Le ton est direct, le rythme soutenu, les explications précises. Quand Ségolène Gallienne détaille un dossier, on comprend qu’elle en a étudié personnellement toutes les facettes. C’est ce qu’elle a entrepris avec la maison Lenoble, dont elle a fait l’acquisition en 2023 avec son family office. Aspects viticoles, marketing, financiers, humains ou environnementaux, mais aussi culturels, tout a été passé en revue par cette passionnée de vin. Elle y a été initiée par Albert Frère, son père, comme elle aime à le rappeler : « Mon père était un vrai épicurien. Il commençait ses repas au champagne pour les terminer avec des vins de Bordeaux. Il m’emmenait dans ses pérégrinations et m’a fait découvrir cet univers depuis que je suis toute petite. Je dis souvent, pour blaguer, que je suis tombée dedans comme Obélix est tombé dans la marmite ». Pour encore mieux s’y connaître, elle s’inscrit à la formation diplômante du WSET en 1997, à une époque où la certification anglo-saxonne sur le vin était moins à la mode qu’elle ne l’est depuis devenue. Elle découvre alors la Champagne, en étant administratrice de la maison Taittinger. Sa passion que l’on sent sincère pour le produit lui fait citer des maisons aux styles parfois opposés, Taittinger et ses chardonnays ou bien Bollinger, dont les pinots noirs constituent la clef de voûte. Ce qu’elle apprécie dans le style Lenoble, qui avait été consciencieusement mis au point par Anne et Antoine Malassagne, c’est un style défini par un dosage en extra brut qui souligne la pureté du champagne.
Au-delà du champagne
Un dosage minimaliste qui met en valeur autant les blancs de blancs que les blancs de noirs, deux axes de développement pour la gamme qui sera amenée à évoluer. Avec une franchise déconcertante, Ségolène Gallienne avoue spontanément ne pas aimer le rosé, quand bien même il s’agit de la couleur à la plus forte croissance depuis une vingtaine d’années. Elle n’en commande jamais au restaurant. Tout l’inverse de son mari, Ian, qui lui adore le rosé et les blancs de noirs, ce qui permettra à l’équipe technique, emmenée par Julien Lardy, de trouver son équilibre dans les nouvelles orientations prises. Des pistes qui pourraient aussi croiser la route des vins tranquilles, puisque Ségolène Gallienne croit beaucoup au potentiel des coteaux-champenois. « La maison est capable de produire toutes sortes de choses, donc je pense qu’il faut explorer toutes les pistes et jouer un peu l’alchimiste. Après, on peut se tromper. » Quand d’autres maisons jouent la carte de la mode ou de celle de l’art pour attirer l’attention, Ségolène Gallienne préfère se concentrer sur les fondamentaux : « Cela ne nous ressemble pas. Par contre, ce qui est épicurien et lié à la cuisine ou aux grands chefs nous ressemble beaucoup. Le champagne se marie très bien avec la gastronomie, peut-être davantage encore le bon plat que le menu d’un restaurant 3-étoiles. Cela peut être aussi bien dans une brasserie où vous avez le meilleur poulet-frites que dans un grand restaurant ou bien dans un endroit où l’on vous sert un tourteau ». Sa passion pour le champagne dépasse le seul cadre du produit. Il s’agit aussi d’une vision patrimoniale, raison pour laquelle elle et son mari ont été portés à regarder le dossier Lenoble, une maison familiale en quête de successeurs : « Le champagne, c’est du long terme, tout comme la vision de notre family office. On souhaitait réaliser un investissement familial qui nous plaise et nous ressemble, pour léguer quelque chose à nos enfants ». Elle précise : « C’est indispensable pour nous que cette maison reste établie à Damery. Il faut être fier de son héritage, de l’endroit d’où l’on vient. Pour moi, c’est une question d’éducation. Mon père a toujours été comme ça, fier d’où il venait ».