Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 25 : Champagne Castelnau, hors catégorie, blanc 2012
Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 25
Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #19
Quand on a vingt ans et qu’on est resté gamin, mais sensible aux mots, on s’amuse devant le nom d’un des domaines pionniers des côtes-du-rhône du Vaucluse : Rabasse-Charavin. Rabasse, c’est la truffe noire en provençal et les Charavin, une des familles les plus respectées du secteur Cairanne-Rasteau. Je fréquentais jeune le festival d’Orange et je n’ai pas manqué de visiter alors ce domaine, ce qui m’a permis de rencontrer une femme vigneronne de grand caractère, Corinne Couturier, unanimement estimée de ses pairs. Son mari fournissait toute la viticulture locale en matériel de culture et de vinification et son vin généreux offrait toute la force d’expression des meilleurs secteurs de Cairanne, en limite de Rasteau. Il y eut ensuite une assez longue période de vins moins convaincants, très animaux, ils n’étaient pas les seuls de ce type. Avec l’aide de ses enfants et après avoir investi dans un nouveau cuvier, Corinne a retrouvé le chemin de l’excellence et du vrai vin de terroir.
À Estevenas, le type de vin de Cairanne devient plus ample, plus profond, peut-être moins typé syrah que dans d’autres secteurs, plus proche du grain d’un rasteau. Ce 2010, arrivé désormais à pleine maturité (c’est un privilège que d’avoir vieilli avec lui) offre toutes les senteurs de la garrigue, sur une dominante de laurier, de pierre séchée au soleil, à la fois intense, minéral et moelleux, parfaitement équilibré en alcool (14°), et bien protégé par un excellent bouchon technique, qui prouve encore une fois une remarquable tenue dans le temps. Un délicat amer type gentiane relève la fin de bouche et apporte de la fraîcheur au corps ensoleillé du vin, dont le naturel, la précision d’expression du terroir appelle une daube froide de bœuf en gelée et des poivrons rouges confits. Rien ici ne rappelle la truffe sinon le nom du domaine. De toute façon, le confinement m’interdisait de cuisiner cette daube.
Domaine Rabasse Charavin, cuvée d’estevenas, cairanne 2010
Corinne Couturier, propriétaire
Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 24
Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 24 : Domaine Levet, améthyste, côte-rôtie 2017
Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #18
Le drame quand vous avez mis tout votre cœur à préparer une grande et rare bouteille, à lui mitonner un plat qui va avec et qu’elle se révèle désespérément bouchonnée, c’est de vite retrouver un flacon de secours, prêt à boire, le plat se refroidit et le tempo de service souffre d’un gros « jitter ». Je savais qu’avec les vins d’Henry, je ne courrais aucun risque. Et, de fait, cette bouteille est une tuerie. La perfection absolue du vin de fruit, le modèle, celui qu’imitent sans génie et avec approximation tous ceux qui cachés derrière l’étendard du vin nature ne dessinent que des brouillons inaboutis, encensés par des buveurs aussi imprécis que leur boisson.
Ce gamay, aujourd’hui interdit en vin d’appellation contrôlée parce qu’il serait teinturier, entendez que le jus de son raisin est coloré, serait natif de Bourgogne comme le nom qu’il porte le donne à penser. Comme tous les teinturiers, on lui a fait la guerre un peu partout, même si lorsque vous vous promenez pendant les vendanges vous voyez régulièrement des feuilles bien rougies, qui dénoncent l’ADN hors la loi de leur plant. Heureusement que le vigneron gaulois sait désobéir. Les pinots et gamays teinturiers renforcent naturellement la couleur et évitent d’avoir recours, comme on l’a si souvent fait, à des alicantes venus du sud et tarifés à leur pouvoir colorant. Mais ce gamay en particulier, qui fit les beaux jours des vins de la vallée du Cher, est un artiste : dans le parfait millésime 2018, ses notes de fleurs, de framboise, de mûre, admirablement mises en valeur par une vinification d’une précision millimétrée et protégées par un bouchon technique tout aussi précis m’ont fait rêver qu’on le replante sur des centaines d’hectares dans mon Beaujolais où, dans le même millésime, des milliers d’hectolitres foxés et phénolés passent pour des vins de terroir. Et où l’on préfère essayer la banalité du fruit de croisements venus de Suisse ou du Languedoc. Une seule condition pour profiter pleinement du plaisir de notre Grand Oublié, servir à juste température, soit 13/14/15 (au maximum) degrés.
