Maison Henri de Villamont, nouvelle naissance

Au début des années 2000, l’historique maison Henri de Villamont, propriété de l’ambitieuse famille Schenk, s’est recentrée sur ce qui fait la qualité et la magie des grands vins de Bourgogne. Le travail entamé lui permet aujourd’hui d’être de retour dans la cour de ceux qui comptent


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La Bourgogne a toujours été un vignoble où convictions, styles et stratégies évoluent sans cesse pour constituer pour l’amateur un paysage changeant, mais excitant à tenter de décrypter. À cette aune, la longue histoire de la maison Henri de Villamont est révélatrice des évolutions de la région. Elle prend son essor à la fin du XIXe siècle, quand son fondateur, Léonce Bocquet, à l’époque également propriétaire du château du Clos de Vougeot, fait bâtir à Savigny-lès-Beaune des chais de vinification et d’élevage d’une dimension et d’une ambition sans commune mesure avec tout ce qui avait été édifié en côte de Beaune à l’époque. Ces bâtiments, qui existent toujours, impressionnent tant par leur dimension que par leur intégration harmonieuse dans le paysage serein du village. Ils sont d’ailleurs complétés par un superbe manoir qui accueille les amateurs en chambres d’hôtes.

Comme beaucoup de maisons ou de domaines bourguignons, Villamont vécut un vingtième siècle difficile et agité, fait de changements multiples de propriétaire jusqu’à son acquisition en 1964 par une famille suisse ambitieuse, les Schenck. Eux aussi ont des racines profondes. Tonneliers à l’origine, ils sont devenus vignerons et négociants. L’arrivée en Bourgogne est bien sûr vécue comme une étape essentielle dans leur développement entrepreneurial. À l’époque, comme chez beaucoup d’autres, l’ambition passe par le volume et Villamont (et d’autres marques acquises par la famille) va produire chaque année des millions de bouteilles alimentant l’inextinguible soif de la grande distribution. La Bourgogne, qui change profondément à la fin du vingtième siècle, se recentre heureusement sur la qualité, ce que la famille Schenck comprend.

En 2004, changement de cap avec la cession des activités de volume et un recentrage sur le domaine et des achats de raisin dans les meilleurs crus des deux côtes. La maison ne manque pas d’atouts en matière de patrimoine. Son vignoble en propre compte treize hectares, dont de magnifiques parcelles au-dessus de la propriété, avec en particulier le savigny premier cru Clos des Guettes en rouge et en blanc, mais aussi plusieurs premiers crus de Chambolle-Musigny et un demi-hectare en grands-échezeaux.

Des résultats spectaculaires
Jusqu’au début de cette décennie, la maison produit des vins solides, de garde, qu’elle complète avec des achats tout aussi sérieusement composés. Mais pour répondre à la volonté de la famille Schenck de faire de Henri de Villamont une référence, il faut atteindre une dimension supplémentaire. La première étape est viticole : passer l’ensemble du vignoble en agriculture bio, ce qui est aujourd’hui réalisé avec une certification obtenue en 2024. Le recrutement, il y a deux ans, d’un nouveau directeur et vinificateur, Vincent Bascou, a eu un impact spectaculaire sur le style des vins.

Languedoc, Roussillon, Nouvelle-Zélande, Oregon, vallée de la Loire, Chablis, côte de Beaune enfin, ce diplômé de l’Agro Montpellier s’est construit une riche expérience avant de poser ses valises à Savigny. La quarantaine à peine entamée, Vincent Bascou est arrivé avec du savoir-faire et une vraie ambition pour la maison, celle « d’amorcer dès la vendange 2023 la mutation du style des vins ». Le résultat est immédiat. Les vins de ce millésime, en blanc comme en rouge, affichent un profil élancé, d’une pureté de fruit splendide, avec une profondeur à la fois gourmande et dynamique ultra savoureuse. « Vie, énergie et modernité sont les maîtres mots pour décrire le style que je souhaite mettre en place avec mon équipe », explique justement Vincent Bascou. « À mon arrivée, le domaine avait déjà amorcé la conversion en agriculture biologique et je ne pouvais que m’en réjouir. Il restait une dernière année de conversion. L’équipe a su relever le défi et nous avons obtenu la certification en juillet 2024. L’idée était de ramener de la vie dans nos sols. On ne peut pas faire des vins vivants sans des vignes pleines d’énergie. Reprendre le travail des sols de façon réfléchie et adaptée à la parcelle et à la saison et non pas de façon systématique était une priorité. Depuis deux ans, nous faisons pâturer des moutons dans nos parcelles situées à Savigny-lès-Beaune et le résultat est plus que satisfaisant, tout comme l’utilisation du parc arboré pour développer la biodiversité dans les vignes qui entourent le domaine. Enfin, il me paraissait indispensable de connaître avec précision l’identité de chacun de nos climats. Aussi, nous avons lancé un programme d’analyses de sols et, grâce à cela, nous pouvons mettre en place une cartographie précise et adapter le travail. Depuis le travail du sol jusqu’à la date de récolte. Par exemple, notre savigny-lès-beaune premier cru Clos des Guettes est vendangé en deux ou trois fois parce que nous savons désormais que la roche se situe à soixante centimètres de profondeur d’un côté et à plusieurs mètres de l’autre. Par conséquent, la maturité est décalée. Sur trente ares arrachés de notre monopole savigny-lès-beaune Le Village, nous avons identifié huit profils de sols différents. »

