« Chez Krug, tout change et rien ne change »

 J’ai rencontré Maggie Henriquez chez Krug en octobre 2019. Elle était présidente de la maison historique depuis dix ans, il était temps de faire un tour d’horizon avec elle. Interview passionnante

Vous avez repris la maison dans une période très difficile. En 2008, La crise des subprimes éclate pendant l’été aux États-Unis et arrive en France en septembre. On a raconté que la Champagne avait eu beaucoup de difficultés dès le premier trimestre 2009. Comment avez-vous eu le courage, ou l’inconscience, de reprendre une maison dans cet état ?
Je suis arrivée en 2009 sans connaître la situation de la maison, avec une expérience très marquée par les “turn around”. J’ai travaillé dans beaucoup de situations de crise, celle de 89 au Venezuela, celle du Mexique, celle de 2001 en Argentine. Je suis habituée à ces circonstances et à travailler dans des organisations très larges. J’arrive chez Krug qui est une petite maison avec cette perception de moi-même comme très experte dans la crise. 2009 était déjà une année très difficile pour la maison. Je me suis dit : « C’est petit, c’est facile ». C’est la formule des échecs. Ma première année fut l’année la plus difficile de ma carrière. Fin 2009, nous avions perdu déjà un volume important additionné à celui qu’on avait perdu en 2008. J’ai terminé l’année avec la sensation d’avoir échoué et de ne pas avoir pris les bonnes décisions. 67 % de pertes en volume et 98 % de pertes en résultat, vous imaginez ?

Fin 2009, catastrophe totale. Quels étaient les chiffres de cet échec ?
En 2008, la maison avait perdu 45 % et s’attendait à ce qu’on puisse rapidement arrêter la chute en 2009. On avait accumulé 67 % de pertes en volume et 98 % de pertes en résultat. Ma situation était vraiment catastrophique. Je pense que le groupe s’est rendu compte que j’étais un peu loin de ce concept de luxe, etc. La direction m’a invitée à expliquer cette situation désastreuse. Je me souviens de ce qu’on m’a dit : « Maggie, oublie tout ce que tu as fait dans le passé, oublie l’idée que tu puisses arriver en six mois à avoir une stratégie et une vision. Tu es en face de quelque chose où le temps est nécessaire. Tu auras besoin de trois ou quatre ans pour y arriver. Le luxe c’est le temps. » Après cet entretien, de retour chez moi, je commence à lire un livre que j’avais acheté, mais que je n’avais jamais ouvert, Luxe oblige de Kapferer et Bastien.

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