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Chianti prend de la hauteur


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Les 70 000 hectares de la zone DOCG Chianti Classico sont nichés entre les cités de Florence au nord et de Sienne au sud. Les paysages à couper le souffle ont été sculptés par les flâneries des fleuves qui rayent la succession de collines des cinq vallées du Chianti. Les villages aux maisons de pierre de taille sans âge aux volets délavés cohabitent avec une flore aux trois quarts composée de bois auxquels s’ajoutent les mêmes proportions d’oliviers argentés et de vignes. Sur les terres du Chianti Classico, l’agroécologie et la polyculture, que l’on tente de répliquer aujourd’hui au sein de nombreux vignobles, sont une disposition naturelle. La vigne est perchée entre 200 et 700 mètres d’altitude pour satisfaire au cahier des charges de l’appellation. Au sein d’un territoire si vaste, il est inimaginable d’obtenir une unité de sols ou de savoir-faire. Alors, elle s’enracine dans une douzaine de familles géologiques différentes localisées parmi les onze villages qui représentent autant d’unités géographiques additionnelles classées (UGA). Le nord est plutôt dominé par le galestro (un feuilletage de schiste argileux), au centre on retrouve la fameuse pietraforte (un dépôt sableux ancien cimenté de minéraux), sur la partie est, du macigno (un grès compact et drainant) et sur la moitié sud, une dominante d’albarese (un calcaire très dur).
C’est sur ces terroirs que pousse le sangiovese. Difficile à dompter, laborieux, irrégulier, pénible, réductif, caractériel même, sont autant d’adjectifs que les vignerons utilisent pour décrire le cépage signature du Chianti Classico. C’est une variété tardive dont la maturation imprévisible contraint à des vendanges longues rythmées par des tries successives. La saveur spéciale qu’il apporte aux vins et qui leur donne des allures d’aristocrate en habits du week-end n’est pas la seule raison pour laquelle on tolère malgré tout son attitude de diva. Son autre atout est de demeurer productif malgré les sols stériles et maigres du Chianti. Il aime le calcaire sur lequel il développe une fraîcheur saisissante. Poreux au terroir comme à la patte du vigneron, il livre une traduction fidèle du territoire comme on expose une image sur une pellicule photo. C’est pour cela qu’il représente 80 % au minimum de l’assemblage des Chianti Classico et Chianti Classico Riserva. Il peut être complété par des cépages autochtones (canaiolo, pugnitello, colorino, etc.) ou internationaux (merlot, cabernet-sauvignon, syrah), bien que les seconds soient peu à peu abandonnés pour laisser une empreinte 100 % italienne, voire 100 % sangiovese.

Blanc sur rouge, rien ne bouge
Un an après la réunification de l’Italie, en 1872, est inventée la fameuse « recette originale du Chianti » de Bettino Ricasoli, homme politique et grand propriétaire viticole toscan au domaine de Brolio. Selon lui, le chianti idéal se compose de 70 % de sangiovese pour la structure, de 15 % de canaiolo pour arrondir des tannins un peu raides et de 15 % du cépage blanc malvasia, pour la fraîcheur. Cette popote, dont la proportion de cépages blancs est d’abord restreinte avant d’être interdite en 2006, favorise une production intensive de vins destinés à une consommation rapide en surfant sur les forts rendements de la malvasia. Dans la même veine, la « fiasco », cette fameuse bouteille ronde ceinte de paille tressée convertie en porte-bougies par un grand nombre de trattorias italiennes, était elle aussi destinée à des vins de consommation rapide (on ne peut la coucher pour en faire vieillir le contenu). Les choses ont bien changé aujourd’hui. À cet éloge de la productivité (qui est le terrain de la DOCG géante voisine, Chianti, à ne pas confondre avec Chianti Classico, seule appellation à pouvoir se prévaloir de la zone historique éponyme) succède depuis une bonne vingtaine d’années une stratégie collective orientée sur la qualité et la patience. Les bouteilles bordelaises modernes sont frappées du sceau du fier coq noir, emblème de plus d’un siècle dont la légende enracine les vins encore un peu plus profondément au cœur de leur terre originelle (voir encadré). Les consommateurs ne s’y trompent pas, le Chianti Classico s’exporte à 80 % pour rejoindre les plus grandes tables du monde.

Le castello
di Brolio, l’un des plus anciens domaines viticoles d’Italie, propriété
de la famille Ricasoli, domine les collines
de Gaiole in Chianti.

La légende d’Il gallo nero

Au Moyen Âge, lasses d’une guerre qui n’en finissait pas, les cités de Florence et de Sienne organisèrent une compétition pour déterminer laquelle des deux administrerait l’autre. Les règles du jeu étaient simples : deux chevaliers seraient éveillés au chant du coq et s’élanceraient à cheval à la rencontre l’un de l’autre. Celui qui se serait rapproché le plus près de la ville concurrente remporterait la victoire et tout le Chianti serait administré par la ville vainqueur. Le réveil du coq était crucial. Les Siennois nourrirent le leur de mets précieux pour lui fournir de l’énergie. Seulement, le matin, le coq repu par son festin tarda à se réveiller, ce qui ralentit le chevalier de cette équipe. Florence, quant à elle, affama son coq noir qui, sur le qui-vive dès l’aurore, alerta le chevalier et lui permit de partir en avance. Les deux adversaires se rencontrèrent à Fonterutoli, un petit village au sud de Castellina in Chianti, proche de Sienne, et la zone passa sous administration florentine. Le coq noir devint alors symbole de paix.

La sélection

Les vins de l’appellation Chianti Classico n’ont pas d’unité réelle de style, ce qui s’explique aisément par l’hétérogénéité des terroirs de cette zone vaste de 70 000 hectares. En termes de vinifications, on pourrait malgré tout distinguer deux écoles. L’une, traditionnelle, qui pratique des extractions et des boisés parfois trop pesants, l’autre plus moderne, qui infuse le sangiovese avec tact. La nomenclature des vins s’articule en trois catégories qui répondent à trois besoins distincts de consommation. Les Chianti Classico, qui bénéficient d’une patine d’un an minimum, sont une introduction qualitative à l’appellation tandis que les riserva sont plus musclés et vieillissent au moins 24 mois. Enfin, la mention gran selezione adoptée en 2014 signale une production qui vise à exprimer l’identité du terroir exceptionnel d’un lieu-dit. L’élevage dure 30 mois minimum et les vins sont structurés à l’extrême. Cette dernière catégorie ne représente que 5 % de l’offre, mais a été adoubée par une bonne partie des acteurs de la zone après seulement dix ans d’existence. Les vins livrables présentés en 2025 sont issus de millésimes différents car la durée du vieillissement qui précède la mise en marché est laissée à la discrétion des vignerons.

