Il ne faut pas le confondre avec le château de la Belle au Bois Dormant situé à seulement quelques kilomètres, mais le Château de La Grille n’en est pas moins charmant. Qui prend soin de ce château de la Loire dont les origines remontent aux XVe et XVIe siècles et qui fut la propriété d’une célèbre famille champenoise répondant au nom de Gosset ? Eh bien ce ne sont pas une, mais deux personnes. Christophe Baudry et Jean-Martin Dutour ont racheté le Château de La Grille en 2009, alors dirigé par Sylvie et Laurent Gosset.
Le chai, construit en 1970 sous la direction d’Albert Gosset, intégrait déjà les éléments permettant de vinifier dans les meilleures conditions. Bénéficiant de travaux de réaménagement, un nouveau caveau de dégustation,
un espace de projection et des rénovations du chai de vinification ont été entrepris. Une galerie souterraine de liaison entre le chai à barriques et le chai de fermentation à aussi été créée. Dans le clos, le meilleur terroir du vignoble, deux hectares de cabernet franc ont été replantés. Intégré aux vignobles Baudry-Dutour, en compagnie du Château de Saint-Louans, du Domaine du Roncée et du Domaine de la Perrière, La Grille s’étend sur vingt hectares, pour une production annuelle d’environ cent-mille bouteilles.
Christophe Baudry représente la sixième génération de vignerons de la famille. Comme une grande majorité de jeunes viticulteurs, il a débuté avec son père. C’est en 1986 que Jean Baudry lui a dit : « à toi maintenant ». Vingt-huit ans plus tard, accompagné de Jean-Martin Dutour, le voilà à la tête de quatre domaines. Avec les deux propriétaires, vingt-six personnes travaillent sur l’ensemble des vignobles. Pour ce qui est de La Grille, quatre ouvriers viticoles, un maître de chai et Catherine Perreau, responsable du caveau. Nouveauté œnotouristique, en plus des classiques visites des vignes et des chais, les visiteurs ont la possibilité de se promener dans le parc et au cœur même du vignoble. Un plan est à leur disposition pour les guider et leur raconter étape par étape les travaux de la vigne et les caractéristiques du métier de viticulteur.
Leur premier millésime, en 2009, annonce les ambitions du binôme. Remettre le domaine à son niveau des années 1990. Pour y arriver, en plus des investissements réalisés, Christophe Baudry peut s’appuyer sur un terroir argilo-calcaire qui résiste à de fortes sécheresses. Il faut laisser la nature faire son travail. Le vin aime prendre son temps. « La Grille est un château où il faut vendanger tard, quitte à perdre un peu de fruit. L’année dernière, les vendanges ont commencé alors que toute l’appellation en avait terminé. Albert Gosset élevait le vin en barriques, puis, en bouteilles. On déguste un millésime trois à quatre ans après sa vendange. La-grille est un vin de garde. Il est élevé pendant dix-huit-mois dans des fûts de deux, trois et quatre ans et nous utilisons une à deux cuves maximum selon les millésimes ». Le vin achève sa maturation en cave durant un minimum de deux ans.
De la famille Gosset, la durée d’élevage ne reste pas le seul héritage. La bouteille, elle aussi, est restée identique au célèbre flacon champenois et un topiaire de la forme de la bouteille orne le parc du château.
On le sait, la vie de vigneron peut être difficile et injuste, tant la qualité d’une récolte est incertaine avant que les raisins soient en sûreté, à leur place, dans les cuves. 2012 ne restera pas dans les mémoires. Gel de printemps et grêle sont les responsables d’un millésime compliqué, le premier depuis plus de dix ans. Toute l’appellation chinon est concernée. D’une production moyenne de 100 000 hectolitres par an, seuls 57 000 seront produits. Pour ce 2012, Baudry-Dutour a fait un choix coûteux. Celui, tout comme les châteaux d’Yquem et de Rieussec, de ne pas produire de millésime 2012. Une décision qui prouve une exigence certaine, une ambition d’excellence. Conséquence, la production de rosé du Château de La Grille double pour atteindre environ 20 000 cols. « C’est l’année la plus compliquée depuis longtemps. 1991 fut mon pire cauchemar à cause du gel qui a réduit la récolte à 7 hectolitres par hectare. En 1980, c’était la qualité du raisin qui était en cause ».
La visite touche à sa fin, la grille se referme. Il est temps de partir. Christophe Baudry, lui, ne bouge pas. Passionné qu’il est, il se prépare à raconter et faire déguster à d’autres, l’histoire et les multiples parfums du Château de La Grille.
Texte et photos : Pierre Grenié