Dans un univers du vin souvent tiraillé entre marketing et effets d’annonce, le château La Pointe a décidé de suivre depuis un peu moins de vingt ans un chemin radicalement différent. Sous l’impulsion d’Éric Monneret, son directeur, et avec le soutien de Generali France qui en est le propriétaire, ce cru de Pomerol a fait le choix de ne pas se contenter de produire du vin, aussi bon soit-il, préférant raconter une histoire plus globale, où chaque étape s’inscrit dans le respect du vivant et la responsabilité environnementale. D’origine jurassienne et élevé en Lorraine, Éric Monneret s’est passionné très tôt pour la science, la nature et la géologie. Au cours de ses études d’ingénieur agronome, il découvre la dimension culturelle et historique du vin. Rapidement, ce nouveau monde le fascine et il décide de compléter sa formation par une double spécialisation en viticulture (à Dijon) et en œnologie (à Montpellier). Diplômé en 1995, cet homme d’engagement débute sa carrière à Sauternes au château Raymond-Lafon. Le propriétaire des lieux, Pierre Mestier, par ailleurs régisseur historique du château d’Yquem, devient son mentor et lui enseigne l’exigence et la rigueur dans la conduite de la vigne comme du commerce. En 2001, Éric Monneret rejoint Generali pour une première expérience. Pour la compagnie d’assurances, valoriser la terre par des pratiques viticoles qualitatives est la condition de la pérennité du patrimoine dans lequel elle diversifie ses actifs. C’est cette vision qu’elle souhaite déployer avec l’acquisition du château La Pointe en 2007, dont elle confie la direction à Éric Monneret. Propulsé architecte du renouveau de cette belle endormie, sa mission va être de révéler durablement le potentiel de ce terroir idéalement situé dans l’appellation. En bon ingénieur, sa première démarche est scientifique. Il lance ainsi un vaste programme d’analyse des sols, réalisé grâce à des fosses pédologiques, afin de mieux comprendre la mosaïque géologique sur laquelle est assis ce vignoble d’un seul tenant, une situation rare à Pomerol. Cette nouvelle lecture va lui permettre de planifier avec précision des pratiques viticoles sur mesure. À partir de 2008, des mesures concrètes sont mises en place. Couverts végétaux et engrais verts, plantation de haies, agropastoralisme, etc., l’objectif de la démarche est sans ambiguïté. La vigne n’est pas une monoculture isolée, mais un élément qui fait partie d’un écosystème complexe. Régénération de la vie des sols, stimulation de la vie microbiologique et renforcement de la biodiversité deviennent ainsi les trois piliers de la transition environnementale souhaitée par une propriété qui obtient rapidement les certifications Haute valeur environnemental (HVE) et ISO 140001.


À qui sait attendre
On peut imaginer que l’investissement d’un groupe institutionnel dans le foncier viticole implique nécessairement une recherche de rentabilité immédiate. Si cette idée reçue a encore de beaux jours devant elle, force est de constater que Generali France a adopté avec son projet pomerolais une démarche inverse, choisissant de réaliser avec cette acquisition un placement patient et raisonné, fondé sur la valeur du terroir et la pérennité de ce dernier. Pas une acquisition d’image, mais un investissement dans la terre et le temps pour un acteur réputé discret dans l’espace public et qui s’est intelligemment mis en retrait de la partie opérationnelle, laissant Éric Monneret et ses équipes s’organiser pour faire fructifier ce patrimoine. Generali France a trouvé dans le Jurassien une personnalité en phase avec ses idéaux. « L’essentiel prime sur l’ostentation. Pour nous, ce sont les vignes et le terroir qui passent avant les chais, avant le château, avant toute image », résume le directeur. La relation de Generali avec le cru repose sur la confiance, la transparence et la liberté, dans un cadre rigoureux, suivi et piloté pragmatiquement. L’actionnaire est informé, mais peu interventionniste. « Il y a dans ma façon de manager la propriété une notion d’entrepreneur qui implique une exigence et une rigueur que je partage avec l’équipe. Nous sommes tous conscients d’être protégés par l’actionnaire, mais il m’appartient de préserver à chaque moment l’intégrité de l’entreprise », ajoute Éric Monneret. Le château lui-même reflète cette philosophie. La Pointe s’inscrit dans un triptyque indissociable : un terroir durable pour faire de grands vins, une architecture sobre dédiée à l’art de vivre accessible, un lieu, notamment le parc intégralement conservé (et pourtant classé en appellation), qui favorise le maintien de la biodiversité. Ainsi, depuis l’acquisition de La Pointe en 2007 jusqu’à celui récent, en appellation saint-émilion grand cru, du château Croque-Michotte (2023), le fil conducteur de Generali France est le même : la valorisation du foncier à long terme soutient une vision engagée. Cela doit passer et cela passe par la mise en place d’initiatives environnementales concrètes, de la préservation des sols à la réduction des émissions carbone en passant par la plantation d’arbres, entre autres.