Domaine Henry Marionnet, les cépages oubliés, gamay de bouze, i.g.p. val de loire 2018
Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 23
Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Aujourd’hui, Thierry Desseauve reçoit Jean-Nicolas Méo qui déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 23 : Domaine Méo-Camuzet, clos de vougeot grand cru 2009
Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #17
Une cave humide n’est pas l’amie des étiquettes et, souvent, l’amateur va à la pêche dans une de ses piles de vins avec une âme d’archéologue. Ainsi, cette bouteille du domaine Weinbach de la famille Faller avec laquelle j’entretiens une profonde amitié depuis quarante ans. Hélas, des trois magnifiques femmes qui lui ont donné une célébrité mondiale, il n’y a plus qu’une survivante, Cathy qui, avec ses deux fils et après de douloureuses disparitions, se retrouve en charge du domaine.
Je pensais tomber sur un de ses délicieux rieslings. Raté, c’est un gewürtztraminer, évidemment remarquable, car ici on n’a jamais su produire de vin médiocre ou banal. Un œil exercé repère les ruines du petit bandeau doré, cuvée Laurence, et quelques lettres des mots gewürztraminer et Laurence. Le millésime figure sur le bouchon : 2000.
Ce vin provient du coteau de l’Altenburg qui sert de frontière avec les deux grands crus Schlossberg et Furstentüm, sans avoir été curieusement classé grand cru lui-même. On passe ici en douce transition du granit à l’argilo-calcaire et le gewürztraminer y trouve une expression plus personnalisée que le riesling. Laurence Faller, disparue bien trop tôt, était une grande vigneronne, ayant progressivement adopté pour ses vignes les règles de la biodynamie, avec conviction, persévérance et bon sens. Elle n’aimait donc pas trop intervenir en vinification, laissant les vins achever leur fermentation naturellement. Comme ils étaient riches en sucre naturel, ils conservaient une quantité parfois trop importante de sucre résiduel pour les habitudes gastronomiques alsaciennes et, encore plus, celles de la France de « l’intérieur ». Nous nous disputions amicalement – et combien je regrette ces discussions que nous n’aurons plus – sur quelques cuvées de ce caractère, dont les cuvées qui portaient son nom, issues de gewurztraminer, les rieslings étant dédiés à sa sœur Catherine. En 2000, il semble que la richesse du raisin, largement au niveau d’une vendange tardive normale, provenait plus de passerillage que de pourriture noble, du moins au goût. Vingt ans plus tard, le vin a conservé sa puissance aromatique, avec une touche de lourdeur et quelques notes lactiques, qui contribuent à cette sensation de lourdeur. La bouche, en revanche, reste riche, attractive, à la fois sur la rose /litchi, les fruits blancs, avec une finale de vin moelleux, à défaut de liquoreux. Il accompagnerait un foie d’oie.
J’ai tenté pour lui une nouvelle recette de lentilles aux saucisses fumées de Montbéliard, largement aromatisées à la mirabelle et à la clémentine, apportant au sel, aux épices (coriandre, clous de girofle) et à l’oignon une sucrosité pouvant servir de lien avec le vin. La réussite est moyenne, le sel n’aime pas cette fin de bouche opulente. Je ferai mieux, peut-être, une autre fois.
