Les vertiges de l’amour

Étienne de Montille, dont le célèbre domaine de Volnay porte le nom familial depuis un siècle et demi, le constate très simplement (voir p. 58) : « La Bourgogne est devenue un objet de passion ». Et la passion, si elle ne rend pas fou, donne pour le moins le vertige. Aussi, si le dossier de ce numéro rend hommage dans son titre à la fameuse chanson d’Alain Bashung, c’est en y ajoutant un « s », car les étourdissements que provoque le goût du vin de Bourgogne sont multiples, contradictoires et leurs conséquences, tout autant.
Il y a d’abord le vertige de l’histoire de ce vignoble si singulier depuis si longtemps. Malgré l’apparente immuabilité de ses paysages, la Bourgogne a vécu plus que d’autres des crises multiples et diverses et y a toujours répondu à sa façon, empirique et individuelle. Michel Bettane, qui connaît les vignes et les vignerons de Bourgogne mieux que personne depuis pas loin d’un demi-siècle, raconte en ouverture de ce dossier l’étonnant roman d’une région qui n’a cessé de se transformer par à-coups, au gré des intuitions et des passions humaines. Étienne de Montille complète ce regard contemporain avec l’expérience de l’homme du cru qui a vu son monde changer.
Bien sûr, si les évolutions agronomiques et vinicoles sont au cœur de l’aventure bourguignonne, le vertige le plus spectaculaire depuis ce nouveau siècle est celui de l’argent et du commerce. Tandis que Gilles Durand-Daguin décrypte l’emballement parfois délirant du prix du vin de Bourgogne, Alexandra Rendall est partie à la rencontre de ces mystérieux collectionneurs asiatiques qui alimentent un marché devenu hautement spéculatif.
Les prix astronomiques ne sont pas seulement l’apanage des bouteilles. Le vertige de la terre s’est, lui aussi, emparé de la Bourgogne. Louis-Michel Liger-Belair, qui a eu le cran – ou l’inconscience, c’est selon – de reprendre le petit mais précieux domaine familial de Vosne-Romanée, raconte vingt-deux ans d’un travail acharné au service d’un mythe qu’il lui a fallu reconstruire, la Romanée. Car la transmission en Bourgogne est le nerf de la guerre. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas simple à réaliser, comme l’explique Philippe Richard.
Comme à chaque époque de sa tumultueuse histoire, la Bourgogne de 2022 se retrouve à la croisée des chemins. Ceux que traverse le dérèglement climatique comme ceux qui régissent les relations tourmentées entre les deux familles qui ont fait la gloire de la région, le négoce et les vignerons. Pour éclairer ce(s) vertige(s) d’aujourd’hui et de demain, nous avons fait se rencontrer deux jeunes acteurs locaux : le négociant Laurent Delaunay et le vigneron Armand Heitz. Ils dressent ensemble un portrait rafraîchissant d’une région décidément passionnante.
Après avoir tangué d’un vertige à l’autre, il était bon de retomber sur nos deux pieds, à hauteur de cave. Nous avons demandé à Alain Chameyrat, qui sillonne pour le Nouveau Bettane+Desseauve les côtes et leurs alentours, de nous proposer en exclusivité une sélection roborative d’excellents bourgognes blancs et rouges à tarif accessible. C’est chose faite et c’est rassurant.

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Photo de couverture d’En Magnum #29 : Aurélien Ibanez
Photo de l’article : Fabrice Leseigneur

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