Fan de rosé

Avant de prendre ses vacances, et le rose aux joues, Frédéric Panaïotis, chef de caves de la Maison Ruinart, fait ici une confidence, ce qu’il appelle une “révélation œnologique” : il aime le rosé. Passionnément.
Et il a de très bonnes raisons pour ça. Que vous pouvez commenter, comme à l’habitude et en 140 signes,
sur son compte twitter @CarnetsRuinart

« Pour commencer, le rosé, avec mes origines et ma culture champenoise, je l’ai un peu dans les gènes. J’ai donc une acceptation facile de ce type de vin. Qui plus est, en Champagne, le rosé a depuis longtemps une image assez prestigieuse, en partie due à sa rareté. Les cartes des vins du XIXe siècle ou du début du XXe nous révèlent d’ailleurs que les champagnes rosés étaient vendus plus chers que les blancs. On peut remonter encore plus loin. Des archives Ruinart récemment découvertes attestent une vente de « vin œil de perdrix 1e qualité mousseux »,
en 1764. Rebelote en 1794, le 20 ventôse an 4, pour être précis. Nous avons expédié du « champagne rozet mousseux » à Halle, en Allemagne. Dans les autres maisons, même constatation. Et mon homologue chez
Moët & Chandon, Benoît Gouez, a eu la chance de déguster une bouteille de « rozé » 1878. Le phénomène
de mode rosé n’en est donc pas un chez nous.

Aussi, on a en Champagne une toute petite AOC qui produit de très jolis vins, issus de macération de pinot noir :
le rosé des Riceys. Ce vin, fait à partir des raisins récoltés sur les plus beaux coteaux des trois villages de l’aire d’appellation, est propice à la garde. Je garde le souvenir ému, lors d’une dégustation chez Jacques Defrance, dans le cadre d’une étude sur ce terroir, d’un 1964. Horiot et Morel produisent également de très jolis rosés des Riceys. Ce sont des vrais rosés de gastronomie, à marier à de la très belle charcuterie, à des supions, ou à un filet mignon de veau. Si la fraîcheur vous tente, je vous conseille un gaspacho aux poivrons rouges.

De mon côté, je bois régulièrement des rosés, plus jeunes que le Riceys 64, notamment en Provence où je passe souvent mes vacances. Je goûte, parfois je visite les chais, et il y a de belles découvertes à la clé. Le domaine
de la Madrague
me plaît beaucoup, comme le Château Sainte-Marguerite ou celui de Chausse, ou encore le domaine Saint-André de Figuière. Ces vins ont souvent des notes épicées et d’agrumes, et de jolis plats du Sud
ne leur feront pas peur. Un filet de rascasse sauce vierge et citrons confits ou une brandade de cabillaud aux tomates confites et olives vertes. J’en profite d’ailleurs pour vous dire que je préfère nettement un beau rosé
sur un plat comportant de la tomate, à un blanc souvent plus difficile à marier.

Mais mon coup de coeur dans le Midi, c’est le bandol rosé. On a là de grands vins de gastronomie, et j’ai un gros faible pour les domaines Tempier et Pradeaux. Vers Nice, en AOC bellet, on trouve aussi de grandissimes rosés, châteaux de Bellet ou de Crémat, à base du cépage braquet, qui donne une note de violette plutôt irrésistible.
Là encore, partez sur ces accords avec de jolis poissons de la région, et sortez les tomates, voire les aubergines.
Et si vous voulez vous faire une remontée express côté Atlantique, je pense qu’une lotte à l’Armoricaine fera un accord très intéressant. Ces plats valent aussi pour les rosés corses que j’apprécie beaucoup, où rentrent, en plus du grenache, les cépages locaux que sont le niellucciu ou le sciacerellu. Colombu ou Gentile en font de très beaux, mais aussi le Clos Canarelli à Figari, qui avait remporté tous les suffrages lors d’une dégustation de mon club,
l’an dernier. Bien entendu, si vous êtes sur place et pouvez profiter de la magnifique charcuterie locale, coppa
et figatellu, ne vous privez surtout pas. Je vous souhaite de belles vacances ensoleillées, faites de farniente,
mais aussi de jolies découvertes gastronomiques et œnologiques.
»

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