Observer, comprendre, faire
La feuille de route des équipes de La Pointe et de Croque-Michotte repose sur une approche en trois temps : observer, comprendre, faire. Observer l’état des sols, l’adaptation des cépages, la résilience des vignes et l’exposition des terroirs. Chaque paramètre viticole est scruté pour identifier ses forces et ses faiblesses. Il s’agit ensuite de les comprendre, afin d’intégrer ces observations dans une logique globale qui vise à anticiper les interactions sol-vigne-climat dans le contexte du réchauffement climatique. Et enfin de prendre des décisions, une fois la situation comprise : décider de la bonne densité, choisir les bons porte-greffes, mettre en place des modes de conduite adaptés, etc. « Redonner de l’énergie à la vigne, c’est offrir un meilleur avenir à la terre », résume de manière réaliste Éric Monneret. L’homme qui a la fibre entrepreneuriale sait que la réussite d’un projet comme celui-ci repose sur la nécessité de s’entourer des bonnes personnes. En 2019, il recrute Pierre Candelier au poste de directeur des vignobles et des chais pour renforcer la démarche. Expert en agronomie, Pierre Candelier a complété la vision en optimisant la microbiologie des sols et en mettant en place des pratiques réactives et adaptées. Le binôme forme un duo aligné en termes de convictions et de valeurs, pour qui la science et l’intuition sont au service du vivant. Le directeur précise : « Pierre est un homme d’écoute et d’exigence, nuancé, proche de la terre et des hommes, avec une extrême attention portée au vivant. Il amène un savoir important sur les engrais verts, les couverts végétaux ». Pour les deux hommes, mais aussi pour leurs équipes qui en sont également convaincues, une démarche environnementale ne peut exister sans un projet humain. Le maintien du geste vigneron, la formation, la valorisation des métiers et le bien-être des hommes et des femmes sont au cœur de leur méthode, qui voit la viticulture actuelle comme un enjeu culturel et social autant qu’un pari agricole et économique.

Tout naît à la vigne
« Nous faisons les vins que nous aimons. Un grand vin repose sur deux fondements indissociables qui sont l’équilibre et la fraîcheur. » L’ambition des vins de La Pointe tient en une formule, l’éloge de la nuance. La recherche de l’équilibre est fondamentale et l’extraction des tannins doit être mesurée. « Nous privilégions la fraîcheur sur la puissance, parce que c’est notre définition du plaisir. » Les vinifications ont ainsi évolué pour préserver finesse et précision. « Afin de protéger les vins d’une oxygénation excessive, on flirte volontairement avec la réduction durant l’élevage des vins, pour conserver cette fraîcheur et cette élégance qui signent le style de La Pointe. » L’idée est d’offrir une expression nuancée et fidèle de Pomerol, en révélant la singularité des sols et du cépage dominant (le merlot) dans un style où la justesse l’emporte toujours sur le spectaculaire. La priorité est donnée à l’expression nuancée du terroir et au plaisir de boire, plutôt qu’à la puissance brute. Depuis 2019, le vin gagne en subtilité avec un profil soyeux et frais, tout en tension et finesse, affichant encore plus de subtilité aromatique. En presque vingt ans, le domaine a connu une évolution remarquable, y compris sur le plan commercial, passant de quelque 20 euros à plus de 45 chez les cavistes aujourd’hui. Une progression qui illustre une reconnaissance méritée du travail accompli à la vigne comme au chai. Et qui encourage une réussite patiente, fondée sur la cohérence et la fidélité à une vision.