Chianti Classico, Cigliano di Sopra 2023
Une grande réussite pour ce jeune domaine de San Casciano avec un jus aux effluves
de chocolat noir et de cassis frais à la bouche délicatement mentholée et d’une élégance folle.
97/100

Caparsa 2021
Ce petit domaine familial de Radda produit d’excellents vins. Celui-ci est élégant avec ses notes fumées de baies rouges et ses tannins très fins qui confèrent une texture douce comme le cachemire.
96/100

Bucciarelli Antico Podere Casanova 2018
Un parti pris du domaine familial et de son talentueux vigneron de 19 ans est de mettre en marché des vins patinés, prêts à boire. Le nez embaume l’encens, la prune et présente déjà quelques notes tertiaires de truffe avant de laisser place à une matière riche et aux tannins mûrs. Aérer à l’avance.
95/100

Montefioralle 2022
Le vin de ce domaine de quatre hectares à Greve a un parfum délicat qui mêle baies noires, eucalyptus et violette. Sa bouche est tout aussi racée, souple et fraîche, à l’allonge gracieuse.
94/100

Montesecondo 2023
Les vignes cultivées en biodynamie sur les sols de macigno engendrent un jus qui embaume la végétation des collines toscanes, les épices nobles et le poivre vert. La bouche est structurée, construction baroque qui demande à s’arrondir avec le temps.
93/100

Querciabella 2022
À Greve, cette propriété de belle taille propose ce vin dont les senteurs de framboise
se mélangent à celles de rose et de cannelle et précèdent une bouche étoffée par des tannins abondants, mais souples.
93/100

Castello di Bossi 2022
Cette gigantesque forteresse de Castelnuovo offre une cuvée raffinée avec des notes prononcées de réglisse, très aromatique au nez comme en bouche et bien drapée par
des tannins souples.
92/100

Castell’in Villa 2020
Cette très ancienne propriété située non loin de Castelnuovo, au sud-est du Chianti, produit un vin dense, mais fin, qui dévoile des arômes de mûre, d’espresso et de menthol.
92/100

San Felice, Borgo 2022
Une matière ample et structurée par des tannins fermes et un boisé présent qui devront s’intégrer au vin. Patience, la dégustation des vieux millésimes nous certifie que cela en vaut la chandelle.
91/100

Podere le Cinciole 2022
Ce domaine familial compte dix hectares de vignes cultivées en bio. Le nez est encore un peu feutré et demandera du temps et de l’aération, mais la bouche est plus bavarde, charismatique avec des notes chocolatées et des tannins fermes.
90/100

Chianti Classico Riserva, Renzo Marinai, Riserva 2020
Ce bijou de Panzano confectionne un vin biologique au fruité frais et vibrant de framboise et de pêche de vigne, dont la bouche ronde et pleine est d’une grande gourmandise.
95/100

San Giusto a Rentennano, Le Baroncole 2022
Cette ancienne abbaye de Gaiole produit un Classico qui honore la fière structure tannique du sangiovese, enrobé de senteurs de bois noble, d’épices orientales et d’encens. Le fruit arrive en second, épaulé de notes balsamiques. Une belle complexité et une fraîcheur saisissante.
94/100

Acquadiaccia, Riserva 2020
Ce domaine biologique de Panzano confectionne ici un vin qui exhale la rose et la cerise noire. Bien que déjà souple, le bois n’est pas encore complètement digéré, mais la matière est allégée par une forte tonicité.
93/100

Marchese Antinori, Riserva 2022
Ce domaine emblématique produit un Riserva profond au nez séducteur de baies rouges et noires et de réglisse et à la bouche charnue et acidulée. Un classique du style.
92/100

Ormanni, Riserva 2021
Dans la zone de Poggio, ce domaine familial de 60 hectares propose un vin joliment structuré aux senteurs d’épices, de cuir frais et de baies noires avec une pointe animale. Bénéficiera de la patine du temps.
91/100

Chianti Classico Gran Selezione Castello volpaia, Coltassala 2021
Aux baies juteuses et ultra-concentrées de mûre et cassis, s’additionne la grande fraîcheur héritée de sols d’albarese très calcaires de ce domaine historique de Radda. La bouche est dense, mais très raffinée, guidée par le fruit, la réglisse, ainsi que des notes fumées et de végétal noble et d’une longueur imperturbable.
97/100

Fontodi, Pastrolo 2021
Produit par cette propriété iconique qui regarde Panzano au cœur d’un microclimat froid
au sol de macigno ce vin très élégant et ultra-parfumé aux notes de violette et de menthol a une bouche fraîche et très longue, structurée par des tannins abondants, mais soyeux. Superbe !
97/100

Fonterutoli, Gran Selezione 2021
Issu d’un domaine situé à Castellina, ce vin aux notes profondes de baies rouges sénescentes, de poivre vert et de vanille, est bien bâti et salivant.
94/100

Badia a Passignano, Gran Selezione 2022
Cette propriété de 80 hectares appartient à la famille Antinori. Le vin mêle les fruits rouges et noirs, la vanille et la cannelle qui ressortent dans une belle bouche épicée et longue,
aux tannins de lin.
93/100

Castello di Ama, Vigneto Bellavista 2020
Avec 80 hectares à Gaiole, le domaine assemble ici le sangiovese à la malvasia nera. La bouche est puissante, structurée par des tannins abondants, mais poudrés, et s’accompagne de flaveurs de violette, de cerise noire, de gibier et d’épices. Un vin très gastronomique.
92/100

 

