Reims. On est si vite arrivé. À peine le temps d’en finir avec votre quotidien d’élection que vous voilà propulsé sur la place de la gare. Un joli tour dans le vignoble champenois commence forcément par tenter d’épuiser les beautés de la ville des sacres, des rois. Dans cette très ancienne capitale mérovingienne, quinze siècles plus tard, le visiteur ne saurait être indifférent aux beautés de la cathédrale, ses 2 300 statues, cette histoire qui tient tellement au cœur des Rémois que les plus généreux d’entre eux en ont fait une destination pour leurs dons. Il faut dire qu’on n’en finit pas de panser les plaies des bombardements allemands de la guerre de 14-18. Les travaux de restauration pourtant entrepris dès 1919 durent encore.
Les crayères
Avant d’aller déjeuner, on choisira de plonger au centre de la terre par l’entremise de l’un ou l’autre des réseaux de crayères. Et là, ce n’est plus le souvenir des Mérovingiens qu’on y célèbre, mais celui de la tribu des Rèmes. Ils ont creusé des sortes de puits tronconiques s’évasant sous terre à partir de l’ouverture pratiquée en surface et appelée « essor ». De cette belle craie, ils ont tiré des moellons qui constituaient les soubassements des maisons de ce qui allait devenir Reims. Vite abandonnées, on en retrouvait l’utilité en cas d’invasion de Huns ou de Goths, pour se protéger des vicissitudes propres à ces époques incertaines. Cinq grandes maisons de Champagne en possèdent aujourd’hui et proposent de les visiter. Pommery et ses bâtiments élisabéthains, Ruinart, Taittinger, Veuve-Clicquot, Martel. Sans aller jusqu’à qualifier ces réseaux souterrains de ville sous la ville, il faut reconnaître l’intérêt crucial que ses grottes immenses, humides et fraîches constituent pour la conservation du champagne. Mais certaines reçoivent des expositions d’art contemporain, d’autres baignent dans l’humidité providentielle, toutes affichent des températures idéales par temps chaud, autour de 10-12°C. Pas moins d’un milliard de bouteilles attendent leur heure dans les caves et les crayères de Champagne. Et puisqu’on y est, sur cette même butte Saint-Nicaise, on ne rate pas la visite de la très joliment restaurée Villa Demoiselle, sommet du genre anglo-normand, dont chaque détail est une œuvre d’art en même temps qu’un tour de force, mené de main de maître par Nathalie et Paul-François Vranken, propriétaires du champagne éponyme et des champagnes Pommery, avec ces incroyables bâtiments élisabéthains, aut-lieu historique du champagne et sanctuaire ultra-moderne de l’art contemporain, de l’autre côté de la rue.
Les Crayères
À table. On hésitera longuement entre les charmes de L’Assiette champenoise, le restaurant mené par le jeune chef-propriétaire Arnaud Lallement et ceux des Crayères, justement, le Relais & Châteaux propriété du groupe Gardinier (Taillevent à Paris et Phélan-Ségur à Saint-Estèphe). Les deux ont deux étoiles au Michelin. Et puis, le vaste parc et ses beaux arbres, le choix entre gourmand et gourmet, la réputation du chef Philippe Mille et du sommelier Philippe Jamesse, tout ça l’emporte. C’est là, au gastronomique Le Parc ou au bistronomique Le Jardin que vos pas vous portent. Bonne pioche.
On ze road again
Vers le milieu de l’après-midi, quand la lumière baisse un peu, en route pour Épernay. Traverser la montagne de Reims à l’assaut des coteaux, s’enfoncer dans la forêt avant de redescendre vers la Marne, bon fleuve un peu mou, c’est lui le responsable des équilibres climatiques pour l’instant. Au passage, à Mareuil-sur-Aÿ, on admirera le reflet du Clos des Goisses dans les eaux calmes de la rivière. La colline et son reflet forment une très parfaite bouteille de champagne et la maison Philipponnat, propriétaire de ce clos en avait fait, quelques temps, une vieille histoire, l’image de ses réclames. Sur les routes étroites, de belles autos. Se souvenir que la région est riche. Un hectare de vigne rapporte à son propriétaire entre 50 000 et 70 000 euros par an, minimum. Il fût un temps où la maison Moët & Chandon incitait ses ouvriers et collaborateurs de toutes sortes à acheter de la vigne, puis à signer un contrat avec la maison. L’idée était de sécuriser les apports de raisin. Cette idée a fait la fortune, récente, de ces familles, revenu et patrimoine. À un million d’euros minimum l’hectare de vigne, il n’y a pas de chiffres après la virgule, les calculs sont simples et le concessionnaire Mercedes dit merci.
Cumières, Bouzy, les villages défilent, le pays des pinots à vins rouges, la grande époque du bouzy a passé dans les…lire la suite