L’Association des régions européennes viticoles (AREV) est à nouveau allée faire entendre son point de vue
(voir ici et là) sur la libéralisation des plantations. C’était à Bruxelles, mercredi dernier, et ce rassemblement était constitué des élus de plus de cinquante régions viticoles européennes, dont une dizaine de régions françaises.
Une première qui a donné lieu à une déclaration commune pour dire non à la suppression des droits de plantation, à un mois de la clôture des réunions du groupe de réflexion sur ce sujet mis en place par le commissaire européen Dacian Ciolos. Nous reproduisons intégralement cette déclaration ci-dessous, précédée par le discours de Jean-Paul Bachy, président de l’AREV et président du Conseil régional de Champagne-Ardenne.
« L’évènement d’aujourd’hui s’inscrit comme une étape importante de la mobilisation nécessaire contre la suppression des droits de plantation. Lors du dernier Congrès International de l’AREV à Turin le 11 mai 2012, j’avais proposé l’organisation de cette action. Nous n’avons évidemment pas attendu cet automne pour faire connaître à tous les niveaux notre position. D’autres initiatives ont aussi été prises sur le plan régional ou national. Mais les adhérents de l’AREV ont estimé, à l’unanimité, que ces démarches individuelles n’enlèveraient rien à l’intérêt d’une démarche collective à l’échelon le mieux adapté, c’est-à-dire l’échelon européen. Nous y sommes.
(…) Vous avez une histoire, des traditions qui vous sont propres et des sensibilités politiques souvent différentes. Tous, vous voulez cependant exprimer vos attachements à une conception de la viticulture que la Commission conteste et veut remettre en cause. Ses technocrates ne veulent rien entendre. Les conditions dans lesquelles se déroulent les travaux du groupe de haut niveau que pilote le Directeur général de l’agriculture, en sont la preuve.
La meilleure réponse à ce blocage, c’est notre action et notre cohésion.
L’enjeu n’est pas seulement de défendre, ici, des intérêts catégoriels. Il est surtout de promouvoir l’avenir
de nos territoires. Au-delà des dizaines de milliers d’exploitations viticoles, il y a aussi dans nos régions, des dizaines de milliers d’emplois dans les industries connexes, dans le tourisme, dans les activités gastronomiques, dans l’environnement, dans la formation. Ils sont aujourd’hui menacés. Les consommateurs sont, eux aussi, concernés car lier la qualité d’un vin à son territoire d’origine, c’est leur garantir une parfaite traçabilité. Savoir ce que l’on consomme, c’est d’abord savoir d’où vient le produit et comment on l’élabore. C’est permettre à la viticulture d’améliorer ses techniques de production en réduisant les recours aux traitements chimiques. C’est concilier défense de l’environnement, protection du consommateur et promotion de la qualité qui est le principal argument
de vente de nos vins dans le monde.
L’attachement de nos régions à leurs terroirs n’est pas un dogme du passé. C’est la clé de l’avenir.
La Commission de Bruxelles voudrait nous diviser en créant, dans nos vignobles, un faux débat entre les producteurs qu’elle accuse d’être figés sur une position malthusienne et défensive, et les négociants qu’elle juge plus ouverts aux marchés internationaux et davantage partisans d’une augmentation des volumes. L’étude du Professeur Montaigne, diligentée par l’AREV, vient de démontrer que la maîtrise des droits n’empêchait nullement les adaptations au marché. Elle a démontré, par contre, que dans les pays où aucune règle n’existe, comme en Australie, le marché s’effondre. Il faut arracher les vignes et s’en est fini pour les petites et moyennes exploitations. Sans doute y aura-t-il toujours des conflits d’intérêts à trancher entre producteurs et négociants, mais c’est à eux
d’en décider. L’essentiel est que la maîtrise du potentiel de production soit maintenue en 2016. Si ce n’est pas le cas, il n’y aura plus rien à débattre. On plantera des vignes n’importe où et n’importe comment. On délocalisera les vignobles partout dans le monde et les régions européennes concernées subiront le même sort que les bassins industriels vidés de leurs emplois comme de leurs richesses.
Cohésion et mobilisation sont donc les mots d’ordre du jour. Nous devrons demain aller plus loin encore. Nous avons, en effet, des alliés dans les autres secteurs agricoles dérégulés. Toutes les productions sont en fait concernées car ce que veut faire la Commission pour le vin, elle peut aussi le faire pour les fruits et légumes ou d’autres filières. Les organisations professionnelles tant nationales qu’européennes ont été d’efficaces relais d’information pour l’événement de ce jour. Je tiens à les remercier de cette collaboration. D’autres initiatives suivront. Notre front commun doit aussi s’élargir aux organisations de défense des consommateurs et aux associations de défense de l’environnement car les unes et les autres sont sensibles à notre engagement pour nos territoires. Nous pouvons enfin compter sur l’appui de nos gouvernements et de nombreux parlementaires nationaux et européens. Certains sont ici. Je les salue. Beaucoup m’ont écrit pour nous apporter leur soutien. L’important est maintenant que toutes les régions fassent cause commune et que, au-delà de leur diversité, elles s’expriment d’une même voix. Après avoir donné la parole aux Présidents et aux Ministres des régions viticoles ici présentes, nous adopterons une déclaration commune. Etablie en étroite collaboration avec le président du CEPV (comité européen professionnel du vin), Aly Leonardy (Luxembourg) et son vice-président Ettore Ponzo (Italie), cette déclaration reprend tous les arguments et thèses que les délégués politiques et professionnels de l’AREV ont unanimement validés au cours des sessions de l’AREV de ces cinq dernières années. »
Jean-Paul Bachy, Bruxelles, le 7 novembre 2012
Les territoires disent non au démantèlement de la viticulture européenne.