Elisabetta Foradori, la passion du passé


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Trentino. Il y a d’abord ce nom, comme tiré d’un conte italien pour enfants, bien connu des férus de haute montagne sous le vocable plus noble de Trentin-Haut-Adige. Une région autrefois autrichienne, dont la production viticole s’écoulait dans les caves de Vienne, un temps richissime, mais sortie exsangue d’une Première Guerre mondiale qui annexe son destin à celui de l’Italie. Durant des décennies, ne reste que la vision sépulcrale de superbes caves entièrement vides, à l’image de celle qui deviendra celle de la famille Foradori, sauvée de la faillite par un rachat au début des années 1920 par le grand-père de celle qui deviendra plus tard l’une des figures les plus respectées du vignoble italien. « J’ai commencé très jeune, j’avais 19 ans », admet presque sur un ton d’excuse Elisabetta Foradori en évoquant sans emphase ses débuts au domaine familial. La disparition brutale de son père Roberto à l’âge de 38 ans, alors qu’elle n’était qu’une fille unique de 11 ans, laissa la charge du vignoble à sa mère, soutenue par deux ouvriers de la première heure : « Nous vendions nos vins dans les trattorias alentour, des vins simples, des cuvées de table ». Dans une Italie encore dominée par les coopératives, la famille tente de maintenir le cap, embouteillant ses propres vins afin d’échapper à la fatalité de prix continuellement à la baisse. Lorsque Elisabetta reprend les rênes de la propriété en 1984, le domaine n’a guère de reconnaissance au-delà des confins de la vallée. Déjà, pourtant, la jeune femme aspire à trouver sa propre voie, qui ne sera pas celle des super toscans et autres cabernets standardisés. « Je ne voulais pas seulement me consacrer à la vigne, mais également aux fleurs, aux arbres. J’ai toujours voulu voir le vignoble comme une forêt. » Dans ce Trentin exigu, coincé entre lacs et montagnes, elle est persuadée qu’il est possible de produire des rouges et des blancs d’une grande finesse, issus des cépages autochtones aux noms suaves de teroldego, nosiola et manzoni bianco, qui conserveraient toutefois « ce côté terrien et caractériel que l’on retrouve chez les gens d’ici ». Sa rencontre avec celui qui deviendra son mari, le professeur Rainer Zierock, un Allemand épris de philosophie, marque un tournant dans son approche du métier. « Il m’a appris à regarder les plantes, à comprendre la génétique, à envisager l’agriculture sous un autre angle. » De cette union naîtront non seulement trois enfants, Emilio, Théo et Myrtha, mais aussi une approche intuitive, presque animiste de la viticulture. Elisabetta Foradori s’attache alors à pratiquer la sélection massale, à réintroduire des formes de polyculture oubliées, mais le chemin est ardu. « Il fallait survivre, sans se trahir. » Parmi ceux qui l’ont aidé à embrasser la biodynamie, le célèbre vigneron alsacien Marc Kreydenweiss est un véritable mentor. Son soutien indéfectible lui permet de convertir l’ensemble du domaine en à peine deux ans. Atteindre l’équilibre prendra hélas bien plus longtemps.

Transmettre ses idées
Vient ensuite le temps de la reconnaissance et des premières réussites en dehors des frontières italiennes grâce à ses cuvées de vieilles vignes de granato. Un cépage noir aussi troublant qu’une éclipse, qui lui a permis « de sortir de la région, de montrer la beauté et la puissance des rouges des Dolomites ». Le succès, pourtant, se fait attendre. « Il est arrivé tard », reconnaît-elle. En 2010, la conquête du marché américain, puis l’éveil d’un nouveau public italien, finissent par changer la donne, non sans quelques sacrifices. « Certains distributeurs n’ont pas suivi, mais je ne me voyais pas changer de chemin. » C’est finalement avec ses blancs qu’Elisabetta Foradori connaîtra sa véritable gloire, et notamment ceux issus du nosiola, cépage disparu du Trentin, qu’elle réanoblit via des vinifications en amphore. « Nous avions perdu cette connaissance », observe-t-elle. « Travailler l’argile, c’est tout un geste, une maîtrise de la terre, mais aussi du feu. » À l’instar d’Arianna Occhipinti ou de la famille Cos, en Sicile, Elisabetta Foradori fait partie de cette génération de vignerons qui aura remis les cépages indigènes au cœur de l’identité viticole italienne. Ses rencontres avec Catherine et Pierre Breton ou encore Thierry Puzelat, figures du vin nature hexagonal, finissent de la convaincre que l’émotion, voire l’obstination, doivent l’emporter sur la technique. À la veille de son soixantième anniversaire, Elisabetta Foradori peut s’enorgueillir d’avoir su passer le flambeau à la génération suivante, ses trois enfants ayant progressivement rejoint le domaine, lui permettant ainsi de se consacrer à sa nouvelle passion pour la production de fromage qu’elle envisage simplement comme « un autre visage du processus de fermentation ». Alors qu’elle s’apprête à effectuer son tout premier pèlerinage vers le vignoble géorgien, elle ne peut s’empêcher de manifester une dernière inquiétude quant à l’avenir de la profession : « La polarisation du monde du vin ne me paraît pas positive. Les gens sont fatigués et perdus face à tout cela et c’est aussi notre faute. Je pense que le temps du changement est venu, mais j’ignore encore dans quelle direction. Nous devons être patients et conserver coûte que coûte ce que j’aime appeler un idéal de beauté ».

Domaine Siouvette, les racines du ciel

« C’est un vin avec lequel on a envie de se mettre à table. » Pas si simple de trouver des bons rosés de gastronomie… Dans le dernier épisode de Classe de maître, Thierry Desseauve et Guy Sauron, le propriétaire du domaine Siouvette, près de Saint-Tropez, nous parlent de L’Exception, un rosé de Provence que vous allez avoir envie de découvrir cet été.

Domaine Siouvette, L’Exception 2024, côtes-de-provence, 13,60 euros

En partenariat avec les Maîtres Vignerons de Saint-Tropez
Production : Jeroboam
Image et montage : Nicolas Guillaume
Motion Design : Maxime Baïle
Musique originale : Arthur L. Jacquin

Château La Verrerie, naissance d’une icône

Photo : Mathieu Garçon.

