Domaine Evenstad, le terroir pour réalité

Projets d’une famille américaine passionnée par les vins de Bourgogne, le domaine Evenstad et le château de la Crée, tous deux à Santenay, sont la parfaite illustration que le vignoble de Côte-d’Or n’a rien perdu de sa désirabilité. Mais pour réussir, il faut avoir des ambitions fortes

« Evenstad, c’est le rêve de deux Américains en Bourgogne », explique Pablo Bosch, œnologue du domaine créé en 2022. Fondateurs du domaine Serene dans la Willamette Valley en Oregon en 1989, Ken et Grace Evenstad ont acheté le château de la Crée à Santenay en 2015. Décédé en 2019, Ken nourrissait le rêve de devenir propriétaire en côte de Nuits. Pablo Bosch précise ainsi que si « Ken et Grace ont fondé un domaine en Oregon en plantant du pinot noir avec l’envie de produire des vins inspirés de la Bourgogne, tout en tenant compte du climat local, produire des vins en Bourgogne restait leur véritable objectif. »
Le domaine s’est construit à partir de l’acquisition d’une partie du vignoble du domaine Christian Confuron en 2021. « Ce rachat a permis d’implanter solidement la famille Evenstad en côte de Nuits », souligne l’œnologue. Il s’étend désormais sur six hectares répartis en appellation nuits-saint-georges et chambolle-musigny, avec des parcelles emblématiques qui traduisent l’ambition de ce projet. « Nous travaillons sur treize lieux-dits différents, mais nous produisons encore plus de cuvées, certaines parcelles donnant lieu à des vinifications séparées. » À Nuits-Saint-Georges, par exemple, les vieilles vignes plantées en 1929 du climat Longecourt sont isolées, tandis que d’autres parcelles offrent une version plus jeune du même terroir.


En tout, les deux domaines bourguignons de la famille représentent désormais près de 16 hectares cultivés, soit une trentaine d’appellations proposées, dont des chambolle-musigny premier cru, du bonnes-mares et du clos-de-vougeot en grand cru, sans oublier des bourgognes rouges et blancs.
Si les Evenstad sont Américains, leur approche de la Bourgogne n’est en rien une reproduction du modèle californien. « Ce serait une erreur », affirme le responsable des vinifications. « Aux États-Unis, la plus petite cuvée du domaine Serene représente déjà plusieurs milliers de bouteilles. En Bourgogne, certaines cuvées font à peine trois cents bouteilles. On travaille dans des conditions très différentes. » Sans oublier que le pinot noir et le chardonnay s’expriment différemment selon les pays. Le domaine Evenstad est également engagé dans une démarche de conversion à l’agriculture biologique, avec pour objectif d’obtenir une certification dans un avenir proche. Taille douce, rendements faibles (40 à 45 hectolitres par hectare en pinot noir, 45 à 50 en chardonnay), tout est mis en œuvre pour respecter la vigne et ses cycles naturels.

Rien que le terroir
L’esprit bourguignon se retrouve dans la philosophie de travail en cave, avec peu d’interventions pour une lecture fidèle du terroir et surtout une écoute patiente du vin. « On ne veut pas standardiser. Chaque climat, chaque parcelle a sa propre histoire à raconter. Il faut savoir être humble et accompagner le vin, pas le contraindre. Notre rôle, c’est d’être des gardiens et de laisser les terroirs parler, en surveillant attentivement les étapes clés de la vinification. Savoir quand ne pas agir est souvent le plus difficile. »
Côté élevage, la part de bois neuf est limitée (10 à 30 %), loin des usages américains où l’élevage sous bois peut être plus marqué. « Si l’on boisait trop en Bourgogne, ce serait imbuvable. Il faut accepter qu’un vin évolue. Il est parfois fermé, triste, puis en le goûtant de nouveau, il révèle autre chose et s’exprime pleinement. C’est ce qui est fascinant dans notre métier. »
Si certaines cuvées lui tiennent particulièrement à cœur, comme le chambolle-musigny du domaine Evenstad ou le saint-aubin premier cru Les Gravières Vieilles vignes du château de la Crée, l’œnologue aime aussi sublimer des parcelles plus modestes : « Travailler un bonnes-mares, c’est plus simple car tout est là, mais faire parler un climat plus discret, c’est un défi qui m’excite ». Avec un premier millésime en 2022, le domaine Evenstad est une aventure guidée par la patience, la recherche de l’émotion.


D’éventuelles nouvelles acquisitions ne sont pas exclues si une opportunité se présente, comme ce fut le cas récemment avec l’achat de petites parcelles à Meursault et Puligny-Montrachet, avec pour objectif de consolider la présence du domaine dans les appellations. Pablo Bosch souhaite se concentrer sur la qualité et continuer à faire des vins « qui font vibrer les amateurs ». Pouvoir proposer un peu plus de bouteilles de meursault, par exemple, est sa plus grande satisfaction.
Sans surprise, les États-Unis sont aujourd’hui le principal marché de ces vins, mais la famille travaille activement à leur donner une place sur les plus belles tables françaises, notamment à Paris. « Nous croyons que la gastronomie est une vitrine importante. Les clients veulent retrouver leur vin préféré au restaurant, c’est là que l’émotion se crée. »

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