« Les droits de plantation sont un instrument de régulation du potentiel de production, qui ne coûte rien au contribuable européen, qui s’inscrit dans une dynamique de développement durable et qui a une vraie dimension sociale. A ce titre, les régions, qui sont par excellence “les territoires de la viticulture”, tiennent à rappeler à La Commission Européenne les objectifs de la PAC (Art. 33 du Traité instituant la Communauté Européenne) et de sa propre stratégie “Europe 2020” qui vise à développer une croissance “intelligente, durable et inclusive”, alors que sa politique viticole est en porte-à-faux par rapport aux attentes territoriales des collectivités et de la société civile.
Considérant la décision prise en 2008 de rendre totalement libre la plantation de vignes
sur tout le territoire de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2016 ;
Considérant que la culture de la vigne, depuis les années 1930 dans certains Etats membres
et depuis les années 1970 dans l’Union européenne, est régulée par des droits de plantation ;
Considérant que les droits de plantation sont la « clé de voûte » du modèle viticole européen,
lequel a permis de développer des activités économiques importantes, diversifiées et garantes
du maillage rural dans des zones ne disposant pas de productions alternatives ;
Considérant que cet instrument n’a aucune incidence sur le budget communautaire,
contrairement aux coûteuses mesures d’arrachage massif engagées de 2008 à 2011 ;
Considérant les conséquences néfastes qu’aurait la libéralisation des plantations sur l’économie
de nos territoires, les emplois périphériques, l’aménagement de l’espace rural, les paysages,
le tourisme, l’environnement : surproduction, chute des prix, diminution de la qualité, perte
de notoriété, disparition des exploitations familiales, délocalisation du vignoble vers les plaines,
concentration et industrialisation du secteur ;
Considérant les très vives inquiétudes que provoque cette décision chez les viticulteurs et les élus
des collectivités territoriales concernées et plus largement chez les citoyens et les consommateurs
à qui le système actuel des AOP/IGP garantit toute traçabilité sur l’origine de ce qu’ils boivent ;
Considérant les initiatives déjà engagées sur le terrain avant l’échéance du 1er janvier 2016
(spéculation, achats de terrains dans les plaines, etc.) et les inquiétudes grandissantes des vignerons,
notamment des jeunes, sur leur proche avenir ;
Considérant le Rapport Spécial N° 7/2012 rendu le 12 juin 2012 par la Cour des Comptes Européenne
sur l’avancement de la réforme de l’OCM vitivinicole dans lequel il est reproché à la Commission de n’avoir pas effectué d’évaluation approfondie des éventuelles conséquences de l’abolition des droits de plantation ;
Considérant que, comme l’a amplement démontré l’étude scientifique indépendante du Pr Etienne Montaigne,
l’encadrement du potentiel de production ne constitue pas un frein au développement des exploitations ni à
l’installation de jeunes viticulteurs (plusieurs dizaines de milliers d’hectares de droits attribués durant
ces dix dernières années), mais qu’une gestion judicieuse permet d’assurer un équilibre entre l’offre et la demande ;
Considérant que la quasi totalité des Etats membres producteurs ainsi que les majorités du Parlement Européen,
du Comité des Régions et du Comité Economique et Social Européen dénoncent aujourd’hui cette décision et demandent à la Commission de maintenir la régulation du potentiel de production pour toutes les catégories de vin ;
Considérant que la Direction Générale Agriculture reste sourde à tous ces appels ;
Nous présidents des régions et élus des collectivités territoriales rassemblées au sein de l’Assemblée des régions européennes viticoles (AREV), soutenus par l’écrasante majorité des organisations professionnelles régionales, nationales et européennes, demandons instamment à la Commission d’entendre la revendication portée par la quasi-totalité des territoires producteurs et de faire rapidement, conformément à l’expression démocratique, une nouvelle proposition législative s’appliquant à tous les Etats membres ; appelons le Parlement Européen à réintroduire l’encadrement du potentiel de production par des droits de plantation pour toutes les catégories de vin dans tous les Etats membres en amendant en ce sens la proposition de règlement « OCM Unique » de la Commission ; demandons aux chefs d’Etat et de gouvernement des pays producteurs de poursuivre leurs efforts et de convaincre, avant la fin 2012, les quelques Etats membres nécessaires à la formation d’une majorité qualifiée ; Invitons le Conseil des Ministres de l’Agriculture à acter formellement ces positions. »