Abelé rallume son étoile

Marie Gicquel, la nouvelle directrice, et Étienne Éteneau, le chef de cave, mettent tout en œuvre pour redonner à la maison toute son importance.

Sous l’impulsion d’un nouveau duo de talent, l’historique maison de Champagne a repris en main les rênes de son destin. La voici prête à passer tous les obstacles dans le parcours du grand vin


Cet article est paru dans En Magnum #33. Vous pouvez l’acheter en kiosque, sur notre site ici, ou sur cafeyn.co.


Si la maison n’est pas la plus connue, c’est pourtant l’une des plus anciennes de toute la Champagne. La cinquième plus ancienne pour être précis. Pour le rappeler à tous, elle a récemment abandonné le prénom de celui qui l’a fortement développée pour accoler à son nom l’année de sa fondation. La maison Henri Abelé est ainsi devenue Abelé 1757 suite à son rachat en 2019 par le groupe Terres & Vignerons de Champagne, par ailleurs propriétaire des champagnes Nicolas Feuillatte, Castelnau et sans doute bientôt d’Henriot. Depuis 1985, la marque était détenue par l’espagnol Freixenet, un géant du cava qui n’avait jamais vraiment su trouver ses marques dans la région. Au sein du nouveau géant champenois, elle conserve une gestion autonome, notamment en termes d’approvisionnements. Sous la houlette d’un duo énergique et motivé, Marie Gicquel à la direction générale et Étienne Éteneau comme chef de cave, la maison se relance en affichant ses ambitions.

Abelé dispose de caves creusées dans le sous-sol rémois. Elles sont propices au lent vieillissement de ces cuvées, rangées en « tas » savamment construits.

Le temps des défis
Abelé est une pure maison de négoce et non « un négoce vigneron », précise Étienne Éteneau. Elle ne possède pas de vignoble et achète l’équivalent d’une trentaine d’hectares sur vingt-deux crus. De cette (relative) faiblesse, elle a fait une force en nouant des relations de confiance et de long terme avec ses fournisseurs, élément déterminant de son style. Un style construit autour du chardonnay (55 à 60 % des approvisionnements) et largement présent dans toutes les cuvées, à l’exception du rosé Sourire de Reims, un pur pinot noir. Grâce à un outil technique performant et des caves du XIXe siècle creusées dans le sous-sol de Reims qui assurent une température et une hygrométrie optimales, Étienne a la possibilité de bouger les curseurs. Premier chantier : déguster les vins de la cave, ceux d’hier comme ceux de demain, lui a permis d’écarter les millésimes qu’il jugeait trop évolués, y compris quelques cuvées en cours de commercialisation. Celle produites dans les dernières années de l’ère Freixenet semblent avoir manqué un peu de rigueur. Second chantier : affirmer sa patte de chef de cave en repensant les dosages. La dose de sucre de ses liqueurs est désormais de 6 grammes par litre (contre 9 ou 10 grammes auparavant). Surtout, il a imposé le chardonnay comme vin de base pour la liqueur. Les premiers effets seront visibles à la fin de l’année 2024. Il a aussi mis en place une réserve perpétuelle constituée de vieux millésimes remontant jusqu’à 1962. Elle entre dans l’assemblage du brut sans année à hauteur de 5 à 7 %, en complément des autres vins de réserve.

Le Sourire de Reims, cuvée de prestige.

Des projets à venir
S’il est encore trop tôt pour parler des positionnements respectifs de la maison Abelé au sein de la galaxie de ce nouveau géant du Champagne, les tirages ont déjà augmenté à 300 000 cols en perspective d’une croissance attendue des ventes. Celle-ci doit se faire en France dans les circuits traditionnels (cavistes et restaurants) et à l’export, au cœur des nouveaux marchés, notamment l’Italie et la Suisse. Pas de grande distribution. Dans une gamme raccourcie, le fleuron reste toujours Le Sourire de Reims, emblématique cuvée qui rend hommage au sourire de l’ange de la façade nord de la cathédrale. Bref, les années à venir seront sans doute passionnantes pour la marque.

Photos : Leif Carlsson, agence Discovery

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