A l’occasion de la diffusion de cette vidéo qui permet d’en savoir plus sur le millésime 2019 au Château La Gaffelière (saint-émilion), découvrez ce texte de Michel Bettane, paru dans En Magnum #19, avec une verticale de 1943 à 2017.

La Gaffelière, un saint-émilion de caractère

Après quarante ans de dégustations régulières, on imagine que j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de grandes bouteilles. Peu m’ont autant marqué que les extraordinaires gaffelière 1952 et 1953, certes un peu liées à ma date de naissance mais vraiment uniques par leur style et leur incroyable état de conservation. De là mon affection pour cette magnifique propriété aux mains de la même famille depuis 1705 et le mariage d’un membre de la très noble et ancienne famille Malet, dont un aïeul avait glorieusement pris part à la bataille d’Hastings. L’exposition sud-sud-ouest, à l’entrée sud du cœur de Saint-Emilion, sur trois étages, plateau, coteau et piémont de coteau, a certainement été repérée par les Romains. Léo de Malet n’a donc pas été étonné en 1969 de découvrir sur sa propriété la trace d’une grande villa romaine au lieu-dit Palat, avec des fragments superbes de mosaïques qu’on peut admirer désormais au château. On imagine aisément qu’il s’agissait de la villa d’Ausone, dont le terroir jouxte celui de La Gaffelière. Le vignoble actuel couvre 22 hectares, planté pour 75 % en merlot, et 25 % en cabernet franc, dont la proportion pourrait encore augmenter. Alexandre Malet a intelligemment fait appel à Stéphane Derenoncourt et son équipe pour conduire le vignoble avec rigueur et respect de l’environnement. Un nouveau cuvier et un nouveau chai, aussi beaux qu’efficaces, permettent de vinifier dans des conditions idéales, ce que démontre cette magnifique dégustation où les derniers millésimes offrent un évident supplément de précision et d’harmonie. Le style inimitable des beaux millésimes du château associe la minéralité propre aux grands sols calcaires à un velouté et une douceur de texture qui le démarquent des vins un peu plus austères issus du pur plateau. Seuls Ausone à son meilleur et Bélair depuis son extension sur la côte Magdeleine, ses immédiats voisins, peuvent partager ce caractère. Les prix restent sages à ce niveau suprême, surtout comparés à quelques marques plus ambitieuses. Chez les Malet, le sens de l’honneur est dans le vin, pas dans le prix.
Par Michel Bettane