Domaine Weinbach, gewurztraminer, altenburg, cuvée laurence 2000
Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 22
Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 22 : Domaine de la Bégude, l’irréductible, bandol, rosé 2018
Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #16
Je poursuis mes rendez-vous avec les rieslings d’Alsace qui sont, avec ceux du Rhin et de la Moselle, les blancs les plus chers à mon cœur, mais qui sont beaucoup moins connus et considérés par beaucoup de mes convives. Ce qui me permet de les laisser vieillir. Une des joies du confinement me sera celle de me permettre de les boire à maturité. Andrée Trapet est la femme de Jean -Louis, un des plus célèbres producteurs de Gevrey-Chambertin. Elle en partage les grandes et rares qualités humaines de générosité, d’ouverture, d’amour du travail bien fait, et bien fait en personne, de gentillesse et simplicité. Elle a hérité de sa famille originaire de Beblenheim un joli patrimoine de vignes, agrandi par l’acquisition de belles parcelles sur Riquewihr et ces 40 ares du grand cru Schlossberg. Le magnifique coteau granitique de ce grand lieu-dit de 80 ha, le premier à être classé grand cru en 1975, avec ses terrasses rendues nécessaires par la pente et son important dénivelé (250/ 350 mètres) se partage entre les communes de Kaysersberg et de Kientzheim. Il est depuis longtemps réputé pour la finesse d’expression de ses rieslings, qui puisent sa délicieuse minéralité dans un riche patrimoine d’oligo-éléments.
2009 fut un millésime chaud, propice à la concentration des raisins et, en principe, peu adapté aux sols granitiques qui conservent la chaleur et craignent la sécheresse. C’était aussi une période où les vins à forte présence de sucre résiduel plaisaient à l’étranger et moins en France. Nous ne savions pas, nous ne savons toujours pas, avec quoi les boire et nous ne parvenons pas à savoir sans indication précise sur l’étiquette s’ils sont secs et faits pour les poissons nobles, avec moins de 5 grammes de sucre ou plus tendres (5 à 10 grammes) ou, même, demi-sec. Ce 2009 n’a pas échappé à la tendance, le vieillissement permet de le comprendre avec plus de précision et de mieux savoir le consommer. Son nez magique évoque la pierre, les fruits jaunes qu’on aime distiller localement, comme la mirabelle. Aucune trace d’oxydation lactique, façon bourgogne moderne, ou de réduction simplificatrice, mais un éclat et une générosité remarquables. La matière est somptueuse, texture riche et fortes sensations tactiles, évidemment le sucre est présent, d’autant que l’acidité n’est pas très élevée. Pas question de poissons au beurre ou à la crème, de crustacés et, même, de volaille. À table, on ne voit qu’une belle tarte aux mirabelles ou aux coings pour l’accompagner. C’est oublier qu’on peut boire aussi ce type de grand blanc en dehors des repas, comme on le fait encore aujourd’hui couramment en Europe Centrale, pour le simple plaisir ou pour accompagner vers 18 heures des biscuits, des confitures ou des tartelettes aux pommes, aux poires, aux fruits jaunes. Vin de convivialité. Je suis persuadé que depuis ce millésime qui fut un des premiers vinifiés par Andrée, des vins plus secs et sans doute plus conformes à l’esprit de ce grand terroir ont retrouvé leur place en gastronomie classique.
Domaine Trapet, riesling, schlossberg grand cru 2009
Voyage autour de ma cave par Thierry Desseauve – Jour 21
Voyage autour de ma cave, ou la chronique quotidienne d’un amateur pas désespéré par temps de confinement. Thierry Desseauve déniche, ouvre et raconte une bouteille mémorable de sa cave.
Jour 21 : Clos des Centenaires, costières-de-nîmes, grenache vieilles vignes 2018
La France bleu blanc rose
Le printemps est là, dans nos jardins, sur nos balcons, à nos fenêtres. Le beau temps qui s’installe invite aux pique-niques dans les parcs, aux apéros en terrasses et aux barbecues entre amis. Impossible. Le pays devra patienter encore quelques semaines avant de fêter le beau temps. Mais rien n’empêche de déguster un rosé plein de fraîcheur et de promesses estivales. En voici six que nous apprécions particulièrement. Restez chez vous. L’été approche.
Château Minuty, Prestige
Qui a vu le soleil se courber sur les coteaux de Gassin sait que la beauté de la Provence viticole est parfois à couper le souffle. Un siècle plus tôt pourtant, il n’y avait presque plus de vignes à cet endroit de la presqu’île de Saint-Tropez et Minuty n’était pas encore la marque qu’elle est devenue. Assemblage provençal classique de grenache, tibouren, cinsaut et syrah, c’est à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre d’un rosé de Provence à ce prix : des notes d’agrumes, de la minéralité, un peu de vinosité et surtout beaucoup de fraîcheur. Ça s’appelle l’équilibre et celui-ci n’en manque pas.
