« Nous voulons prendre la voie du luxe »

Cyril Camus, président de la marque de cognac familiale, nous livre les clefs de l’avenir de sa maison. Beau fixe à l’horizon

La maison et le vignoble ?
La maison est familiale depuis cinq générations. Issue d’une famille de viticulteurs, à la différence de pas mal de maisons. Mon grand-père était un fou du commerce. Il a commencé à développer la maison dans la région. Mon père était un homme de terroir. Il a continué à étendre le vignoble, toujours dans le secteur des Borderies. Nous possédons actuellement 300 hectares de terres dont 192 de vignes. Cela constitue une partie importante de notre approvisionnement et nous permet de proposer des cognacs mono-domaine, single estate, qui permettent aussi l’expression d’un terroir unique comme celui de l’île de Ré.

Un héritage, une seule personne ?
Camus est un héritage sur lequel on peut construire et entreprendre. Nous avons la particularité d’avoir, à chaque génération, consolidé l’actionnariat sur une seule personne. Il doit racheter les parts de ses frères et sœurs. Il faut donc s’endetter et être motivé pour prendre la relève et faire grandir l’entreprise. C’est peut-être pour cette raison que nous sommes la dernière entreprise de taille intermédiaire dirigée par la même famille depuis si longtemps. L’héritage est un savoir-faire que nous construisons pour aller toujours plus loin sans pour autant mettre l’avenir de l’entreprise en péril.

L’éveil de la Chine ?
Quand j’étais au lycée, on se demandait avec mon père quelle troisième langue je devais choisir. J’hésitais entre le japonais, le russe et le chinois. Le Japon était le premier marché du cognac en valeur à l’époque. Les maisons de Cognac avaient une longue histoire avec la Russie. J’ai choisi le chinois en pariant sur le fait que la Chine deviendrait un marché important pour le cognac. Je suis installé à Shanghai, avec ma famille, depuis les années 1990 et j’y ai créé une société pour importer et distribuer Camus. Cette structure importe et distribue d’autres marques indépendantes.

Après la tempête Covid ?
Nous avions près de la moitié de notre activité établie dans les boutiques duty-free des aéroports. La fermeture soudaine du trafic aérien a été un choc. Il nous a permis de nous réinventer. Se développer sur les marchés domestiques ? Là où la demande est limitée sur la moyenne gamme ? Ou, au contraire, aller vers le luxe ? Nous avons choisi la dernière option. Le succès est au rendez-vous. Nous avons retrouvé notre niveau d’activité pré-pandémie aux États-Unis, en France, en Europe de manière générale et en Chine, en particulier. Ce pays représente notre premier marché avec une consommation disproportionnellement élevée de cognacs premium. Notre produit phare est l’Extra, la catégorie au-dessus du XO. Notre choix était le bon. Nos activités sont partout dans le monde. Avant le Covid, je revenais en France une semaine par mois. Je passais trois semaines sur les autres marchés. Aujourd’hui, c’est plutôt deux mois en Chine et deux mois à l’extérieur du pays. Ce qui me permet de faire un tour complet de nos différents marchés internationaux. Ça fait plaisir de voyager à nouveau. La reprise du trafic aérien est impressionnante et l’Asie redémarre. Le Japon ouvre ses portes et l’activité reprend en Corée, en Thaïlande et à Singapour. Hong Kong a arrêté la quarantaine, elle est encore maintenue en Chine avec très peu de vols, 2 % du trafic habituel.

Des boutiques pour l’Empire céleste ?
C’est en Chine que les premières boutiques exclusivement dédiées à Cognac Camus vont voir le jour. Nous voulons prendre la voie du luxe, donc au-delà du produit, il faut créer de l’émotion, une expérience. C’est l’une des attentes des consommateurs. Nos 620 m2 seront consacrés à des ateliers qui feront vivre cette expérience dont 200m2 de boutique. L’atelier d’assemblage sera au cœur des activités de cette boutique.

Et la mixologie ?
Il y a quand même différents types de consommation suivant les pays ou les générations. Le cognac était présent dans presque un tiers des recettes de cocktail. La mixologie et le cognac de qualité vont très bien ensemble. Le retour du cognac en mixologie est un phénomène intéressant, mais ce n’est pas notre priorité.

Le sur-mesure pour l’avenir ?
Nous allons faire du cognac sur mesure. Nous sommes l’une des premières maisons à intégrer un certain nombre de savoir-faire – assemblage, travail du bois, du cuir, du verre, etc. – pour créer des produits en séries très limitées ou en pièce unique pour générer de l’émotion chez les personnes qui les commandent ou celles qui vont les recevoir. Ce positionnement nous paraît essentiel aujourd’hui. Il est le garant de notre capacité à rester indépendant. Nous avons également changé nos réseaux de distributions pour être en lien direct avec ces consommateurs. Il est de plus en plus difficile pour les entreprises familiales de trouver des importateurs et des distributeurs qui ont la capacité de porter des marques indépendantes et de pénétrer les marchés de luxe.


« Intensément aromatique, floral et fruité, peu boisé.

Notre procédé de distillation sur lies donne à l’ensemble
de la gamme cette intensité, décuplée par rapport à certains cognacs. Le XO Borderies est celui qui représente le mieux
la signature de la maison. » Cyril Camus

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