Une même philosophie
Vinifications et élevages sont au cœur de cette transformation. Vincent Bascou a beau posséder une expérience impressionnante de winemaker sans frontières, il veut « remettre la Bourgogne au cœur de [ses] vins ». Pour produire des pinots qui « pinotent » et des chardonnays qui « chardonnent » : « Chaque baie de raisins est un diamant brut que nous devons polir pour le rendre le plus brillant possible. Une récolte manuelle à la juste maturité, un tri exigeant pour amener les baies intactes dans la cuve, des extractions douces, minutieuses et adaptées à ce que le millésime et le climat demandent, un recours inédit aux levures indigènes et à la gravité dans le chai, etc. Nous avons revu la sélection des tonneliers avec qui nous travaillons pour laisser le climat s’exprimer. Le fût est un outil de vinification et non pas un élément aromatique ».

Ce travail minutieux et cette philosophie exigeante se retrouvent dans les vins dégustés, en premier lieu ceux du domaine. Comme Henri de Villamont est une maison, elle complète donc les fruits de son vignoble par des achats.« Aujourd’hui, le domaine représente 40 % de notre production contre 60 % pour le négoce. Nous portons une attention particulière à nos achats en sourçant uniquement des raisins ou des moûts. L’important est de bâtir une relation de confiance et pérenne avec nos fournisseurs et de travailler sur le long terme. Certains de nos contrats ont plus de vingt ans d’existence. Nous travaillons avec des vignerons qui ont une philosophie similaire à la nôtre, dédiée à l’expression et au respect du terroir. » Si ce millésime 2023 est épatant, il existe tout de même une différence entre vins d’achats et vins de domaines, mais l’on ressent indiscutablement une cohérence de style et de conception. Henri de Villamont entre dans une nouvelle période de sa longue histoire et cette renaissance est particulièrement excitante.

Le climat des Feusselottes en chambolle-musigny premier cru.
Le climat des Feusselottes en chambolle-musigny premier cru.

Un patrimoine remarquable

Le vignoble Villamont se déploie sur deux pôles. Le premier est situé autour et au-dessus de la propriété, à Savigny-lès-Beaune, avec le magnifique coteau des Guettes, en premier cru, dont Villamont possède 1,5 hectare en blanc et 2,3 hectares en rouge et, juste en-dessous, le monopole Clos du Village, essentiellement en pinot noir. En côte de Nuits, le domaine compte plusieurs parcelles en chambolle-musigny village et premier cru (dont un remarquable Les Feusselotes) et surtout un demi-hectare en grands-échezeaux.

La dégustation

Les rouges
Henri de Villamont, bourgogne 2023
Pinot noir classique, au fruité affirmé et direct, peu coloré, avec une bouche croquante et énergique. La finale est longue. Un vin avec de l’esprit plus qu’un pur vin de plaisir, ce qui est rare dans cette catégorie.
91/100 – 18 euros

Henri de Villamont, chambolle-musigny 2023
Parfaitement représentatif de l’appellation au niveau « village ». On aime son caractère floral, sa finesse en bouche, son tannin tendre et moelleux. Ce n’est pas le vin le plus intense, mais il a du style.
92/100 – 50 euros

Henri de Villamont, chambolle-musigny 1er cru Les Baudes 2023
On retrouve bien le caractère minéral propre à ce premier cru avec ce chambolle intense, structuré et sérieux, qui va encore gagner en définition au fil des années. Bon potentiel.
93/100 – 85 euros

Henri de Villamont, chambolle-musigny 1er cru Les Chatelots 2023
Un premier cru avec lequel on retrouve bien les spécificités de l’appellation, entre notes de violette, grande minéralité, saveur profonde, intensité racée, souplesse tannique. Il illustre bien le style de la maison.
94/100 – 85 euros