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« Exprimer le terroir », c’est l’expression utilisée par Valentine Tardieu-Vitali, la directrice générale et l’œnologue du château La Verrerie, pour expliquer la démarche recherchée avec la cuvée Grand Deffand, le grand vin de cette propriété du Luberon, cheffe de file de son appellation. Acquis par la famille Descours en 1981, par ailleurs aujourd’hui propriétaire de plusieurs maisons champenoises (Piper-Heidsieck, Charles Heidsieck, Rare), d’un domaine parmi les plus réputés de Toscane (Biondi Santi) et présent dans l’artisanat d’excellence (J.M. Weston), ce domaine est devenu l’un des plus passionnants à suivre pour les observateurs de la vallée du Rhône, notamment pour sa réflexion menée sur l’identification des terroirs du secteur mais aussi pour la mise en place d’une viticulture de précision exigeante et pragmatique, biologique pour une partie de la gamme (Hautes Collines) ou biodynamique (Grand Deffand).
Avec des vins reconnus des consommateurs, le château La Verrerie s’est imposé dans le paysage des meilleurs domaines de France en moins d’un demi-siècle. Un exploit au regard de la situation du Luberon dans les années 1980 et qui s’explique par une volonté de créer un vin issu d’une vision de terroir, peu répandue à l’époque dans le secteur. « Le grand-père de Christopher Descours (le propriétaire du domaine et l’actuel président de la holding EPI, ndlr) avait des idéaux en matière de vins rhodaniens et un goût prononcé pour la syrah du nord de la vallée », précise Valentine Tardieu-Vitali. Plantée massivement au début des années 2000 dans la partie méridionale, principalement pour améliorer des assemblages parfois fébriles en structure, la syrah inspire bien très tôt la famille Descours dans sa quête du vin de lieu.
Un an après la reconnaissance de l’appellation luberon par l’Inao (1988), La Verrerie lance le premier millésime de sa cuvée Grand Deffand, « nommée ainsi en raison du lieu-dit sur lequel se trouve cette vigne de syrah », précise Valentine Tardieu-Vitali. « Un terroir atypique pour le cépage puisqu’il s’agit de la parcelle la plus en altitude du domaine, un coteau plein sud avec un sol très caillouteux et drainant. Ce n’est pas une vigne très généreuse, mais elle donne des raisins avec beaucoup de personnalité. » Vinifiée séparément pour cette raison, elle est complétée par des raisins de vieux grenaches plantés dans les années 1950 (15 % de l’assemblage). En plus de cette cuvée majoritairement dominée par la syrah, le domaine propose un autre rouge dans cette collection Grand Deffand, dominé cette fois par le grenache et complété d’un peu de syrah. Deux expressions différentes du même lieu qui traduisent le potentiel de ce vignoble morcelé, fait de petites parcelles et de micro-terroirs spécifiques. À partir de ces mêmes parcelles, la propriété élabore depuis 2015 une version rosée de son Grand Deffand. Un rosé de saignée « élaboré quand le millésime le permet » et dont l’ambition a été réaffirmée avec l’arrivée de Valentine Tardieu-Vitali en 2017 : « Plus de temps de contact des pellicules avec le jus a renforcé le caractère aromatique de ce rosé. Mais l’idée est d’avoir en tête le profil gustatif que l’on souhaite au moment de la saignée, qui ne représente pas plus de 2 à 3 % du volume total. La difficulté, c’est de ne pas aller trop loin pour éviter d’avoir de l’astringence. Il faut trouver un équilibre ». Depuis 2020, la collection Grand Deffand compte aussi un vin blanc, assemblage de grenache blanc et de roussanne né à l’initiative de Valentine Tardieu-Vitali qui croit dans les prédispositions des terroirs du Luberon, « capables de donner des vins blancs avec beaucoup de fraîcheur et d’équilibre ». Réussites égales, ces quatre vins (deux rouges, un rosé de saignée et un blanc) sont délibérément destinés à la gastronomie, réservés ainsi au circuit traditionnel, avec une petite partie à l’export, principalement en Suisse et en Allemagne, ou vendus sur place, à la boutique du domaine.
Si le Luberon semble parfois chercher son chemin entre vins de plaisir et vins de terroirs, Valentine Tardieu-Vitali constate que « ce n’est pas incompatible, même si La Verrerie s’est toujours appuyé sur une approche parcellaire pour proposer des grands vins ». Mais pour la directrice, cette logique ne doit pas prendre le dessus sur les émotions. « Il faut que le vin soit singulier. » On se fera une idée de cette exigence en découvrant notre compte-rendu de dégustation de ces quatre vins identitaires.

 

La dégustation

Grand Deffand rosé 2023, luberon
« Lorsque l’on fait un rosé de saignée, la difficulté est de ne pas avoir d’astringence tout en obtenant un vin avec de la mâche », explique Valentine Tardieu-Vitali.
Dans cet assemblage à parts égales de syrah et grenache, on retrouve ce qui fait le charme et l’identité de ce vin unique dans le paysage des rosés. Notes de fraise écrasée et d’épices douces, touches végétales très nobles (menthe fraîche), bouche fraîche avec du gras et de l’ampleur, finale saline, intense et de grande longueur. Élégant, déjà délicieux et splendide après deux ou trois ans de garde.
4 000 bouteilles, 26 euros.
94/100

Grand Deffand blanc 2023, luberon
Assemblage de grenache blanc (majoritaire) issu d’une parcelle située au milieu des bois, plantée au début des années 1990, et de roussanne plantée sur des sols calcaires, un terroir original pour le cépage. Premier nez délicat entre notes florales (fleur d’acacia, chèvrefeuille) et de fruits blancs charnus, grande fraîcheur et intensité des saveurs, bouche texturée, grasse et ronde avec beaucoup d’équilibre et de naturel. Droit
et vif en finale, avec une persistance contenue qui lui donne de l’élégance.
8 000 bouteilles, 34 euros.
93/100

Grand Deffand – Syrah 2023, luberon
« Le choix des dates de vendanges est primordial pour atteindre la maturité optimale des cépages rouges », rappelle Valentine Tardieu-Vitali.
Cet assemblage de syrah (majoritaire) complété par un peu de grenache est un vin complet, singulier par ses notes de garrigues, de laurier, d’olive écrasée et de fruits noirs mûrs sans excès. Les 40 % de vendanges entières aide à structurer la bouche sans alourdir la structure tannique, ce qui donne un vin à la bouche puissante mais équilibrée, profonde et soyeuse, nuancée et savoureuse. Finale longue et sapide.
5 000 bouteilles, 38 euros.
95/100

