Rasteau sur le bon chemin

Après Cairanne (n°25) et Lirac (n°26), En Magnum continue de se promener sous le soleil des crus du sud de la vallée superbe. Cette fois, Rasteau sort de l’ombre


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Comme Cairanne et Roaix, ses communes limitrophes, Rasteau, beau village du Haut-Vaucluse situé à trente minutes d’Orange, est une étape sur la route qui relie Sainte-Cécile-les-Vignes à l’ouest et Vaison-la-Romaine à l’est. Entre les vallées de l’Aigues et de l’Ouvèze, le cru s’appuie, à l’instar de ses voisins, sur un relief de coteaux qui délimite son aire d’appellation au nord. Majoritairement, le vignoble est planté sur les pentes de la montagne de Ventabren, massif arrondi d’argile rouge parsemé de galets roulés et de débris calcaire. Au-dessus de cette zone, le plateau boisé constitue un sanctuaire de biodiversité que les Rastellains ont judicieusement protégé. Dans cet ensemble, des îlots de vignes épars émergent au milieu de la flore provençale – merveilleuses cartes postales. L’amateur de blancs sera attentif aux parcelles de vieilles clairettes souvent invisibles depuis la route qui serpente jusqu’aux hauteurs. À la même altitude que celle du village, environ 200 mètres, le vignoble est posé sur une géologie variée et abritée de la violence du mistral par la présence de haies, de talus et de sous-bois. Un peu d’argile donne au sol de bonnes capacités de rétention d’eau, utile dans des millésimes de sécheresse. Empruntant la pente douce qui va vers le sud, la vigne finit par se confondre avec celles de la plaine de Plan-de-Dieu. Partout dans l’appellation, l’irrigation est autorisée. Elle est souvent impossible à mettre en place dans les meilleurs secteurs faute d’infrastructures et d’accès proches de l’eau, réservoirs ou rivières.

La diversité, cette chance
Deux saisons marquées. Hiver clément, même si certains secteurs peuvent geler. Été brûlant, peu de pluie, du vent, de la lumière. Elevés au rang de cru en 2010, les 1 300 hectares sont en quasi-intégralité voués à l’élaboration de vins rouges tranquilles. Plus ou moins 2 % de la production servent à l’élaboration d’un vin doux naturel rouge, ambré, tuilé, rosé ou rancio, en voie certaine de disparition. Ce VDN parmi les plus célèbres de France a contribué à la notoriété de Rasteau, permettant à la commune d’atteindre le rang d’appellation d’origine contrôlée en 1944, avant d’être intégrée à l’AOC côtes-du-rhône en 1965, puis côtes-du-rhône villages en 1999. Cépage chéri de toute cette zone, le grenache (50 % de l’encépagement minimal) est majoritaire dans les assemblages. Il s’exprime bien dans ses trois versions (noir, gris et blanc) sur les sols sableux. Cépages complémentaires, syrah et mourvèdre sont plantés davantage dans les marnes et les argilo-calcaires. Le duo tempère l’ardeur du roi grenache et équilibre le feu de son alcool et la mollesse de son moelleux. Au regard de la longue liste des cépages accessoires (17 variétés), on pourrait croire que le cahier des charges laisse aux producteurs une certaine liberté d’expérimenter, en particulier quant aux cépages résistant au stress hydrique, première cause des blocages de maturité. Hélas, la proportion de l’ensemble des cépages accessoires est inférieure ou égale à 15 % de l’encépagement.

Nouveau style, nouvelle génération
Rasteau est un pays de vignerons indépendants et de coopérateurs. Quelques négociants historiques (Maison Lavau, Gabriel Meffre, Chapoutier) proposent des versions sérieuses et représentatives de l’appellation. La cave coopérative, acteur historique désormais intégré à Rhonéa, participe activement à la vie rastellaine. De jeunes vignerons motivés mettent tout en œuvre pour faire rayonner les vins à l’export (Canada, Belgique, Royaume-Uni, etc.) et de plus en plus en France. En dépit de ses terroirs de premier ordre, le rasteau souffre d’a priori tenaces qui veulent y voir un vin puissant, massif et boisé, riche en alcool. Bien sûr, le profil existe, mais on le rencontre de plus en plus rarement. La diversité géographique du lieu permet aux meilleurs vignerons de jouer sur les origines et les cépages, proposant un profil sur la finesse et la fraîcheur plus que sur l’opulence…

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