18,99 euros
Château d’Aqueria, tavel
Grenache noir, grenache blanc, clairette, cinsault, mourvèdre, syrah, un peu de bourboulenc, un peu de picpoul. Le Rhône dans un assemblage rose. La vieille appellation reine des rosés a perdu de sa superbe, faute à une Provence conquérante et à des rosés de Loire bien distribués. Le tavel est pourtant capable de compter parmi les grands vins, complexes et aptes à une très longue garde. La version d’Aqueria, c’est des petits fruits rouges, c’est généreux, puissant, complexe, c’est super digeste.
11,95 euros
Mouton-Cadet, bordeaux rosé
On s’étonnera sûrement de sa place dans notre sélection. Certains diront que Mouton-Cadet n’est pas à la hauteur et que la marque signe des vins technologiques sans âme et sans saveur. Certes, ça ne plaira pas à l’amateur du « small is beautiful ». Tant pis. Qu’il sache au moins que la gamme « Réserve » est capable d’accompagner haut la main le meilleur de la cuisine bistro de la capitale. On a dit que Bordeaux devait reconquérir Paris ? Dans la bataille des apéros d’été, ce rosé l’aidera.
9,49 euros
La Vieille Ferme, côtes-du-lubéron rosé 2018
Le rosé de plaisir par excellence (et la cuvée préférée de l’étudiant). Il faut dire qu’à moins de cinq euros, le rapport qualité-prix est sûrement l’un des meilleurs de France. La famille Perrin, entre son Beaucastel et le Miraval de Brad Pitt, trouve le temps de donner à ce rosé de quoi se retrouver toujours en valeur dans les linéaires de nos magasins : du savoir-faire et un style à l’aise avec l’apéritif, les entrées froides et les grillades.
4,99 euros
Château Gassier, Le Pas du Moine 2019, côtes-de-provence sainte-victoire
Quarante hectares de vignes en bio. La Sainte-Victoire au nord, la Sainte-Baume au sud et les Monts Auréliens à l’est. Gassier est le joyau rose au milieu de ces géants de pierre. Le domaine profite du micro-climat particulier à cette vallée entre conditions de maturité parfaites et forte influence maritime pour garder un fruit frais. Syrah, grenache, cinsault, rolle. Le pressurage direct et délicat précède une fermentation à température basse. Résultat : une aromatique un peu à rebours de ce qu’on trouve en Provence, originale et taillée pour la cuisine épicée. Ce n’est pas si fréquent et tant mieux.
15,50 euros.
Aegerter, MIB, bourgogne rosé 2019
MIB pour Made in Burgondy. Du rosé en Bourgogne ? Oui, il y en a. En particulier à Marsannay, au nord de la côte de Nuits et à un niveau d’appellation village. Mais on peut aussi en faire dans l’aire de l’appellation régionale. Celui-ci, une signature sérieuse, est issu de pinots noirs situés dans les hautes côtes de Nuits. Elevée pour une partie en demi-muids. (30 %), voilà une version rosée gourmande du pinot noir bourguignon et une belle découverte.
18,90 euros
Tous ces vins sont disponibles en ligne sur les sites marchands de Monoprix et Vinatis. Il suffit de cliquer sur les liens suivants.
Château Minuty, Prestige // https://www.monoprix.fr/courses/minuty-prestige-rose-cotes-de-provence-chateau-minuty-3070048-p
Château d’Acqueria, tavel // https://www.monoprix.fr/courses/tavel-aop-rose-chateau-dacqueria-2095342-p
Mouton Cadet, bordeaux rosé // https://www.monoprix.fr/courses/bordeaux-aop-rose-mouton-cadet-2576654-p
La Vieille Ferme rosé 2018 // https://www.monoprix.fr/courses/cotes-du-luberon-aop-rose-la-vieille-ferme-1680631-p
Château Gassier, Le Pas du Moine 2019 // https://www.vinatis.com/37317-le-pas-du-moine-2019-chateau-gassier?search_query=gassier&results=9
Aegerter, MIB 2019 // https://www.vinatis.com/37273-bourgogne-rose-mib-2019-aegerter-pere-et-fils