Rock’n’Grapes

Après le passage des Strokes la semaine dernière à l’Olympia, l’autre événement musical parisien de ce mois de février était un concert de vignerons rockers au Backstage pour fêter la sortie du livre Accords Majeurs de notre ami Frédéric Durand-Bazin. Récit d’une soirée pas comme les autres.

Dégustation rock’n’roll
Ce soir-là, le microcosme parisien du vin s’est donné rendez-vous dans un club de Pigalle à l’invitation de l’Agence Force 4. Pas pour une dégustation classique, même si, en préambule de la soirée, chaque vigneron présent, onze parmi les vingt-deux du livre, fait goûter sa production. Un panel aussi sympathique qu’hétéroclite qui permet de déguster du rhône, venu en force, du champagne, du bourgogne, du bordeaux et du languedoc. De quoi s’échauffer les gosiers et délier les langues avant le début de ce concert un peu spécial. Ça démarre calmement avec de la folk pendant qu’on fume une clope avec un vieux roadie du vin, partagé entre la joie de ces agapes et la tristesse de l’annonce du décès de Daniel Benharros, figure tutélaire de la presse du vin parisienne.

Grapeful Dead, le groupe du Rhône nord
Mais il est temps de s’engouffrer dans la rockcave. Frédéric Durand-Bazin, l’auteur du livre (avec Nidhal Marzouk à la photo), est en train de taper sur la batterie pour prêter main-forte à Jean-Philippe Bret du Mâconnais, adepte de musiques électroniques, ce qui donne lieu à une reprise des Daft Punk. Mais la tête d’affiche de ce concert unique, ce sont les vignerons rockers, avec une bonne partie des Grapeful Dead, le groupe du Rhône nord dont les piliers sont Paul Amsellem (Domaine Georges Vernay), Yves Gangloff et Pierre-Jean Villa. Pour l’occasion, ils composent un attelage hétéroclite avec leurs confrères du Languedoc, de Bordeaux et d’ailleurs, formant un groupe aux formes mouvantes qui voit les membres changer au gré des morceaux.

Faire partie des AC/Dçu, c’est avoir du goulot et du culot.

Pas de costard, des guitares
C’est Fred Chauffray, venu des Terrasses du Larzac, qui se met au chant le premier et montre qu’il n’a pas besoin de s’échauffer. Il occupe l’espace scénique avec aplomb, muni d’une guitare coréenne à paillettes. À ses côtés, Frédéric Faye, le directeur technique de Château Figeac, a délaissé le costard pour la guitare, se montre plus réservé, pas moins talentueux. Derrière, Durand-Bazin a troqué les drum sticks pour une basse, Jean-Charles Fagot ne lâchera plus la batterie, tandis que le Champenois Pascal Doquet, qui appelle ses cuvées Arpège ou Diapason, donne également de la guitare. Ils entonnent un Rebel Rebel culotté.

Le Keith Richards des coteaux escarpés
Changement partiel d’équipe avec l’arrivée sur scène de la bande des côte-rôtie et des condrieus. Presque planqué derrière son synthé, le facétieux Paul Amsellem nomme ce groupe de circonstance les « AC/Dçu » avant d’enchaîner quelques tubes classiques comme Blue Suede Shoes ou Sweet Home Chicago. Pierre-Jean Villa, le TGV de la guitare, est très concentré sur son jeu. Yves Gangloff a le physique du rôle. Son visage émacié en fait le Keith Richards des coteaux escarpés. Mais si cet Alsacien sait faire vibrer les vins rhodaniens comme les cordes de sa Fender, c’est le breton de Châteauneuf-du-Pape, Samuel Montgermont, qui électrise la scène. Avant même de lire Accords Majeurs, on a deviné que celui-là se serait bien vu haranguer les foules sur scène, même s’il a finalement choisi la voie du vin. Et comme si ça n’était pas assez, Stéphane Derenoncourt se joint également à la petite bande qui fait monter l’ambiance d’un cran. Le set se conclut sur un Éteins la Lumière avec le retour de Frédéric Faye qui aurait bien fait durer le plaisir et un Montgermont déchaîné face à un public décidé à ne pas faire de ce lundi soir un lundi comme les autres.

On est impatient de retrouver tout ce petit monde, les absents et des nouveaux pour un Accords Majeurs Bis, si possible un soir de fin de semaine, qu’on puisse taper dans les magnums et shaker nos booties jusqu’à tard dans la nuit.

Accords Majeurs, Frédéric Durand-Bazin et Nidhal Marzouk, Le Particulier, 2019, 24,90 euros

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