Spiritueux, l’interview : « La dimension olfactive est essentielle. »

Christophe Macra, membre du club très fermé des Masters of Wine, est aussi le créateur, avec Sylvain Removille, de la cave Apogé*. Toqué de spiritueux, il nous explique comment on déguste ces alcools.

Un spiritueux se déguste-t-il de la même façon qu’un vin ?
Christophe Macra : Pour pleinement apprécier une eau-de-vie, quelques précautions sont à prendre. D’abord, veiller à la température de service : au dessus de 20° C, la puissance de l’alcool masque beaucoup d’arômes. Donc, premier principe, on ne chauffe pas son verre au creux de la main. C’est la raison pour laquelle je préfère servir les spiritueux dans un petit verre à pied légèrement tulipé ou, sinon, dans un verre à vin Inao. Deuxième principe : on n’agite pas son verre comme on le fait pour le vin car cela fait ressortir l’éthanol, ce qui peut-être désagréable.

Vous prêtez beaucoup d’importance à la dimension olfactive. Un tic de professionnel ?

C’est le moment le plus important ! Au nez, on capte au moins 50 % des informations. On perçoit immédiatement si l’alcool est bien intégré ou s’il est dissocié. On commence par sentir le haut du verre, puis ensuite le bas du verre. Il faut laisser le temps au spiritueux de s’exprimer, puis y revenir. Au bout de 5 à 15 mn, la palette aromatique s’avère plus délicate. Quand un whisky évolue dans le verre, c’est une marque indéniable de qualité.
« Quand un whisky évolue dans le verre, c’est une marque indéniable de qualité. »

En bouche, on vide son verre cul sec ?

Seulement si c’est dans un film avec Errol Flynn ou John Wayne ! Pour révéler tous les arômes, on met une très petite quantité dans la bouche et on laisse la salive envahir le palais. Si l’on est dans le cadre d’une dégustation de plusieurs échantillons, on recrache assez rapidement pour ne pas avoir à la longue les papilles anesthésiées par l’alcool. Je goûte toujours pur en premier, on détecte beaucoup mieux les arômes en milieu de bouche. Si l’alcool est agressif, ce n’est pas un problème de degrés mais de qualité de distillation. Dans les grands spiritueux, la longueur est extraordinaire, on sent se dérouler les différentes couches de la trame aromatique.
« Si l’alcool est agressif, ce n’est pas un problème de degrés mais de distillation. »

Et dans le cas d’une dégustation plaisir, on ajoute de l’eau ? Des glaçons ?
L’ajout d’un peu d’eau pure développe les arômes. En bouche c’est moins évident. Maintenant, s’il s’agit de se faire plaisir, tout est possible. Certains, comme les japonais aiment le boire sur ice ball, un glaçon d’eau pure taillé en rond d’un seul bloc, ou allongé d’eau gazeuse. Trop froid, vous ne percevrez sans doute qu’une partie de la palette aromatique. Vous pouvez aussi noyer votre whisky dans un soda si tel est votre bon plaisir. Là, une seule règle : à mauvais soda, mauvais whisky. Dans un cocktail, la qualité de tous les ingrédients compte. Quant à un très vieil alcool, il se suffit à lui-même.

Propos recueillis par G.M.
*Cave Apogé, 21 Esplanade du Général de Gaulle, 92060 Puteaux.

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