Brane-Cantenac, le sommet à portée de main

Depuis qu’il dirige ce château, Henri Lurton a porté son margaux tout en haut des rêves d’amateur. Verticale du grand vin et du second


Cet article est paru dans En Magnum #26. Vous pouvez l’acheter sur notre site ici. Ou sur cafeyn.co.


La visite du vignoble et du cuvier explique les impressions des derniers millésimes qui montrent un vin encore plus affiné et sûr de lui que par le passé, évolution parallèle à celle du propriétaire dont la timidité s’est mue en conviction indemne de tout dogmatisme. Avec son équipe (Christophe Capdeville et Florent Cillero), il connaît encore mieux son parcellaire, qu’il divise en trois terrasses, la plus siliceuse pour le margaux générique, celle sur graves fines et moyennement profondes qui donne Baron et celle de graves profondes pour le grand vin. Ce qui a permis dans les trois cas et dans les trois derniers millésimes de produire des vins parfaitement équilibrés dans leurs formats respectifs. En vinification, l’équipe – avec l’aide d’Éric Boissenot, toujours aussi bénéfique – a affiné la qualité des remontages et perfectionné l’ensemble du matériel. Tous les observateurs ont souligné la pureté de style actuel des vins de la propriété. Nous confirmons. Aujourd’hui, les trois vins offrent un rapport qualité-prix unique en Médoc.

Château Brane-Cantenac
2020
Le grand vin provient désormais d’une sélection parcellaire stricte, sur les graves plus profondes qu’on appelle “terrasse 4”. L’effet qu’il produit dans ce millésime magique est considérable. Le nez d’abord, noble sur le réglisse anisé (zan), puis sur la violette et l’iris. La texture ensuite, magnifique, suivie d’une finale montante, éclatante même. Cinq cépages. Évidemment le cabernet-sauvignon domine avec ses 70 %.
97

2019
Peut-être un peu plus de présence de bois neuf au nez, et plutôt la pivoine que la violette dans le floral. Excellent corps, ensemble frais, complexe, raffiné, mais un peu moins belcantiste que le 2020. Sans doute en raison de son demi-degré d’alcool supplémentaire (14°) malgré la quasi identité de l’assemblage.
95

2018
Le vin s’est refermé, ce qui est logique. On mesure son intensité, son énergie, la classe de son tannin, mais il reste assez muet sur le plan aromatique. Il nous demande d’attendre, ce que nous ferons sans broncher.
94

2017
Le millésime a marqué le cru. On retrouve les épices et le cuir plus le sel de Baron de Brane, en un peu plus puissant. 74 % de cabernet-sauvignon plus 4 % de cabernet franc apportent une trame serrée, un brin austère, fraîche dans le rebond de bouche. Nous dirons que c’est plus océanique. Encore un peu jeune.
89

2016
Le type même du grand médoc classique, sur le graphite plus que sur la fleur au nez, très droit, avec un corps parfaitement équilibré, et une matière riche, encore un peu austère sur le plan aromatique. Grand vin en devenir qu’il faudrait idéalement carafer une demi-journée avant de le boire dans son état actuel.
93

2015
Merveilleusement harmonieux au nez, floral et mentholé, texture noblement soyeuse et margalaise dans son apparente légèreté, long, complexe, et se laissant déjà admirer. Par rapport au 2016, 1 % de cabernet franc en plus (3 %), pris sur le carménère disparu, et 1 % de merlot en moins, remplacé par le petit verdot.
97

2014
Petite touche boisée qu’on sentait moins sur le 2015, finement épicé au nez, plus longiligne que charnu, frais, élégant, fait pour plaire aux amateurs de médocs plus qu’à ceux des vins de rive droite, car ici les cabernets dominent nettement (77 % de cabernet-sauvignon, 2 % de cabernet franc).
93

2013
Un peu décevant sur cette bouteille, nez évolué, vin facile, fluide, mais très net, doté d’un tannin fin. Il a manqué de merlot enjoliveur (14 % seulement).
88

2012
Comme pour Baron, une merveille au nez dans son développement complexe, harmonieux, qu’on retrouve pleinement en bouche, soyeuse à souhait, fraîchement mentholée en finale, long, à point. Les 32 % de merlot l’ont bien enrobé.
97

2011
Incroyablement et noblement floral au nez, une sorte d’archétype de beau margaux, fin, épicé, ouvert, subtil, prêt à boire. Assemblage original (56 % cabernet-sauvignon, 37% merlot, 6 % cabernet franc, 1 % carménère).
98

2010
Grande robe, corps monumental pour le cru, complexe, long, déjà bien ouvert mais ne pouvant que prendre encore de l’envol avec l’âge. 8 % de cabernet franc,
30 % de merlot, 62 % de cabernet-sauvignon.
98

