Bons plans, bonnes planques des quartiers chics et du vin cool

À Paris, ne pas boire nature dans le nord-est serait presque devenu un crime de lèse-branchitude, mais le faire dans l’ouest n’est pas toujours chose aisée. Voilà quelques adresses détendues et pointues chez les rich & corporate


RIVE GAUCHE

Et surtout la santé, le bonheur on s’en occupe

Rien que le nom est un programme dans cette très chic partie du septième arrondissement où la vie s’organise autour de la basilique Sainte-Clotilde et de l’Assemblée nationale. On y retrouve Franck-Emmanuel Mondésir qu’on a connu au restaurants Les Climats puis à la cave du même nom. Il est désormais associé à Nicolas Caumer, ancien restaurateur de Calvi. Le lieu est à la fois un caviste et un bar à vin, avec une magnifique et immense cave voûtée qui permet d’accueillir les groupes et les dégustations. Sinon, la vie s’organise autour du comptoir du rez-de-chaussée, où l’on retrouve le plaisir de parler à ses voisins. Pas de cuisine, mais on grignote qualitatif avec d’excellentes rillettes de thon et toutes sortes de charcuteries, pas forcément corses. Une quinzaine de vins sont disponibles au verre. On s’est mis en bouche avec un excellent saint-bris du domaine Goisot, La Ronce 2018, traçant et pas trop aromatique. En rouge, c’est un patrimonio du domaine Giacometti, Sempre Cuntentu, qui mettait tout le monde d’accord. La clientèle est assez amusante, entre habitués et employés des ambassades et ministères alentour. Tarifs hyper raisonnables pour le quartier.
Le Santé Bonheur
32, rue de Bourgogne, 75007 Paris
Tél. : 01 56 28 05 88


Tintin et le néon rouge

Augustin Marchand a été journaliste dans la presse spécialisée. Il a compris que pour avoir les moyens de boire du vin, il vaut mieux en vendre qu’en parler. Il a ouvert un établissement à son prénom dans une rue qui loue la grandeur de ceux qui le portent. Un repaire de noctambules, ouvert uniquement le soir, mais quasiment toute la semaine, les pros de la restauration aimant s’y retrouver le dimanche (fermeture le lundi). Pas de cuisine, mais comme souvent un choix assez pointu de charcuteries et autres fromages. Côté vin, notre Marchand est en pointe, avec une sélection large de régions et des domaines assez confidentiels. Si les touristes égarés de la rue de Buci trouveront quelques gros noms à se mettre sous la gold, on fait ici plutôt dans les domaines qui aiment la nature, voire le nature. Quelques belles références jurassiennes et de Champagne, notamment. Les prix sont éclectiques en fonction du « sourcing », en direct ou pas en direct. À emporter, c’est parfois (trop) cher, mais le prix sur table étant de plus dix euros, cela rend la consommation sur place souvent quasi indolore. Nous, on a plongé pour un vin de Savoie du nouveau venu Corentin Houillon, qui a fait ses armes en Suisse : Vieux Foug 2020 est un gamay plein de fraîcheur qui se siffle comme une bouteille d’eau. Les assiettes façon tapas sont de qualité, mais l’addition monte vite si on veut être rassasié. Réservation impérative car le quartier se dispute les quinze places de ce lieu intimiste.
Augustin, Marchand d’vins
26, rue des Grands Augustins, 75006 Paris
Tél. : 09 81 21 76 21

 

RIVE DROITE

Le Mermoz déploie ses ailes

On pouvait craindre le pire quand Manon Fleury a quitté fin 2019 cette adresse dont elle avait fait le succès en à peine deux ans. Mais tout est pardonné puisque le flambeau a été repris avec brio par Thomas Graham en cuisine et Robin Gurgui en salle. Le chef, 28 ans, est le senior de cette adresse Carte Jeune. Anglais, élevé en Californie, formé à l’école Ferrandi, il est revenu du Sud-Ouest où il a passé quelques temps chez Aponem. Il joue toujours la carte bistrotière, mais sévèrement twistée par ce goût inégalable des Anglais pour le métissage. C’est très réussi quand il glisse ici où là un agrume exotique ou une épice à malice. Moins quand il plombe un flanc avec une sauce fermentée (un garum) au parmesan. Mais cela ne nous a pas fait oublier le bar confit et le Wellington de lieu jaune qui ont précédé. Rayon vin, il y a de quoi faire avec un livre de cave de trente pages qui contient tout ce qu’il faut de vignerons dans le vent. On boit plutôt nature, mais pas seulement, et les amateurs de Loire, Jura, Bourgogne, Savoie seront aux anges. Ceux de bordeaux moins : trois références seulement. On trouve une trentaine de magnums pour les bandes, qu’elles soient d’avocats d’affaires, comme le propriétaire, ou de copains. Ce jour-là un verre de la cuvée Rouzan Blanc de Mathieu Apffel (Savoie) nous a ravi. C’est le repaire idéal pour qui est perdu du côté du rond-point des Champs-Elysées. Seul bémol : si t’as pas réservé, c’est mal barré.
Le Mermoz
16, rue Jean Mermoz, 75008 Paris
Tél. : 01 45 63 65 26


