Iran : de l’exil aux vendanges

En Dordogne, tête découverte, deux iraniennes vendangent les parcelles du vignoble Dubard. Toutes deux rescapées du régime de Téhéran, elles participent à la résurrection du vin perse. « Nous n’arrêtons pas, nous continuons de nous battre. La lutte contre les mollahs, la république islamique, continue ici d’une autre manière » expliquent Marjan Jangjoo et Soodeh Lashkarizadeh. « On se bat avec nos mains pour garder notre vin en vie » disent-elles. Le vin et sa production sont interdits en Iran depuis la révolution islamique de 1979, en dépit d’une tradition viticole millénaire et des éloges des plus grands poètes iraniens comme Hâfez et Saadi. Les deux jeunes femmes se sont ralliées au projet de Masrour Makaremi : celui de faire renaître le vin persan.

Masrour Makaremi remplissant une amphore du VIIème siècle avant notre ère, achetée aux enchères.

Et le vin perse revit
Né en Iran, Masrour Makaremi arrive en France avec sa famille après le décès de sa mère (opposante politique, torturée et exécutée lors du massacre des prisons en 1988). Il devient spécialiste en orthopédie dento faciale-orthodontie et développe, en parallèle de son cabinet, une start-up dédiée aux technologies d’intelligence artificielle au service de la médecine. Voulant associer les deux cultures (française et iranienne) qui lui sont chères, il se souvient des promenades avec sa grand-mère dans les vignes clandestines et revoit son oncle produire en cachette son vin de table, en Iran.

Masrour s’associe avec le vignoble Dubard à Saint-Méard-de-Gurçon où il fait planter deux hectares de syrah, shiraz en persan (cépage rapporté de Perse par les Croisés, selon la légende) en 2016. Masrour s’inspire ensuite des méthodes de vinification d’il y a 5 000 ans pour se rapprocher au maximum du vin de l’époque. Il élève son vin dans des amphores en terre cuite (dont la température de cuisson est modérée pour les rendre poreuses) rendues étanches par un enduit en résine de pistachier. Contrairement aux barriques en bois où l’on cherche à rendre le vin plus ou moins tannique, les amphores n’apportent pas d’arômes particuliers. Mais l’échange d’oxygène avec leur porosité rendra le vin plus ou moins fruité et oxydatif. Le nom de la cuvée ? Cyrhus, en hommage à Cyrus le Grand, le fondateur de l’Empire perse, et un H supplémentaire en clin d’œil au shiraz.

À lire aussi