Voilà ce que dit Amélie Nothomb à Charles Philipponnat. L’auteur de Hygiène de l’assassin et l’auteur du clos-des-goisses 2006 enfin réunis chez Taillevent pour une conversation finement croisée. Deux visions inspirées du champagne par deux beaux esprits qui élèvent les bulles au rang du rêve, de la poésie, de l’objet d’art enfant du génie éclairé de la civilisation des Lumières. C’est notre ami Jean-Luc Barde qui a préparé cette rencontre au sommet.
Vos deux vies sont accompagnées, traversées par le champagne, pourquoi, comment ?
Amélie Nothomb : Je suis une enfant d’ambassade. Je suis née quand mon père était consul de Belgique au Japon. Dans toutes les ambassades de la terre, l’eau c’est le champagne et le fournisseur de la Belgique était à l’époque Laurent-Perrier, il y a pire. Mes parents recevaient mille personnes par mois. Je n’étais pas invitée à ces réceptions, mais je n’en étais pas exclue. Petite, je passais à quatre pattes au milieu des gens, personne ne me chassait, ne me parlait, je faisais partie des meubles et j’avais remarqué que les adultes buvaient quelque chose de très intéressant. À l’âge de deux ans et demi, j’ai saisi une flûte et j’ai bu ce qu’il en restait. Je ne savais pas ce que c’était, mais ça m’a enchantée. C’est là qu’a commencé une longue carrière de finisseuse de flûtes qui a bercé mon enfance. Je ne le faisais pas en cachette, ça n’était pas mal vu. Très vite le contrat avec mes parents fut ainsi : « Ma fille, du moment que tu es la première de la classe, tu fais ce que tu veux. » Je pense que j’y ai souscrit pour pouvoir continuer à boire au cours des réceptions, de manière aussi discutable et si peu discutée.
Charles Philipponnat : Mais à deux ans et demi, au bout de trois coupes, vous deviez sombrer dans l’inconscience.