2009
Généreux, avec un caractère plus “rôti”, c’est-à-dire plus sensuel, épicé, mais aussi moins fondu que dans le 2010. De la longueur et de la classe, mais je préfère ce jour-là le cadet. Peut-être un peu trop de merlot (40 %).
94

2008
Encore une petite merveille au nez, floral à souhait, tout en élégance, en subtilité, en fraîcheur, en délicatesse, état de maturité idéal et assemblage idéal (72 % cabernet-sauvignon, 28 % merlot, 2 % cabernet franc).
98

2007
On trouvera un soupçon de poivron au nez, de sous-bois, de fougère, bref un départ vers les notes dites tertiaires. Frais, mais un peu simple. Les merlots (39 %) n’ont pas donné l’étoffe nécessaire.
89

2006
Il faudra deux bouteilles. La seconde, propre et nette, ne cache pas malgré un corps correct le manque de séduction du bouquet par rapport à la distinction du 2008.
89

2005
Un vin complet, peut-être un peu moins Brane, un peu plus Palmer (51 % cabernet-sauvignon, 43 % merlot), ce qui lui donne un supplément de chair mais un peu moins de finesse que le 2008. C’est évidemment très savoureux et long.
95

2000
Bu à table. Très généreux, complexe, raffiné, plus ouvert que le 2005. Peut-être un peu moins précis dans sa construction et son développement dans le verre que les millésimes les plus récents, qui ont gagné en « finition ».
94

 

Baron de Brane

2020
Dominé par son merlot (58 %) un peu comme un envers du grand vin, mais partageant avec lui une rare finesse aromatique, qui ne s’est pas encore refermée, et un tannin soyeux, élégant, caressant même. Ce jour-là, un pur délice.
90

2019
Plus de cabernet-sauvignon cette fois-ci (54 %), parfaitement secondé par les 45 % de merlot qui l’enrobent, le nuancent, l’étoffent en finale, mais lui permettent de conserver un rebond de bouche mentholé fort élégant. Rapport qualité-prix idéal. Le carménère (1 %) ne change rien à l’équilibre réussi d’un vin issu de vignes de 25 ans de moyenne d’âge.
91

2018
Riche de ses merlots (60 %) et de ses 14° bien sonnés, mais remarquable de netteté, d’équilibre et même de fraîcheur dans le rebond de bouche, avec un pH idéal (3,61) pour autant de maturité de raisin.
92

2017
53 % de merlot, 41 % de cabernet-sauvignon, adoucis par 5 % de cabernet franc. Le premier vin à décevoir un peu au nez, sans doute à cause d’un bouchon imparfait. Notes de fleurs fatiguées et tension instable en bouche, à revoir.
87

2016
65 % de merlot expliquent sa puissance et son “rôti”, entendez ses notes de prune un rien figuées et sa texture qui accroche plus que celle des millésime récents. C’est volumineux, mais encore un peu sévère.
88

2015
Complètement opposé au 2016, avec un nez libre, ouvert, caressant, floral et mentholé, mais avec une touche de caramel de merlots idéalement mûrs (57 %). Raffiné et long, un vrai margaux digne d’un joli perdreau.
90

2014
On est toujours dans le merlot de luxe (65 %), mais pas très équilibré, allant plus vers le sous-bois, les épices, voire le musc, et en bouche une touche de poivron. Plus léger que les précédents, moins chaleureux, il est entre deux eaux. Il faudrait idéalement le déguster à nouveau dans trois ou quatre ans.
87

2013
L’année tardive a favorisé un assemblage à dominante de cabernet-sauvignon (58 %), le merlot ayant coulé, ce qui change un peu le type mais renforce une sensation de légèreté élégante, soulignée par la réussite du cabernet franc (5 %). On ne sent rien des difficultés du millésime.
86

2012
Vraiment étonnant par la pureté et le développement d’arômes floraux exquis, avec le grain d’un grand vin et la classe de ses 60 % de cabernet-sauvignon et 7 % de cabernet franc. Ce qui contredit l’aplomb avec lequel certains nous affirment que ce dernier cépage ne convient pas à Margaux. On rebondit en bouche sur le cuir fin, les épices et le tabac blond. Bravo.
92

2011
Moins artiste et moins équilibré que le 2012 malgré son 50/50 cabernet-sauvignon et merlot. Le boisé ressort, les épices manquent de finesse, une note saline masque un peu la pureté du fruit.
87

2010
Coloré, puissant au nez comme en bouche, construit, solide, ferme même. Plus athlétique qu’artiste, des merlots très solides (47 %) musclant le cabernet-sauvignon, sans l’harmonisation du cabernet franc qui est parti dans le grand vin.
89

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