Condrieu, la renaissance du viognier

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Le vin de Condrieu, malgré sa rareté, est devenu l’un des vins de la vallée du Rhône les plus populaires au monde, le seul vin blanc même à l’être et son exemple est à l’origine de nombreuses plantations du cépage viognier à travers le monde, alors que, trente ans plus tôt, il avait failli disparaître.


 

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Lors de ma première visite dans le vignoble, durant l’été si sec de 1976 Lors de ma première visite dans le vignoble, durant l’été si sec de 1976, ils n’étaient que dix hectares de coteaux abrupts à revendiquer l’appellation, dont la moitié appartenait à une force de la nature, Georges Vernay. Son courage, sa foi dans la qualité du vin, son tempérament de bon vivant ont largement contribué au triomphe actuel que connaissent les vins, qui peuvent enfin se vendre à des prix rentabilisant la pénibilité du travail de la vigne.

Un terroir unique

L’appellation Condrieu se décline sur la bordure orientale du Massif Central, comme le pendant des crus du Beaujolais au nord de Lyon, sur des sols vieux de plus de 300 millions d’années, formés lors de l’orogenèse hercynienne (formation des reliefs de l’ère primaire). La roche d’origine est granitique et lorsque des températures de plusieurs centaines de degrés l’ont retravaillée, elle s’est transformée en différents types de gneiss. On parle alors de roches métamorphiques riches en micas sombres ou en feldspaths plus clairs. Ce métamorphisme a pu prendre la forme feuilletée de schistes, sous l’effet de puissants mouvements tectoniques. Beaucoup plus près de nous, à l’ère quaternaire, sur le sommet des coteaux se sont accumulés ici ou là des dépôts de loess apportés par les vents et qui allègent les textures. Ces granits se délitent ou se décomposent facilement formant des arènes de sables. Ces sables s’alourdissent parfois par la formation d’argile, mais cette argile est infiniment moins compacte que sur un substrat calcaire. Une étude très précise des sols de l’appellation, commanditée par le syndicat viticole a été réalisée par les géologues Céline Beaucamp et Lolita Gilles. C’est ce travail capital qui inspire largement le descriptif des lieux-dits qui va suivre.

Un seul cépage

À l’heure actuelle, l’aire de production couvre un peu plus de 140 hectares sur 220 potentiels. Cela semble peu si l’on tient compte de la trentaine de kilomètres qui sépare le ruisseau de Bassenon, limite nord de l’appellation, du coteau de Montrond, au sud de Limony, qui la clôt. Mais avec beaucoup de rigueur, les vignerons n’ont conservé que les meilleures expositions, sud ou sud-est, et ont exclu les sommets de coteau, qui produisent un vin de pays des collines rhodaniennes. À partir de Chavanay, tous les coteaux qui n’ont pas droit à l’appellation Condrieu peuvent revendiquer l’appellation Saint-Joseph, mais paradoxalement sans être autorisés à planter le même cépage blanc. Ces saint-joseph du nord relèvent en effet des usages de ceux du sud : pour les vins blancs, seules la marsanne et la roussane sont autorisées, alors qu’en Condrieu et depuis la nuit des temps, le viognier est le cépage exclusif. On a longtemps cru que cette variété n’existait au monde que dans ce petit espace. Il semble pourtant qu’elle fasse depuis longtemps partie du patrimoine des vignobles dalmates, sans qu’on puisse savoir qui l’a plantée le premier. En tout cas, son adaptation au type de sol et au climat de ce secteur est brillamment mise en évidence par la finesse et le parfum remarquable qu’elle donne au vin et qui a donné l’idée à de nombreux “nouveaux” vignobles, en Californie, en Australie et désormais un peu partout dans l’hémisphère sud de l’essayer, souvent avec succès. Au moment des premières extensions de plantation, les vignerons n’avaient à leur disposition que deux clones bien inférieurs en qualité aux plants d’origine et qui pourtant ont fait le tour du monde. Grâce à la ténacité de Georges Vernay et à l’intelligence de la nouvelle génération de vignerons conduite par Gilbert Clusel et Brigitte Roch, une sélection massale soignée donne à tous la possibilité de revenir à la qualité incomparable des plus anciennes vignes.
suivre

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1 COMMENTAIRE

  1. Cher Michel
    Merci pour cet excellente entrée en matière, je me réjouis de lire la suite. Concernant l’hypothétique présence du Viognier en Dalmatie, je tiens à préciser que je l’ai réfutée dans notre ouvrage de référence Wine Grapes (Jancis Robinson, Julia Harding, José Vouillamoz; Allen Lane 2012). C’est le professeur italien Antonio Calò et ses collègues qui l’ont élaborée en 2006, suggérant que le Viognier était cultivé sur l’île de Vis sous le nom de Vugava ou Bugava. Cependant, il n’y a aucun argument historique pour soutenir cette hypothèse, et le profil ADN du Vugava Bijela que j’ai obtenu de la Croatian Vitis Database ne correspond pas du tout au profil du Viognier.
    Aurais-tu d’autre sources que celles que j’ai citées?
    Bien cordialement
    Dr José Vouillamoz, ampélologue

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