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La reconnaissance du cru est venue vingt ans après la première vague des appellations d’origine. Si l’on parlait de l’accession à ce statut dès 1936, les discussions ont traîné avant de s’interrompre avec la Seconde Guerre mondiale puis la reconstruction. Entretemps, les producteurs étiquetaient donc leurs vins en côtes-du-rhône. La réputation des vins du secteur est ancienne, notamment ceux issus du secteur de Mauves, à la sortie sud de Tournon. Ce « vin de Mauves » était notamment produit sur l’emblématique coteau de Saint-Joseph, qui a donné son nom à l’appellation. Les plus anciennes traces écrites relatant d’une activité viticole dans le secteur remontent à 1668, avec les pères jésuites de Tournon, les mêmes qui dès 1561 fondèrent le lycée François de Tournon (le deuxième plus vieux de France après Saint-Louis, à Paris). On peut supposer sans peine que l’on y a toujours produit du vin.
Les quelques 1 500 hectares de l’aire de production de l’appellation couvrent une soixantaine de kilomètres sur la rive droite du Rhône, se répartissant sur 26 communes (23 en Ardèche et 3 dans la Loire), depuis Chavanay au nord jusqu’à Guilherand-Granges au sud. À dominante granitique, les coteaux de l’appellation ont quelques singularités, comme l’explique l’œnogéologue Georges Truc : « L’appellation saint-joseph repose bien sur un substratum granitique, le granite de Tournon, un granite à grands cristaux de feldspaths également appelé granite à dents de cheval. Les granites sont des roches magmatiques. Plus au nord, vers Charnas ou Malleval, on va trouver des micaschistes ou des gneiss, qui eux sont des roches métamorphiques, tandis que tout au sud, on trouvera des matériaux calcaires, à Châteaubourg et à Guilherand-Granges, sur le flanc est de la montagne de Crussol. Ces calcaires du Jurassique se sont érodés au Quaternaire et cette érosion a littéralement nappé les versants ». Sans oublier des terrasses de galets roulés sur les hauteurs de Châteaubourg, ainsi que quelques dépôts lœssiques disséminés dans toute l’appellation. Au-delà de ces subtilités minérales qui se reflètent dans la dégustation des vins, on constate une bonne dizaine de jours d’écart quant aux dates de vendanges entre le sud et le nord de cet ensemble étiré, avec inévitablement des différences dans la maturité du raisin suivant les aléas climatiques du millésime.
Plus de blancs
La qualité du vin s’est améliorée à partir des années 1990 et les coteaux ont été de plus en plus sanctuarisés. Joël Durand, le président de l’appellation, se souvient : « À l’époque, l’aire d’appellation couvrait 7 000 hectares. Seulement 600 étaient plantés. Le but n’était pas de se développer sur les plateaux ni dans les plaines. Il s’agissait d’affirmer ce qui fait l’ADN du vin de Saint-Joseph, c’est-à-dire ses coteaux, entre 150 et 300 mètres d’altitude, exposés majoritairement au sud. On a délimité des îlots et non des zones correspondant aux communes dans leur intégralité, ce qui permet d’avoir dans l’aire d’appellation des zones impropres à la culture de la vigne. Elle fait aujourd’hui 3 500 hectares (pour environ 1 200 hectares plantés, ndlr). Pour autant, cela ne signifie qu’il reste 2 000 hectares à planter, en raison des zones urbanisées et des secteurs rocheux inexploitables ». L’Inao a ainsi accordé un délai de vingt-cinq ans pour l’entrée en vigueur progressive de cette délimitation, accordant entre autres des droits de plantation pour les vignerons lésés. Depuis la récolte 2021, les parcelles exclues ne produisent plus en appellation saint-joseph mais en IGP.
Autre sujet d’actualité, l’importance croissante de la part des vins blancs dans la production de l’appellation. Pour les vins rouges, il arrivait parfois que les vignerons incorporent jusqu’à 15 ou 20 % de raisins blancs lors de la vinification de la syrah. Une pratique aujourd’hui révolue tant la demande pour les blancs est élevée et leur production faible, avec seulement 7 000 hectolitres sur un total de 50 000 pour les deux couleurs. L’encépagement de l’appellation se répartit entre marsanne (deux tiers) et roussanne (un tiers). Si la production en blanc a doublé en vingt-cinq ans, Joël Durand n’y voit pas une solution miracle : « Faire du blanc pour faire du blanc, ça serait une catastrophe. Les terrains granitiques asséchants où la syrah réussit bien font de mauvais blancs. Les blancs ont besoin de sols plus riches, plus alimentés sur le plan hydrique, que l’on retrouve aussi dans l’appellation. Il faut simplement les connaître et les sélectionner ». Comme partout, l’appellation est préoccupée par l’adaptation au climat de ses terroirs, de son matériel végétal et de sa biodiversité. Pour Joël Durand, « ce sont les prochaines générations qui devront y répondre ».