Grand Deffand – Grenache 2021, luberon
Les grenaches, majoritaires dans cet assemblage qui compte aussi un peu de syrah, sont issus d’une parcelle de deux hectares dans le secteur de Lauris, plantés sur le plateau
le plus chaud du domaine, mais dont les sols restent frais. « Millésime pour les experts de la vigne tant les conditions météorologiques ont été exigeantes », indique Valentine Tardieu-Vitali, ce 2021 affiche un profil charmeur, avec des notes de fruits rouges frais, de rose fanée et d’orange sanguine. De la fraîcheur et de la buvabilité.
3 600 bouteilles, 38 euros.
93/100

Famille Tarlant, dévotion maximale


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Je me souviens. Automne 2005. La famille Tarlant s’affaire. Treize générations au compteur. Micheline accueille les clients, sourire majeur. Qui court à la cuisine, répond au téléphone. Jean-Mary, en costume clair, s’apprête à filer, mallette à la main, à la consultative du comité interprofessionnel du vin de Champagne pour décider du sort régional du millésime 2004, pléthorique. Mélanie prépare les commandes, douzième génération. Son frère Benoît est aux manettes, du raisin à la bouteille. Le nez dans la vigne, en permanence, à surveiller la croissance, les signes de faiblesse éventuels, les dégâts laissés par la grêle, à préserver les nids des linottes. « C’est la vigne qui nous donne la richesse et la réflexion pour élaborer nos vins. On cherche l’équilibre sur les sept cépages pour retrouver l’expression d’une vigne. Si on ne le fait pas, personne ne le fera à notre place », explique-t-il. Il tient cette recherche d’expression en partie de ses tours du monde et ses voyages sous l’égide de l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin), au sein de laquelle il a fait son Master, très formateur : « Un accélérateur de compréhension ». Dans la cave, une batterie de cuves et de fûts. On fait le choix des cuvées, avec l’ensemble des générations. Georges, 96 ans et son fils, 76 ans, participent aux dégustations.
Une génération s’est éteinte. L’église du charmant village d’Œuilly, surplombant la Marne, est toujours là, témoin solide du temps qui passe. Derrière la maison, deux énormes pressoirs ont poussé les murs. La cuverie s’est agrandie, méconnaissable. Benoît Tarlant pondère : « On s’est développés de manière vigneronne, on reste dans un modèle où l’on gère tout du début à la fin, du pied de vigne à l’expédition des bouteilles. On s’est un peu agrandis, mais on reste minuscules avec pas plus de 120 000 bouteilles produites par an. On a une existence, des valeurs qui sont défendues et plus reconnues qu’il y a trente ans. Le bio est un élément, le savoir-faire vigneron en est un autre. »

L’émotion et la vibration
Élaborer des vins bien faits, qui surtout savent donner une émotion et parler de la terre. Les sols se déclinent : sparnacien, sables mêlés de cailloux, veine de craie qui ondule en suivant la Marne. Ces variations impressionnantes se voient au vin clair. « La région se segmente de plus en plus », fait remarquer Benoît. D’un côté, les grosses maisons qui produisent du volume, servies par de plus en plus de viticulteurs qui préfèrent, au fond, vendre leur raisin plutôt que de faire un « champagne » basique qu’ils épuisent en s’épuisant de salon en salon. Et cette nouvelle génération, grandissante, de petits vignerons à l’identité forte, proches de leur terroir et de la plante. Hier, on célébrait au champagne, on faisait « péter les bouchons ». Aujourd’hui, les jeunes amateurs s’asseyent à table et dégustent dans des verres adéquats les parcellaires de chez Tarlant (il y en a huit), les comparant à ceux d’Egly, de Chartogne ou d’Anselme Selosse.
Les Tarlant en 2025, c’est dix-sept hectares pour dix-sept âmes travailleuses. Et vingt-quatre passages cette année pour protéger les vignes. Pas facile d’être en bio. La conversion date d’il y a dix ans. « Nous ne faisons pas partie des pionniers, mais nous y sommes venus par conviction, avec toutes les contraintes techniques et administratives que cela suppose. On assume, paperasserie comprise. Sans compter l’aspect économique. En 2021, on a perdu 70 % de notre récolte. On prend des risques plus forts. Mais on a toujours la chance d’avoir des vins de réserve. Sur dix ans, ça s’équilibre. Impossible de mettre des désherbants ou des engrais minéraux. Nous travaillons les sols et usons des couverts végétaux. Inévitablement, les rendements sont plus faibles. En 2024, c’était vraiment dur. Nous avons réalisé deux fois moins de rendements que l’année précédente. C’est un engagement, une connexion moins technologique, fortement liée à l’origine. Nous ne faisons pas du champagne, nous faisons de grands vins de Champagne, liés au terroir. Ce n’est pas la même chose. » Des vins effervescents non seulement « bien faits », mais qui font aussi vibrer, comme la cuvée Zéro, brut nature qui reflète la pureté du terroir, ou la cuvée Louis, témoin de la succession des générations.

Au nom de la loi (Évin)


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Souvenons-nous, dans les années 1980, de ces publicités pour le vin à la télévision. Celle des rivesaltes, avec Gérard Lenorman qui chante sur son piano planté au cœur des vignes, entouré de joyeux vendangeurs, verre de cantine dressé haut et fier : « De père en fils, dans ton terroir, vigneron tu aimes ta vigne, je viens te chanter la ballade, la ballade des gens heureux. » Et ces slogans : « Un Ricard, sinon rien », « Ma chemise pour une bière » ou encore « Faites mousser les bons moments ». À cette époque, la loi Évin n’existe pas. On peut alors, à la télévision, parler de vin un verre à la main ou fumer allègrement sur le plateau d’Apostrophes. Au nom de la santé publique, les législateurs prennent les choses en main. « C’est l’une des initiatives les plus spectaculaires du gouvernement dans sa volonté de soigner la France. Il y a, par an, cent mille personnes qui meurent à cause du tabac et de l’alcool », annonce d’un ton solennel le journal télévisé du 28 mars 1990. La loi n°91-32 du 10 janvier 1991, dite loi Évin, est promulguée. Près de trente-cinq ans après, dans un contexte inédit de déconsommation du vin, son objectif semble atteint.