C’est en bas que ça se passe

Ce fut longtemps le restaurant Le Verre Bouteille, adresse de noctambules qui n’a pas résisté aux plaintes des habitants de l’immeuble. C’est désormais En Bas, un néo-bistrot où l’on va chercher sa bouteille à la cave. Charles Genevière a ouvert ça après avoir roulé ses guêtres chez Tomette dans le douzième (qui lui appartient toujours). Cap à l’ouest toute, presque à la frontière avec Neuilly, actuellement défigurée par les travaux ubuesques du tramway. La cuisine est tenue par le jeune Dominique Plas. Il déroule des recettes de bistrot mâtinées d’une touche de Méditerranée dans un cadre bobo mais pas trop, histoire de ne pas effrayer le voisinage. En dehors du plaisir d’aller picorer soi-même sa bouteille à la cave, la sélection est assez pointue, surtout pour le quartier, conservateur. Beaucoup de vins nature comme ceux de Rémi Dufaitre ou du domaine Le Clos du Tue-Boeuf. Mais pas que. On y trouve aussi les vins de Confuron-Cotetidot ou du château Margaux. Sélection courte au verre ou à la tireuse. Avec ce jour-là un excellent pinot noir du collectif alsacien Pépin. Un vin avec beaucoup d’acidité, légèrement perlant, mais aussi un joli toucher de bouche soyeux et ce feu d’artifice de fruits rouges des vins naturels bien vinifiés. Menu déjeuner à 21 euros et plats à la carte entre 17 et 60 euros (côte de bœuf à partager).
En Bas
85, avenue des Ternes, 75017 Paris
Tél. : 01 75 57 41 63


Ribote-a-Lula, she’s my Neuilly

Le pont de Neuilly, c’est la dernière angoisse avant La Défense. C’est aussi luxe, calme et volupté. Côté bois de Boulogne, les familles se retrouvent chez Livio. Côté ville, le neuilléen malin vient faire comme s’il était dans le onzième, mais à domicile. Le restaurant Ribote ne paie pas de mine, entre verrière et mobilier danois, mais on sent les deux associés, Benjamin Movermann et Charles Acker, très à leur aise pour installer cette ambiance de jeunes gens bien nés et décontractés. La cuisine de Micael Tavanon est fraîche et de marché, avec une carte courte imprimée sur son papier, exactement comme au Mermoz. Ce jour-là, Saint-Jacques au beurre blanc et picanha de bœuf avec une purée de céleris ont parfaitement rempli leur mission. Côté vins, on boit nature, évidemment, ce qui au fin fond de Neuilly est presque une folie. Notons les tarifs très sages avec beaucoup de vins à moins de quarante euros. Une cinquantaine de références dont la région est toujours indiquée, histoire qu’on ne s’y perde pas trop. L’aventure du jour était un vin des Abruzzes de Vini Rabasco, un 100 % montepulciano absolument parfait : léger en alcool, avec un peu de profondeur tannique, mais beaucoup de fraîcheur aromatique et d’acidité. Une merveille, même si nos hôtes regrettaient que le goulot, juste fermé d’un bouchon, sans capsule, protège assez mal ce vin fragile des aléas de l’air. L’endroit n’est malheureusement ouvert qu’en semaine.
Ribote
17, rue Paul Chatrousse,
92200 Neuilly-sur-Seine
Tél. : 01 47 47 73 17


Vivin vivant

Pas loin de Ribote, on a trouvé notre bonheur. Un bonheur quasi inespéré, car si certains cavistes ont une sélection intéressante, l’accueil n’est pas toujours à la hauteur. Pas là. Cette boutique charmante et chaleureuse a été ouverte par Eric Pasquet il y a vingt-deux ans et il est secondé par Thibault Lamouche depuis dix ans. Originaire de Besançon, il en a gardé un accent « à la jurassienne » et un certain flegme. Si Vivin est avant tout un caviste, on y trouve aussi de la charcuterie, du fromage, de l’huile et la table d’hôte peut accueillir les copains. On peut aussi déguster dans la cave et il y a une terrasse l’été. La sélection, à la fois pointue et authentique, est travaillée en direct avec les vignerons, ce qui exclut les châteaux bordelais distribués par « la place ». Pas de champagnes de marque non plus, mais toute la gamme Jacquesson et des domaines pointus comme Vouette & Sorbée ou Mouzon-Leroux. Dans toutes les régions, on retrouve ce goût de l’authentique ou de la nouveauté, avec cette bouteille noire sérigraphiée de Justine Vigne dans le Rhône. On trouve aussi quelques valeurs sûres comme les incontournables bourguignons Vincent Dureuil (Rully) et Olivier Lamy (Saint-Aubin) ou le trop rare margaux Clos du Jaugueyron. Cerise sur le gâteau, les prix sont très sages, souvent inférieurs à ceux des confrères de l’intra-muros ouest. Une bonne raison de prendre le bus ou le métro jusqu’à Neuilly, ville fleurie et très bien tenue.
Vivin
114, avenue Achille Peretti,
92200 Neuilly-sur-Seine
Tél. : 01 46 24 19 19

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