Véronique Dausse : « Le sommelier a le don de nous embarquer dans une histoire »

Pour le château Phélan-Ségur, cru incontournable de Saint-Estèphe, défendre l’excellence de la sommellerie française est une obligation morale. En pratique, cela passe par le concours du meilleur sommelier du monde et bien plus. Explications avec sa directrice

Phélan-Ségur apporte son soutien au concours du meilleur sommelier du monde. Pourquoi ?
Pour beaucoup de raisons. Les sommeliers sont la voix de nos vins, ils les transcendent. Nous avons un métier formidable, nous aimons notre terroir et mettons beaucoup de passion dans la création de nos vins. Un jour, ces vins nous échappent. Même si nous allons sur le terrain, à la rencontre des consommateurs, des restaurateurs et des cavistes, ceux qui en parlent le mieux, ce sont les sommeliers. C’est donc logique pour nous de les mettre en avant et d’apporter notre soutien à cette profession si précieuse. J’adore écouter les sommeliers parler de mes vins, même si je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’ils disent. Le sommelier est libre, c’est sa richesse. Il a le don de nous embarquer dans une histoire qui nous donne l’eau à la bouche. Il nous fait rêver. Quand je suis allé à Anvers lors de la dernière édition du concours, j’ai passé quatre jours avec eux et j’ai assisté à quelques épreuves. Ça a changé ma vie. Les sommeliers ont une vision transversale des boissons. Ils doivent tout connaître, c’est impressionnant.

La propriété a une histoire liée à la gastronomie et à la sommellerie.
Nous avons eu beaucoup de chance. J’ai vécu quelques années auprès de Thierry Gardinier. Son cœur est partagé entre la vigne et la gastronomie. Il nous a beaucoup appris sur cet univers, en nous donnant l’opportunité de côtoyer des élèves ou des sommeliers exceptionnels comme Philippe Jamesse ou Antoine Pétrus. Cette culture incroyable nous a ouvert les yeux et nous a appris plein de choses. Je me souviens de Thierry Gardinier lorsqu’il est arrivé à Phélan. La première chose qu’il a faite, c’est d’aller voir le chef. Depuis les années 1980 et grâce à eux, nous avons un chef à demeure.

Ce qui a changé votre manière de faire le vin ?
Le vin, c’est la mise en valeur de notre terroir, avec nos principes et ce qu’on aime, c’est-à-dire l’équilibre. C’est aussi une histoire de goût. Phélan a ce style classique d’équilibre et de finesse qui en fait un compagnon possible pour la gastronomie et vice-versa. Nous avons cherché l’équilibre, en étant hyper attentifs aux extractions, aux élevages, à ne pas avoir un bois prédominant.

Et avec le changement de propriétaire, cette culture-là est restée forte ?
Le nouveau propriétaire, Philippe Van de Vyver, est aussi un hédoniste qui a une passion incommensurable pour les vins de Bordeaux et un amour pour la gastronomie. Mais ce n’est pas un professionnel, ni de la table, ni du vin. Pour lui aussi, conserver un chef à Phélan était une évidence.

Concrètement, en quoi consiste le soutien que vous apportez au concours ?
Les sommeliers du monde sont présents au concours. C’est une opportunité de pouvoir les rencontrer en un seul lieu. L’organisation de ce genre de concours est très coûteuse. C’est la troisième fois que nous apportons un soutien financier et éducatif aux organisateurs. L’édition parisienne du concours a pris une dimension énorme et a besoin d’un financement en conséquence.
En plus du soutien financier, nous recevons des écoles de sommellerie à Phélan. De façon individuelle, avec l’Union des grands crus ou avec le Conseil des vins du Médoc. Nous avons fait beaucoup de choses sur ce sujet. Quand j’entends les étudiants parler de nos vins, je vois qu’ils sont pris par le voyage qu’ils racontent. Nous contribuons, à notre échelle, à leur formation, en leur faisant découvrir nos vins, y compris dans des millésimes anciens pour les aider à approfondir leurs connaissances. Nous apportons aussi notre soutien de manière locale avec la Commanderie de la Gironde puisque nous organisons trois à quatre fois par an « Les lundis de Phélan ». Ce sont des ateliers avec des thématiques différentes (vendanges, primeurs, etc.). C’est une immersion dans le quotidien des vignerons, ce qui permet d’être dans des situations différentes de celle la dégustation et de comprendre le processus de création du vin à des moments particuliers.

Un soutien particulier à Pascaline Lepeltier, la candidate française ?
Nous l’avons reçue pendant trois jours en novembre avec l’Union des grands crus. Elle a pu visiter une vingtaine de châteaux situés sur la Rive gauche et sur Rive droite et déguster les millésimes 2005 et 2015 de chaque propriété. Comme ça faisait longtemps qu’elle n’était pas venue à Bordeaux, elle a pu redécouvrir ce qui s’y passe, voir une viticulture qui bouge. Elle a été enchantée par ce qu’elle a pu voir et par cette nouvelle approche bordelaise. Ce passage lui a aussi permis d’actualiser ses repères sur les vins de notre région. Pascaline est assez incroyable. Elle a une approche du vin rafraîchissante et étonnante tout en ayant des connaissances académiques fortes. C’était un moment particulier. Je serai du 7 au 12 février à Paris pour assister aux différentes épreuves. J’invite l’ensemble des Français à venir assister à la finale le 12 février à La Défense Arena pour soutenir Pascaline.

Photo : Mathieu Garçon

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