Une démarche historique
Dans les faits, l’idée d’un encadrement de la consommation d’alcool est née bien avant 1991. Dans le magazine Cairn, qui relate son aventure, on lit que l’initiative remonte au XIXe siècle : « En 1872, sous la pression de quelques membres de l’Académie de médecine naît l’Association contre l’abus des boissons alcooliques. Une première loi est promulguée en 1873 sur la répression de l’ivresse ». Seul l’alcool est dans le collimateur, le tabac viendra plus tard. Il faut dire qu’on boit beaucoup en France à l’époque, 147 litres de vin par personne et par an. Un peu moins de 170 litres en 1934, le record. Suivent les Italiens, les Portugais, les Espagnols, les Autrichiens et les Suisses, loin derrière avec des consommations plus aléatoires. Dans les années 1950 et 1960, le bon vin de France est associé à la baguette de pain et joue pleinement son rôle alimentaire. Dans un documentaire de l’INA datant de 1965, un Français s’exprime avec joie et sincérité : « Le vin, c’est ce qui a gagné la guerre ! J’ai bu des citernes de vin, j’ai bu pendant les deux guerres et entre les guerres aussi, et j’aime le vin par excellence parce que le vin est un aliment très nourrissant ». Il avoue, pour conclure et sans faire le fanfaron, ne plus être autorisé à en boire. Ces mesures d’encadrement de la consommation se durcissent dès lors que tabac et alcool sont associés par les pouvoirs publics. La loi Veil (9 juillet 1976) se charge de la cigarette : arrêt des publicités et interdiction de fumer dans des lieux publics avec des enfants. Côté alcool, des médecins décrètent, en s’appuyant sur des études, que l’ordre public est mis à mal et que la santé des Français est en danger. En 1980, le professeur Jean Bernard préconise la prévention et l’éducation. Le 17 janvier 1986, une loi prévoit le retrait immédiat et pendant 72 heures du permis de conduire « en cas de présomption d’état d’ivresse ». La loi Barzach (30 juillet 1987) apporte une première restriction à la publicité sur l’alcool à la télévision. Appuyé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des constats alarmants, notamment la consommation annuelle de douze litres d’alcool pur per capita, l’étau se resserre. En 1989, des médecins établissent un rapport commandité par Claude Évin, alors ministre des Affaires sociales et de la santé. La loi Évin de 1991 entre en vigueur le 1er janvier 1993. Pas de prohibition, mais une stratégie subtile de « dissuasion de l’incitation à la consommation ».

Inconscient collectif
Pour le tabac, l’effet de la loi Évin est évident. Entre 2001 et 2021, les ventes ont chuté de 60 %. Il faut dire que le message est clair : photos provocatrices imprimées sur le paquet, publicité interdite et prix rébarbatifs. Pour l’alcool, tout est plus flou. Certes, la loi a freiné les élans des publicitaires. Elle a participé aussi à la déconsommation des boissons alcoolisées en France, conformément à sa promesse initiale de santé publique. Mais sans en être le facteur principal. Samuel Montgermont, le président de Vin et Société, association qui représente 500 000 acteurs de la filière (production et négoce) pour faire rayonner le vin en France et au-delà en tant qu’emblème national, préfère parler de décrue sociétale : « Avec la loi Évin, la tendance de fond de la déconsommation s’est poursuivie. Celle-ci est régulière, de 5 % par an, et va atteindre un palier qui correspond en fait à un usage occasionnel. Pour l’instant, on est encore à un niveau élevé » (45 litres par an et par habitant, contre 2,7 pour la moyenne mondiale selon l’American Association of Wine Economists). La situation est différente pour la consommation de bière et de spiritueux. Les deux catégories voient leur consommation rester stable et deviennent des alternatives au vin, pour de nombreuses raisons. Vendu essentiellement en grandes et moyennes surfaces, le vin perd des parts de marché au profit de la bière « qui fait mieux le job que lui », explique le journaliste Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution. Pourtant la bière est tout aussi concernée par la loi Évin. Pour le journaliste, celle-ci est « un faux prétexte à la déconsommation car la meilleure des publicités reste l’exposition du produit en magasin ». Pour Marie Mascré, fondatrice de Sowine, agence justement créée en réponse à la loi Évin pour soutenir les vignerons dans le méandre des flous juridiques, la réglementation n’a pas aidé à faire aimer le vin aux Français : « Quand on répète à longueur de journée les messages de santé publique, la loi pousse dans l’extrémisme de l’hygiénisme. Ça entre dans l’inconscient collectif ». À cela s’ajoute une image du vin souvent poussiéreuse (« le vin de papa ») et quelque peu élitiste en raison d’une communication excessive à propos des cuvées haut de gamme. Un problème pour Samuel Montgermont qui constate que la production a oublié de parler des bouteilles à moins de cinq euros, les plus accessibles.
« La génération née avec la loi Évin n’a pas appris à déguster ni à manger en famille. Le repas du dimanche s’est raréfié », fait remarquer Françoise Ollier, du domaine Ollier-Taillefer dans le Languedoc. Elle estime que la déconsommation du vin est l’une des conséquences de ces nouveaux modes de vie. Même si la loi a largement sa part de responsabilité. « J’étais directrice de l’appellation faugères de 1992 à 2003. J’ai vu naître et se développer la loi Évin. Les vignerons se sont adaptés. Mais je n’avais pas vu venir l’impact que cela pourrait avoir sur la nouvelle génération. Pour moi, elle a mis trente ans à faire son travail et elle a atteint aujourd’hui son objectif, de façon insidieuse. » Le vin a les défauts de ses qualités. Sa diversité peut transformer le choix en casse-tête. S’ajoute à cela le message que nous, journalistes, sommes les premiers à véhiculer avec nos guides et nos sélections : il existe les bons vins et les autres. Pour certains buveurs, tendre la main vers une bouteille de vodka ou de whisky largement diffusée est une garantie de ne pas se tromper. Si la loi Évin a contribué à la chute de la consommation, elle n’a pas freiné les ambitions ni la créativité des annonceurs et des agences de publicité. Marie Mascré est formelle : « On n’a jamais autant innové qu’aujourd’hui pour s’y adapter. J’ai créé Sowine en 2006 parce que, lorsque je travaillais chez Veuve Clicquot, j’ai réalisé qu’il fallait proposer des services dans le strict respect de la loi Évin ». D’une contrainte, la loi est devenue une sorte de cadre de travail, imposé certes, pas très clair, mais toujours présent. Pour être dans les clous, la fondatrice de Sowine s’appuie sur un cabinet d’avocat pour que tout soit validé en amont et pour, le cas échéant, soutenir les clients mis au tribunal par Addictions France, qui lance en moyenne trente actions en justice par an.

