. Bressy est un perfectionniste, sans cesse à la recherche du style qui rende le plus parfait hommage à ses terroirs et à ses cépages inhabituels. Et il le trouve. Ses deux cuvées, un rouge et un blanc, sont saluées partout comme des ovnis de haut niveau.

François Chidaine

Nous l’avons rencontré un matin de vendanges sur son coteau de Montlouis, sous un ciel bleu dur. Il faisait un froid polaire. Chez les garçons et les filles qui assuraient la vendange, on percevait nettement une espèce de passion qui vibrait entre les rangs de vigne, les regards concentrés, les gestes précis, l’attention portée. Certains prennent des vacances pour ça, ils trouvent qu’ils ont de la chance, qu’ils en sont, une petite troupe de rebelles avec une cause, ils travaillent avec François Chidaine. Ce garçon bienveillant et souriant emporte l’adhésion, force la sympathie. Il exploite trente-cinq hectares en montlouis et dix en vouvray, sur la rive d’en face. Tout ça en biodynamie depuis dix ans. En tout, il sort dix-huit cuvées, mais pas toutes tous les ans, ça dépend des millésimes.

Anne-Claude Leflaive

D’une influence majeure en Bourgogne, celle qui menait en biodynamie son domaine de Puligny-Montrachet était un modèle et une direction pour tous les vignerons un peu conscients de leur métier. Nous l’avions rencontrée chez elle et y avions goûté ses vins les plus fins, les plus rares, entre deux éclats de rire contenus. Elle était de bonne humeur, mais réservée. Elle a quitté le monde des vivants au début de la saison 2015, elle n’aura pas vu le beau millésime, mais elle a laissé un domaine capable d’en produire beaucoup d’autres.

Jean-Sébastien Fleury

Le champagne Fleury est un emblème (puisqu’il est un pionnier) de la viticulture propre en Champagne. Le domaine est dans la famille depuis 1895 et, bien sûr, a accueilli avec joie – la terre est basse – l’arrivée du Progrès. Mais pas très longtemps. Dès 1989, Jean-Pierre, le père de notre héros d’un jour, convertit le vignoble à la biodynamie. Vingt ans après, Jean-Sébastien rejoint son père. À charge pour lui de projeter la maison dans l’avenir, ce qu’il accomplit sans attendre. Il profite du millésime 2009 pour créer une cuvée sans soufre, Sonate n° 9. Un air connu ? Oui, mais pas tellement en Champagne.

Damien Brisset

Ce garçon tonique et, sans doute, pas très commode est œnologue, directeur technique et vice-président de la belle maison Ferraton à Tain-L’Hermitage (le président, c’est Michel Chapoutier). Là, il embouteille des crozes, des hermitages, des côtes-du-rhône et d’autres encore pour une trentaine de références et un total de 400 000 bouteilles, belle perf’ pour une petite maison. Il mène le domaine en biodynamie et ose le parallèle qui fait tout comprendre : « La biodynamie, c’est des impulsions. Comme un cavalier du Cadre noir et sa monture. » C’est joli, mais pas seulement. Son dada à lui, c’est « la caractérisation scientifique de la notion de terroir. » Et là, c’est du lourd.

Christophe Bousquet

Là-haut au milieu des garrigues, au sommet du massif de La Clape, nous étions au domaine de Pech-Redon. En fait, à moins de dix minutes de Narbonne, on est au bout du monde, pas moins. Christophe Bousquet mène en bio et avec beaucoup de rigueur un domaine de vieilles vignes. Excellent vinificateur et courroie d’entraînement pour (presque) tous ses collègues du massif, il est l’un de ceux qui croient en leur appellation et sa capacité à sortir de très beaux vins. Ce que nous vérifions année
après année.

Xavier Planty

Très vite, nous avons compris que ce type n’est pas comme les autres. Dans ce château Guiraud auquel il a voué son existence depuis longtemps déjà, il a planté des kilomètres de haies, inventé des hôtels à insectes, converti les 100 hectares en agriculture biologique (certifiés fin 2010) et encore, avant ça, il avait banni les insecticides de la liste des courses. Bref, tout ce qu’il faut pour compliquer gravement la production d’un sauternes de haut vol. Pourtant, millésime après millésime, il confirme la très belle tenue de son vin d’or. Tout en se désolant du peu de goût de ses contemporains pour ses jus fabuleux. Avec ses nouveaux associés (familles Peugeot, Bernard et von Neipperg), il a donné une nouvelle impulsion à Guiraud. Soutenons-le, il le mérite plus que d’autres.

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