Henri de Villamont, chambolle-musigny 1er cru Les Feusselottes 2023
Grand vin, stylé et typé par le lieu, avec une intensité remarquable et une finesse brillante, on aime son caractère ouvert, aimable et expressif. La bouche, puissante et raffinée, s’achève sur une finale très persistante.
95/100 – 85 euros

Henri de Villamont, chambolle-musigny 1er cru Les Groseilles 2023
Très facile d’accès pour un niveau premier cru, mais pas dénué de charme avec ses arômes fruités délicats et ses notes florales. La bouche est souple et portée par une belle allonge, qui séduit par sa finale savoureuse.
90/100 – 85 euros

Henri de Villamont, grands-échezeaux 2023
Précision, expressions du terroir et vinosité s’affirment avec ce millésime, radicalement différent du 2021. On sent que la maison est à pied d’œuvre avec ce vin pour lui donner un dynamisme, une allonge et une tonicité supplémentaires.
94/100 – 250 euros

Henri de Villamont, Les Belles Filles 2023, pernand-vergelesses
On retrouve ce que l’on aime dans ce millésime entre style affirmé, allonge brillante, fruité expressif, dimension minérale et longue finale.
93/100 – 27 euros

Henri de Villamont, La Plice 2023, santenay
Un santenay gourmand avec beaucoup de style, porté par un fruité brillant et intense, une bouche pleine d’allonge et une finale allègre.
93/100 – 26 euros

Henri de Villamont, Le Village 2023, savigny-lès-beaune
Nez précis sur les notes de griotte, trame ciselée, bouche dense et profonde avec une allonge remarquable : un style superbe, délicat et brillant.
92/100 – 29 euros

Henri de Villamont, savigny-lès-beaune 1er cru Clos des Guettes 2023
Aromatique profonde et expressive, délicate et raffinée, ce que la bouche confirme entre puissance maîtrisée et finale aérienne. Grand potentiel.
95/100 – 33 euros

Les blancs
Henri de Villamont, bourgogne aligoté 2023
Bel exercice de style avec cet aligoté aux notes citronnées. On retrouve ce que l’on aime avec le cépage, soit une belle tension, un corps précis et vertical et une belle gourmandise. Il a de la personnalité.
90/100 – 9 euros

Henri de Villamont, chassagne-montrachet 1er cru Embazées 2023
Complet et avec tout le caractère que l’on attend d’un chassagne premier cru : de la chair, de la longueur, de la profondeur et une finale charnue qui donne de l’assise à ce vin dense. Grande réussite.
95/100 – 90 euros

Henri de Villamont, corton-charlemagne 2023
Au niveau du potentiel de terroir dans ce millésime, précis et complexe, entre arômes d’agrumes frais et notes minérales. Beaucoup d’intensité, de la longueur mais pas d’opulence.
96/100 – 200 euros

Henri de Villamont, Clos du Cromin 2023, meursault
Meursault classique, dans un registre du plaisir, sur les notes de zeste d’orange. La bouche est large, ample, onctueuse et la finale gourmande.
90/100 – 57 euros

Henri de Villamont, meursault 1er cru Les Bouchères 2023
Le boisé est un peu marqué, mais le vin ne manque ni de fond ni d’allonge. Il a la générosité propre à ce cru et peut gagner encore en définition et en précision aromatique.
91/100 – 89 euros

Henri de Villamont, Les Belles Filles 2023, pernand-vergelesses
Facile et élégant, entre notes fumées et minérales. Tendre en bouche et moyennement long, c’est plutôt un vin de plaisir.
90/100 – 29 euros

Henri de Villamont, pernand-vergelesses 1er cru Sous Frétille 2023
Une belle présence aromatique dès le premier nez, avec des notes fumées et minérales. C’est un vin qui a de l’allonge, mais aussi une belle rondeur en bouche. Finale longue
et éclatante.
94/100 – 42 euros

Henri de Villamont, Le Village 2023, savigny-lès-beaune
Chardonnay de classe, avec du style et des notes finement citronnées. Bouche armonieuse,
à la texture veloutée, avec une dimension aromatique persistante.
92/100 – 33 euros

Henri de Villamont, savigny-lès-beaune 1er cru Clos des Guettes 2023
Réussite égale en blanc comme en rouge, ce premier cru séduit par son intensité aromatique, sa bouche ronde et charnue, juteuse, longue et droite, étirée par un caractère salin et un fruité mûr et gourmand.
93/100 – 45 euros

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