Epée de Damoclès
Les vignerons, moins concernés par ces procès que les producteurs de bière ou de spiritueux, font tout pour être dans les règles. Dom Brial, une coopérative du Roussillon, se « risque » tous les ans avec son rosé Rozy et sa bouteille sérigraphiée d’un bikini que l’on pourrait aisément qualifier de « sexy ». Émeline Picard, la directrice communication et marketing de la cave, précise : « C’est notre vêtement de plage, nous sommes en bord de mer, c’est un clin d’œil à notre mode de vie et c’est notre ADN méditerranéen. Nous n’évoquons pas le vin frais à boire entre copines, ce qui serait interdit, mais les caractéristiques de l’assemblage, pas forcément habituel des rosés, syrah et muscat à petits grains ». Avant de conclure à propos de la loi Évin : « Parfois, on se sent bridé, mais le défi est intéressant ». Pour ces créateurs, la loi est une épée de Damoclès. Certains clients leur demandent de l’ignorer, quand ils tiennent, par exemple, à garder coûte que coûte leur identité. D’autres, principalement dans le secteur des spiritueux, demandent de distinguer ce qui est destiné au public français de l’international. En France, interdiction de mêler le liquide aux émotions, au sport, aux enfants, etc. Plus les entreprises sont importantes, plus la loi devient la seule base de travail. Une communication à deux vitesses entre ceux qui respectent au pied de la lettre et ceux qui foncent. Les interprofessions, elles, ne peuvent en aucun cas se permettre d’enfreindre la loi. Grégory Guyot, de l’agence japonaise Dentsu, rappelle que l’alcool n’est pas le seul à être scruté à la loupe dans la publicité. Jouets, nourriture, boissons sucrées sont soumis eux aussi à des règles précises. Rien n’est fait sans l’avis favorable de l’organisme de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui s’assure que la campagne soit « loyale, véridique et saine. » Comme Marie Mascré, il reconnaît que « la création n’est bonne que s’il y a des contraintes ».

Un lobbying permanent
La loi Évin n’a pas non plus freiné la créativité et la communication sur internet, univers sans frontière. Pris en compte par le texte de loi en 2009, le web donne du fil à retordre aux législateurs qui y constate de nombreux excès. Toute communication est censée y être réalisée « dans le respect de la loi Évin ». L’association Addictions France, toujours à l’affût, a recensé 11 300 contenus valorisant l’alcool sur Instagram et TikTok entre juin 2021 et janvier 2024. « Contenus principalement destinés à la jeunesse, visant à en faire des consommateurs pour la vie », annonçait (ou dénonçait) la radio France Culture en septembre 2024. « La plupart des contenus sont incitatifs. On ne peut pas être derrière chaque influenceur », reconnaît Franck Lecas, responsable de la loi Évin chez Addictions France. « Comme en 1991 pour la télévision, ils devraient être purement et simplement interdits. On a fait condamner Meta le 5 janvier 2023, et cela a été confirmé en appel, à retirer des contenus. C’étaient de vieux contenus, tout cela n’était que symbolique. C’est un puits sans fond », finit-t-il par admettre. Pour autant, la liberté d’expression existe. Margot Ducancel, fondatrice du club œnologique Rouge aux Lèvres et créatrice de contenus sur Instagram (43 000 followers) où elle s’adresse aux jeunes, spécifiquement les femmes, en les sensibilisant aux bons vins, en sait quelque chose. Elle connaît les règles imposées par la loi Évin et s’y tient. Ne pas boire devant la caméra, ne pas ouvrir de bouteille, s’habiller chic sans être sexy. « Il existe une zone de tolérance sur des profils comme le mien. On est toujours un peu borderline, mais si on fait un travail de qualité avec du contenu pédagogique, il n’y a aucune raison que ça ne passe pas. » Comme le rappelle Marie Mascré, « les consommateurs s’intéressent au vin avant tout par le tourisme, la gastronomie, moins par le sujet vin pur et dur. » Sans surprise, la loi Évin n’a pas freiné la velléité des puissants groupes alcooliers, plus remontés que jamais à Bruxelles, grâce à un lobbying permanent, ou sur internet via des actions occultes largement dénoncées par nos confrères de France 2 (Cash Investigation, 2021) et de la RTBF (#Investigation, 2023). Les géants des spiritueux et des bières ont désormais recours à Instagram ou Tiktok pour faire passer leurs messages.

Des contraintes et des libertés
Au final, faut-il assouplir la loi ? Franck Lecas prévient : « Le souci, quand on veut protéger le vin, par exemple, c’est que ce sont les alcools comme le whisky qui en profitent ». En février dernier, les députés Loïc Prud’homme et Karine Lebon ont présenté une proposition de loi visant à protéger la jeunesse des dérives du marketing des industriels de l’alcool. Les élus proposent, entre autres, l’interdiction de la publicité pour de l’alcool par des influenceurs sur les réseaux sociaux, à l’exception de ceux spécialisés sur le vin. « Si on revoit la loi Évin, ce sera pour la durcir. Attention à l’effet boomerang ! », réagit à son tour Samuel Montgermont. Addictions France aimerait que le logo de la femme enceinte soit plus gros. Et qu’il y ait plus d’infos sur l’étiquette sur la composition du produit, en plus des sulfites. L’association, dont le rôle très louable est d’aider les Français à se sortir de leurs addictions, a du pain sur la planche. Tabac, cannabis, cocaïne, crack, héroïne et addictions sans substances (jeux de hasard et d’argent, jeux vidéo, écrans, internet ou encore addictions alimentaires ou au sexe), l’alcool est loin d’être le seul danger à combattre. Curieusement, les boissons sucrées et ultra caféinées qui inondent nos écrans sans limite ne sont pas mentionnées. Red Bull et Coca Cola semblent avoir la vie devant eux.