La dégustation
Les rouges
Domaine Belle, Les Rivoires 2022
Installés sur les terres kaoliniques de Larnage, les Belle savent aussi produire des saint-joseph de belle facture tel ce 2022 aux tannins ronds et crémeux, au fruité noir gourmand. On l’appréciera jeune.
90/100 – 40 euros
Domaine Graeme et Julie Bott, saint-joseph 2022
Ce jeune domaine propose ici une cuvée issue de ses vignes complétées par un peu d’achat. Trente pour cent de vendange entière et quinze mois en fût apportent un fruit très mûr, plus pâte de fruits que fruit frais, mais qui reste gourmand. Les tannins ont été bien enrobés par l’élevage en pièces, la finale est onctueuse et gourmande, avec une agréable persistance chocolatée en finale.
92/100 – 32 euros
M. Chapoutier, Le Clos 2022
Sur cette parcelle spectaculaire qui surplombe le cimetière de Tournon en contrebas, les vignes sont plantées dans une pente vertigineuse. Un vin au fruité mûr et à la bouche dense, avec une fine expression fumée grillée en bouche et beaucoup de noblesse dans
les parfums comme dans les sensations tactiles.
95/100 – 170 euros
Domaine Jean-Louis Chave, Clos Florentin 2022
Le maître de l’Hermitage a créé un petit jardin vigneron au pied du coteau de Chalais, dans son village de Mauves, où il élabore un saint-joseph avec du moelleux et une belle profondeur, doté d’une belle harmonie en finale. À ce stade, le fruit est en retrait.
92/100 – Prix non communiqué
Domaine Courbis, Les Royes 2022
Les Courbis sont installés sur la partie sud de l’appellation, à Châteaubourg, dont Laurent fut longtemps le maire. Le secteur des Royes est une spectaculaire cuvette recouverte de dépôts calcaires qui donnent une salinité particulière au vin, notamment ce 2022 droit et salin, avec une bouche aux tannins fins et élégants. La finale est délicatement épicée.
91/100 – 38 euros
Domaine Pierre et Jérôme Coursodon, Le Paradis Saint-Pierre 2023
Les Coursodon font partie des vieilles familles de Mauves et à ce titre exploitent un parcellaire bien situé sur les meilleurs coteaux du village. Le fruité rouge et fin de ce saint-joseph indique une belle syrah bien mûre, le toucher raffiné évoque le soyeux d’une peau de pêche, voilà un vin de belle élégance.
92/100 – 69 euros
De Boisseyt, Les Rivoires 2022
Romain Decelle affine son style, millésime après millésime. En 2022, Saint-Joseph lui a particulièrement bien réussi, comme le montre ce vin à la bouche bien dessinée, droite et verticale.
92/100 – 33 euros
Delas, Sainte-Épine 2023
Une micro-production pour cette maison de Tain, avec 6 500 bouteilles mises sur le marché. Un peu de réduction au nez, mais les fleurs surgissent à l’aération. En bouche, on retrouve la salinité des granites. La finale offre une pointe d’austérité propre au millésime.
91/100 – Prix non communiqué
Ferraton Père et Fils, Lieu-dit “Saint-Joseph” 2022
En 2011, la petite maison de Tain a récupéré cette parcelle plantée voici plus de 80 ans sur le lieu-dit Saint-Joseph. Il s’agit du plus salin de ses trois saint-joseph : dès l’entame de bouche, le tannin sans raideur demande juste à patienter pour révéler ce vrai jus
de granite.
93/100 – 53 euros
Domaine Pierre Gaillard, Clos de Cuminaille 2023
Ce clos a été planté par Pierre Gaillard lorsqu’il s’est installé et son vin est régulièrement l’une des plus belles réussites du domaine. Ce 2023 est gourmand et équilibré, la bouche offre un agréable fruité rouge mûr et une savoureuse texture minérale.