Croque-Michotte, nouveau chapitre
Generali France a mis plus de quinze ans à acquérir un deuxième château dans le Bordelais, l’assureur préférant porter ses choix sur des actifs à valoriser et à révéler. « Ce qui prime, c’est la continuité de la vision, la stabilité des équipes et la clarté dans la conduite du projet sans quoi il n’y a pas de pérennité. L’évolution de la perception et de la reconnaissance commerciale de nos vins prouve que cette équipe fonctionne et avance », insiste Éric Monneret, qui a décidé d’avoir une approche similaire à Croque-Michotte. De premier ordre, le terroir de cette propriété de Saint-Émilion est propice à l’expérimentation de pratiques écologiques avancées. L’équipe s’attache désormais à révéler la singularité de chaque parcelle de ce vignoble idéalement positionné, cerné par des crus d’élite (Cheval Blanc, La Dominique, Grand-Corbin Despagne, Gazin, L’Évangile). Le nouveau chai, pas plus ostentatoire que celui de La Pointe, devrait être livré pour les vendanges de l’année 2026 et confirme cette vision à long terme. Tout comme les projets d’accueil à venir. « La convivialité est inscrite dans le nom même du lieu et sera au cœur de son identité. Nous voulons en faire un espace simple, généreux, dédié au partage et à la rencontre. Pour nous, c’est d’abord un terroir, une inscription dans une appellation et un collectif, mais aussi des espaces naturels avec des bâtiments intégrés. Nos priorités chronologiques et d’investissement sont d’abord le terroir, puis les chais, puis le château. » La devise adoptée pour Croque-Michotte, Terra, manus, mensa (la terre, la main, la table), résume d’ailleurs le futur positionnement du cru dans l’univers des grands vins de Bordeaux. « La vocation du vin est un plaisir et un partage. Le vin n’est pas une fin en soi », détaille Éric Monneret pour qui renouer le lien avec le consommateur fait partie des priorités : « S’ouvrir davantage, partager des expériences, raconter le vin dans son quotidien ». À Croque-Michotte, cette envie prend forme.
Futur et engagements
Face au changement climatique, le vignoble bordelais est aussi comme les autres régions en première ligne face à de nouvelles contraintes : sécheresses, pluies extrêmes, mildiou, coulure. L’équipe insiste sur l’importance de capitaliser sur l’expérience passée pour anticiper les aléas. « Amplifier nos engagements environnementaux et réduire nos impacts, c’est l’objectif que nous formaliserons dans les années à venir. » Dans la continuité de leur démarche environnementale, Éric Monneret et Pierre Candelier participent activement aux travaux de la Convention des entreprises pour le climat (CEC). Maintenir et régénérer. Prendre soin des femmes et des hommes. Accompagner ceux qui font le vin. Perpétuer le geste vigneron. Garantir des conditions de travail sûres et agréables. Revaloriser le métier agricole et combattre les idées reçues. Piloter et partager la valeur créée. Assurer la pérennité économique des propriétés pour soutenir des investissements régénératifs et durables. Portées par des équipes passionnées, La Pointe et Croque-Michotte incarnent une viticulture qui conjugue rigueur scientifique, sensibilité humaine et exigence esthétique. Grâce à l’appui de Generali France et à la vision d’Éric Monneret, ces propriétés bordelaises montrent que la production d’un grand vin peut et doit s’inscrire dans une démarche responsable et durable. Ici, la terre, le temps et l’humain ne sont pas de simples concepts, ils sont la matière première du futur.

