Retour sur Vinapogée, right on time

Vinapogée, 3e édition, c’est le salon des vins matures. Soit un lieu parisien, une vingtaine de producteurs et des vins que l’on goûte quand il est temps, ni trop tôt, ni trop tard. Le salon avait lieu le 4 décembre, mais nous avons préféré laisser ce compte-rendu mûrir un peu…

Cet événement a été créé par Hervé Bizeul en 2015. Le constat était simple : il fallait lutter contre les infanticides qui consistent à boire les vins trop tôt. La faute à l’impatience, la faute au prix du mètre carré, la faute au restaurateur qui ne stocke plus. D’où la volonté de redonner la possibilité aux amateurs de goûter, et d’acheter, des vins quand ils sont à l’optimum de leur cycle d’évolution. Hervé Bizeul a passé la main, car son boulot c’est vigneron, mais deux parisiens, David Hairion et Bernadette Vizioz, ont repris le flambeau.

Quelques vignerons de poids font le déplacement. Caroline Frey paie de sa personne pour faire goûter ses hermitages La Chapelle 2003 et 2006 du domaine Paul Jaboulet Aîné. On croise également Daniel Brunier du Domaine du Vieux Télégraphe qui présente ses chateauneufs-du-pape blanc et rouge dans le millésime 1999. On ne dira jamais assez à quel point les chateauneufs-du-pape gagnent en élégance et en fraîcheur quand on sait les attendre. On croise également Charles Philipponat qui présente une série de 2007 et Florence Brumont de Madiran dont la fameuse parcelle La Tyre se montre particulièrement aimable du haut de ses treize ans.

Belles rencontres
Au rayon « belles rencontres » on retient celle de Nicolas Lesaint, directeur technique du Château de Reignac. Cette propriété, qui produit du bordeaux supérieur, tâche d’emmener son appellation vers son côté « supérieur ». Lesaint présente les 2009 et 2010 de la cuvée classique, d’excellents bordeaux qu’on peut s’offrir pour vingt-cinq euros. Le 2009, plus en largeur, se livre généreusement, tandis que le 2010, plus strict, mérite encore d’être gardé. On goûte également la cuvée haut-de-gamme Balthus sur les millésimes 2008 et 2010. Cette cuvée, intégralement vinifiée et élevée en barriques, a bénéficié d’une amélioration entre les deux millésimes. En 2008 le vin changeait de barrique pour l’élevage, ce qui en accentuait le boisé. Depuis 2009 Balthus est vinifié puis élevé dans la même barrique. Le vin a gagné en élégance. Un choix judicieux.

gassman600Autre belle rencontre avec Pierre Gassman du domaine Rolly-Gassman. Il joue le jeu Vinapogée à fond puisqu’il présente sept vins allant de 2010 à 1994. L’occasion de constater ce que les blancs d’Alsace gagnent au vieillissement, digérant leur sucre et révélant plus encore leur terroir. Le pinot gris vendanges tardives Rotleibel de Rorschwihr 1996, que le domaine met seulement à la vente pour trente euros, présente un nez incroyable de truffe blanche du à son terroir marno-calcaire avec placage de lœss. Le gewurztraminer sélection de grains nobles Oberer Weingarten de Rorschwihr 1994 s’exprime sur les fruits exotiques et fond en bouche comme du miel, mais sans lourdeur. En millésime plus récent, le muscat vendanges tardives Moenchreben de Rorschwihr 2003 présente beaucoup de fraicheur, avec un côté sève de pin et menthe poivrée, le résultat du muscat sur calcaire. Une dégustation très didactique, propre à faire aimer l’Alsace à n’importe qui, à condition de mémoriser ces noms à rallonge.

Le pourquoi du comment
Côté didactisme Vinapogée propose des ateliers. L’occasion de passer une heure avec Mathieu Cosse et Catherine Maisonneuve qui proposent des cahors de garde, virils, que même quinze ans de vieillissement peinent à assouplir. Peut-être la faute au calcaire. Car leur cuvée La Marguerite, sur des sols argileux, s’exprime avec beaucoup plus d’onctuosité et de délicatesse, y compris sur un millésime très récent comme 2015. Il faut mettre le double du prix des Laquets, soit une soixantaine d’euros, mais ça vaut vraiment le coup. Le meilleur sommelier du monde 2000, Olivier Poussier, est également de la partie avec un atelier sur les accords entre les fromages à pâte fleurie, type camembert, les ennemis du vin, et le champagne. Les champagnes étaient particulièrement bien choisis avec un parcellaire de Chartogne-Taillet, Beaux Sens, un Vieillissement Prolongé d’Egly-Ouriet, et deux 1989. Un très beau brut de Charles Heidsieck et un blanc de blanc exceptionnel de Vazart-Coquart qu’on peut encore acquérir au domaine pour cent-dix euros. On venait de trouver notre vin de Noël. Merci Vinapogée.

 

Gilles Durand-Daguin

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