91/100 – 29,50 euros
Domaine Pierre Gonon, saint-joseph 2022
L’un des domaines les plus recherchés pour l’appellation, dans un style qui sent bien la maturité des terroirs du sud, ce dont témoigne ce 2022 au tannin épicé, concentré, offrant
un fruité rouge framboisé affirmé. Superbe expression de la pureté granitique des arènes
de Saint-Joseph. Un grand millésime en préparation.
94/100 – 55 euros
Domaine Alain Graillot, saint-joseph 2023
Ce domaine spécialiste du crozes-hermitage s’aventure avec réussite sur l’autre rive. Ce vin de belle emprise saline granitique au nez comme en bouche s’appuie sur un tannin corseté.
Cet ancrage minéral est du plus bel effet.
91/100 – Prix non communiqué
Domaine François Grenier, Signature 2022
Découvert cette année, cet ancien coopérateur nous a séduits par la qualité de sa production. Un vin doté d’une matière charnue en bouche, la finale est longue et
de belle fraîcheur. La belle concentration tannique lui permet de bien vieillir.
92/100 – 29 euros
Domaine Bernard Gripa, Le Berceau 2023
Autre famille historique de la commune viticole de Mauves, à la sortie sud de Tournon. Fabrice Gripa propose ici un vin puissant, avec une bouche ronde et chocolatée, une bonne fraîcheur finale permise par ce grand terroir qu’est le Berceau.
90/100 – 46 euros
E. Guigal, Vignes de l’Hospice 2022
Le seigneur de la Côte-Rôtie s’illustre aussi avec ces vignes qui dominent Tournon. Il s’agit du plus serré et refermé des saint-joseph de la maison. Droit et sans concession, le tannin est finement gainé. À attendre quelques années.
95/100 – 65 euros
Paul Jaboulet Aîné, La Croix des Vignes 2022
Cette cuvée est issue d’un parcellaire situé au-dessus des vignes de l’Hospice. Le joli nez grillé réducteur exprime bien les syrahs de granite des hauts de Tournon, la bouche est séveuse, élégante, en finesse et en longueur, pas trop chaleureuse dans son expression en finale.
93/100 – 70 euros
Domaine André Perret, Les Grisières 2022
Un domaine réputé pour ses condrieux et ses saint-joseph, ces derniers étant issus des secteurs nord de l’appellation. Ce 2022 offre un beau départ poivré en bouche comme au nez, des tannins concentrés et bien élevés, avant une finale qui se déploie bien dans le verre.
92/100 – 31 euros
Maison Christophe Pichon, Palisse 2022
Ce domaine spécialiste du nord de la vallée (côte-rôtie, condrieu) propose un saint-joseph aux senteurs d’olive verte et de chocolat, très agréables, avec une bouche aux tannins caressants et en finesse. La finale est équilibrée et de belle longueur.
93/100 – 32 euros
Cave de Tain, Tourtouret 2023
La cave se laisse tenter par des sélections parcellaires. Celle-ci est issue du secteur de Vion, à quelques kilomètres au nord de Saint-Jean-de-Muzols, où seuls sont présents des adhérents de la coopérative. Au nez, on aime ce fruité gourmand et bien mûr, mais sans caricature ni excès d’alcool. Les tannins sont soyeux et caressants en bouche, avec de la finesse et un équilibre gourmand.
92/100 – Prix non communiqué
Vidal-Fleury, saint-joseph 2021
Pour cette cuvée, ce négociant-éleveur achète entre Limony, Malleval, Saint-Pierre-
de-Bœuf et Chavanay, soit les secteurs nord de l’appellation, ce qui procure à la bouche une salinité prononcée. Une expression typique des saint-joseph du nord par sa bouche corsée.
89/100 – 19,50 euros
Pierre-Jean Villa, Tildé 2022
Ce vigneron surdoué pratique les élevages longs pour ses grandes cuvées, en plus
d’une viticulture soignée. Cette cuvée Tildé, au tannin fin, à la trame saline et élancée, propose un fruité fin et savoureux. Superbe équilibre de grande syrah de granite.
94/100 – 47 euros
Les blancs
Domaine Graeme et Julie Bott, saint-joseph 2023
Assemblage de roussanne (70 %) et marsanne (30 %) issues des vignes de Graeme et Julie, ce vin offre un beau relief en bouche, avec un toucher tout en finesse et une épaisseur qui s’affirme progressivement.
