Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #25

Les vins de Bourgogne sont toujours aussi imprévisibles et leurs bouchons de liège, encore plus. Je viens d’en faire à nouveau l’expérience. Je débouche aujourd’hui deux premiers crus de grand terroir et d’un même millésime. L’un de Nuits-Saint-Georges d’un climat et d’un producteur dont, par charité, je tairai le nom, l’autre de Vosne-Romanée, un Reignots, ce climat fameux de moins de deux hectares qui touche la Romanée. Dans les deux cas, un bouchon médiocre. Le nuits se débouche facilement, mais l’examen du bouchon terrifie, médiocrité de l’élasticité, blanchiment au peroxyde et irresponsabilité du producteur radin qui ne le signe pas, n’indique pas le nom du cru (pourtant situé haut dans la hiérarchie et issu de très vieilles vignes) et se contente du millésime. Il a pourtant dépensé plus d’argent pour mettre son nom sur la collerette. En bouche, outre l’évolution de la couleur et la sucrosité vulgaire de la fin de bouche, le chlore envahit l’arôme et le vin terminera à l’évier. Il avait pourtant reçu chez les principaux prescripteurs mondiaux les plus hauts compliments.

Avec le vosne, c’est complètement différent et tout aussi incompréhensible. Le tire- bouchon n’agrippe pas le liège et il faudra faire glisser le bouchon au fond de la bouteille, puis filtrer sur passoire les poussières de liège en transvasant le vin en carafe. On s’attend au pire, c’est le meilleur qui arrive. Beauté pure, nette, naturelle, indescriptible du nez, grande couleur inaltérée qui contraste complètement avec celle du nuits, on aurait imaginé le contraire, harmonie et plénitude totale de constitution dans une année où cela n’est pas fréquent, intégration idéale du tannin, bref le grand bourgogne dans toute sa gloire, arrivé à parfaite maturité. Pourtant, à l’époque, il était élevé et mis en bouteille par une catégorie aussi honnie de l’amateur qui se croit connaisseur que notre haute administration par le Français moyen, vous imaginez, un négociant. Et j’aimerais que les vins actuels produits sur cette parcelle, et désormais mis en bouteille au domaine, où un boisé psychédélique masque l’extrême finesse native du cru, retrouvent ce type d’équilibre.

Bouchard Père et Fils, vosne-romanée premier cru aux reignots 1997
Récolte du château de Vosne-Romanée

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