Mathieu Mariotti a la sens de la formule, tout au moins la mémoire des adages. De ses racines italiennes, il a retenu un dicton incisif : « Tu as voulu le vélo, maintenant pédale ! ». Du conseil d’un ami, il a fait une maxime : « Tu n’as qu’une fois une première fois ». Un bon résumé de ses dernières années. Puisque le vin le passionne, il a pris la tête de la propriété familiale. Et pour ne pas rater ses débuts, il s’est donné le temps de dévoiler les premières cuvées de Clos de Caille, avec l’ambition d’en faire un domaine de référence en appellation côtes-de-provence. « Avec mes parents, ma sœur et mon frère, nous nous sommes dit qu’on lancerait les vins seulement quand ils sont prêts », insiste-t-il. « Cela impliquait d’abord d’avoir un vignoble abouti et un outil technique performant. Nous voulions interpeller dès les premières dégustations. » Chez les Mariotti, la famille est sacrée. Tous gravitent autour de la Sampi (Société anonyme monégasque de promotion immobilière), l’entreprise fondée par le grand-père dans les années 1970. Son fils Jean-Pierre, ingénieur polytechnicien, et son épouse Simona la développent avec des projets d’envergure en Principauté. Mathieu, Jean-Marie et Clarissa, ses petits-enfants, naissent à Monaco, mais passent week-ends et vacances dans un lieu magique situé à une centaine de kilomètres du Rocher. Acquis par la famille en 1992, le domaine Clos de Caille dévoile la nature enjôleuse de cette Provence intérieure magnétique, entre monts de l’Ubac et vallée de l’Argens. Les traces de son histoire remontent aux moines cisterciens, bâtisseurs au XIIe siècle de l’abbaye du Thoronet voisine. « Mon père a créé chez nous un attachement viscéral au Clos de Caille », raconte Mathieu, 36 ans aujourd’hui. « Nous avons là-bas des souvenirs d’enfance merveilleux. Plus tard, j’y ai travaillé tous les étés avec les ouvriers agricoles. C’était physique. J’ai compris la valeur du travail et évité de devenir un assisté parce que j’avais la chance de grandir à Monaco. Cela m’a servi d’école de la vie. »
Des choix forts et des projets
Pendant près de vingt ans, les raisins issus des trente hectares de vignes du domaine sont vendus à la coopérative du village d’Entrecasteaux. Les premières restructurations du vignoble interviennent dès 1996, mais le tournant décisif est pris en 2017 avec la construction d’un outil de production de pointe. Rudy Ricciotti, architecte de renommée internationale, d’origine italienne lui aussi, est choisi pour donner à Clos de Caille un chai gravitaire semi-enterré, adapté pour des vinifications parcellaires. Après une première vie professionnelle de trader en matières premières entre la Colombie et les États-Unis, Mathieu est de retour à Monaco. Il devient directeur financier du groupe immobilier. En 2021, il prend la direction du domaine. « Cela s’est fait naturellement. Le vin est une passion qui prend un quart de mon temps. Je gère le quotidien et nous conservons une approche collégiale pour les décisions importantes. C’est le travail de notre génération d’installer le domaine à un niveau d’excellence, avec une identité fidèle à l’approche vigneronne que nous pratiquons. » Certifié bio, le vignoble, agrandi à la fin de l’année 2024 avec dix hectares attenants, est replanté à partir de sélection massale. Une campagne de surgreffage permet d’accélérer les changements d’encépagement. Avec de fortes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit, qui frôle souvent les vingt degrés, la situation du domaine peut lui permettre de bâtir sa réputation grâce à ses vins blancs et rouges. Un choix inspiré, pris à un moment où le marché du rosé sature dans un segment très concurrentiel. La couleur fétiche de la Provence ne représentera bientôt que les deux tiers de la production (contre 90 % encore en 2023). Ce virage n’est pas étranger à l’arrivée comme consultant de Matthieu Cosse, le vigneron de Cahors. « Dans ce nouveau milieu pour nous, les relations humaines sont décisives », explique Mathieu Mariotti. « Il nous fallait un œnologue à la hauteur d’un terroir exceptionnel, capable de trouver la typicité du lieu. Il nous a apporté cette vision, d’abord en réalisant soixante fosses pédologiques pour cartographier le parcellaire, puis par des vinifications peu interventionnistes. » Les liens entre eux se sont vite affermis. En tant qu’associés, ils viennent de faire l’acquisition du vignoble de Bonaguil dans le Lot, à une dizaine de kilomètres du domaine Cosse Maisonneuve.