90/100 – 34 euros
M. Chapoutier, Les Granits 2023
Brillante interprétation puissante du coteau du Saint-Joseph, cette sélection parcellaire
est d’une rare régularité depuis que Michel Chapoutier a décidé de l’isoler. Ce blanc
de granite offre un fruité blanc fondant et frais qui finit sur une sensation réglissée prolongeant la longueur et la fraîcheur.
94/100 – Prix non communiqué
Domaine Courbis, Les Royes 2023
Les frères Laurent et Dominique Courbis font briller leur terroir des Royes dans les deux couleurs. En blanc, on apprécie ce jus fin et tapissant en bouche, ce fruité blanc frais, agréable et gourmand, avant une finale réglissée bien fraîche.
91/100 – 28 euros
Domaine Pierre et Jérôme Coursodon, Le Paradis Saint-Pierre 2023
Jérôme Coursodon maîtrise aussi bien ses blancs que ses rouges, à l’image de ce 2023 à la belle matière ample et de belle épaisseur en bouche, au toucher caressant sur fond de fruits blancs juteux. La persistance est savoureuse et agréable.
90/100 – 38 euros
Domaine Eymin-Tichoux, Varembon 2023
Seulement 540 bouteilles dans ce millésime car la grêle est venue toucher deux fois la parcelle. Une roussanne mûre et riche en bouche, adroitement élevée, dotée d’une acidité salivante. On aime la pureté de fruit et le bel équilibre en bouche.
91/100 – Prix non communiqué
Ferraton Père et Fils, Les Oliviers 2022
Une réussite constante pour ce blanc issu du beau secteur des Oliviers, à l’entrée de Mauves. Un nez de fruits mûrs, presque exotiques, et des senteurs grillées solaires propres
au terroir. En bouche, la chair est fondante et enrobante. Une réussite, dans un millésime solaire.
92/100 – 51 euros
Domaine Pierre Gonon, Les Oliviers 2023
La réussite en blanc égale celle en rouge. Ce 2023, toujours issu du secteur des Oliviers, à Mauves, déploie un fruité bien mûr et fin, sans lourdeur, avec des senteurs d’amande fraîche et d’herbes chaudes. Bouche savoureuse portée par les amers de la marsanne et la salinité des arènes granitiques.
93/100 – 43 euros
Domaine François Grenier, Fragrance 2023
Si les rouges de ce jeune vigneron nous avaient séduits, les blancs n’étaient pas en reste, avec ce 2023 à la bouche bien dessinée, alliance de fruit jaune et de nuances plus salines. La bouche est fraîche et élégante, le toucher raffiné.
92/100 – 20 euros
Domaine Bernard Gripa, Le Berceau 2023
Cette cuvée en blanc fait souvent jeu égal avec le rouge, rappelant la supériorité du terroir
du Berceau. Un toucher de belle finesse et onctuosité, avant une persistance vanillée propre au terroir, très agréable et raffinée.
92/100 – 40 euros
E. Guigal, Le Saint-Joseph 2023
Sans doute le vin le plus vite épuisé de la maison, d’après Philippe Guigal. L’élevage est encore un peu marqué, mais sa belle matière le supporte. Une bouche large et grasse, aux senteurs de fruits mûrs et d’épices, un vin raffiné et civilisé, qui va bien vieillir.
93/100 – 38 euros
Domaine André Perret, saint-joseph 2023
Plus recherché pour ses condrieux que pour ses blancs de Saint-Joseph, ce domaine sait néanmoins y faire, la preuve avec ce 2023 de belle finesse en bouche, au fruité fin
et élégant. La finale fraîche fait ressortir la pureté des granites.
90/100 – 22,50 euros
Cave de Tain, Terre d’Ivoire 2023
La cave progresse en blanc depuis quelques millésimes. Cette sélection parcellaire contient 10 % de roussanne qui lui apportent une belle épaisseur, une impression de finesse et un fruité qui reste frais. Le grillé de la finale apporte une vraie noblesse. Coup de cœur.
92/100 – 29 euros
Vidal-Fleury, saint-joseph 2023
Comme pour le rouge, les achats sont concentrés dans les secteurs nord de l’appellation, ici entre Limony et Malleval. On aime cette belle salinité en bouche adossée à de fins parfums de fruits blancs.
89/100 – 20 euros
Pierre-Jean Villa, Saut de l’Ange 2023
Régulièrement l’une des plus grandes réussites en blanc de l’appellation. Fruité jaune, fondant et gourmand, bouche finement texturée par une salinité de granite qui apporte l’équilibre et évite toute lourdeur. Superbe.
93/100 – Prix non communiqué