Ce que dit la loi Évin
Elle mentionne ce qui est autorisé. Tout le reste étant, par définition, interdit. Sont autorisés la pub dans la presse écrite (sauf dans les revues destinées aux enfants), à la radio à des horaires précis, les affiches dans les zones de production, les catalogues et brochures des professionnels et certains sites internet non destinés aux mineurs.
Les pubs au cinéma et à la télévision ne sont pas mentionnées, donc interdites. La mention « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération » doit être parfaitement lisible, à l’horizontale, sur les objets publicitaires, les affiches et affichettes. Seuls des professionnels peuvent apparaître dans les films, vidéos et images publicitaires. Impossible aussi d’évoquer la fête, le glamour, le sexe, la joie, la sensualité, l’extase et compagnie. Le message publicitaire ne doit en aucun cas inciter à la consommation. Le parrainage est banni et alcool et sport ne peuvent être associés d’aucune façon. Depuis son adoption, retenons deux dates : 2009 avec l’avènement d’internet, support autorisé avec un contrôle sur l’âge (la vente d’alcool étant interdite aux moins de 18 ans) et 2015
et son « assouplissement » visant les contenus liés à l’œnotourisme. Les producteurs peuvent parler de terroirs, de patrimoine culturel, de gastronomie ou encore des « caractéristiques œnologiques » de leurs vins. Les contrevenants risquent 75 000 euros d’amende ou 50 % du montant des dépenses consacrées à l’opération en cas d’illégalité.

Jean-Sébastien et Henry Marionnet, la noblesse des marges


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Fils aîné de celui à qui l’on doit l’un des tout premiers vins sans soufre de la vallée de la Loire, bien avant que le mot même de « nature » n’érige ses redoutables murailles, Jean-Sébastien Marionnet apparaît comme le dépositaire secret d’un héritage qui n’aura jamais été sanctionné d’aucune médaille. « Mon grand-père a créé le domaine sur les terres de ma grand-mère. À la suite de la crise du phylloxéra, il a choisi l’une des deux voies qui s’offraient alors aux viticulteurs de l’époque, celle des vignes américaines améliorées, afin de produire des rosés sucrés, et la culture des asperges », raconte-t-il d’un air amusé. Un pragmatisme paysan qui permettra à ce petit domaine du Loir-et-Cher, perdu dans cet orient tourangeau, de traverser la première moitié du siècle, jusqu’à l’essoufflement de l’après-guerre. C’est à ce moment-là qu’un tournant s’impose. Henry Marionnet est sommé de quitter les bancs de l’école sur injonction paternelle afin de reprendre les rênes de l’exploitation, tandis que ses deux frères auront quant à eux la chance de poursuivre de brillantes études. Le jeune homme n’est manifestement pas du genre à se satisfaire de demi-mesures : dès les années 1960, il arrache, replante, redessine entièrement le vignoble. « Mon père a mis plus de dix ans à reconstituer le domaine, en replantant du sauvignon et du gamay noir, jusqu’à atteindre 50 hectares de plantation. Et ce, à rebours de ce qui se pratiquait alors dans la région, qui restait sur des hybrides et dans une logique de rendement. » Ce gamay, Henry choisira de l’interpréter autrement. Sans formation académique, il va se forger un savoir empirique, visitant la Bourgogne, le Beaujolais, échangeant avec Marcel Lapierre et Jules Chauvet, « dont il m’a toujours dit que les vins n’étaient pas bons », précise Jean-Sébastien. Dès 1973, il adopte la vinification en grappes entières pour les rouges. Une approche précoce et instinctive, bien avant que le mouvement nature ne fasse école. « Mon père n’a jamais cherché à suivre une mode. Il croyait en son goût. » Preuve en est, en 1990, Henry Marionnet signe Première Vendange, l’un des tout premiers rouges sans soufre ajouté du Val de Loire. À l’époque, il s’agissait simplement de prolonger la pureté du fruit, sans dogme ni étendard. Côté distribution, il a pu compter sur le réseau de restaurateurs et cavistes parisiens patiemment développé par la génération précédente. « Mon grand-père avait réussi à trouver son public, auprès de personnes sensibles à des vins qui apparaissaient déjà comme différents. »

Protéger une identité forte
Lorsque Jean-Sébastien Marionnet revient au domaine en 2000, après un parcours chaotique dans l’Éducation nationale et un passage salvateur à Beaune, l’évidence s’impose. « J’ai goûté mes premiers grands bourgognes alors que j’avais 15 ou 16 ans », se souvient le vigneron. « J’ai compris très vite si un vin était bon ou mauvais. Beaune a été une révélation. » Titulaire d’un BTS viti-oeno, il multiplie les stages – Alphonse Mellot à Sancerre, Vincent Girardin et Génot-Boulanger à Meursault, puis l’Afrique du Sud et l’Australie – avant de revenir dans le Loir-et-Cher, convaincu d’avoir fait le bon choix. « J’ai découvert l’ambiance vigneronne, et surtout l’éclosion d’une véritable passion. » En matière de transmission, le passage de relais coule de source. « Cela s’est fait sans aucun conflit. J’ai la chance d’avoir des parents très intelligents. Mon père et moi goûtons de la même façon, ce qui nous a permis de toujours aller dans le même sens. » Ensemble, ils défendent une viticulture d’instinct, sensible et peu interventionniste. À la vigne, les rendements sont limités et les vendanges manuelles restent la règle. En cave, la philosophie est claire : égrappage, pressurage doux, débourbage à froid, puis élevage en cuves souterraines carrelées de faïence, creusées par Henry dans les années 1970. « À l’époque, c’était pour gagner de la place. Mais on a découvert que cela offrait un véritable éclat et préservait la délicatesse des vins. » Un millésime après l’autre, Jean-Sébastien entend conserver pour chacun des cépages cultivés sur le domaine une identité commune. « Je veux réaliser des vins purs, remplis de fruits, digestes, avec de la rondeur. Qui sentent véritablement le raisin, en somme, dans la mesure où il n’y a aucun corps étranger. » Aucun passage en barriques, donc, et pas de maquillage œnologique. Ses sauvignons conservent cette tension crayeuse, sans caricature variétale ni relents d’exotisme. « Je n’aime pas les sauvignons thiolés, aromatiques, caricaturaux. C’est un cépage très clivant, qui a toujours eu une presse mitigée. À Sancerre, personne ne parle jamais de terroir ou du cépage, on dirait qu’ils en ont honte. À l’inverse, quand vous goûtez les vins des stars, ils sont complètement décharnés, comme s’ils voulaient casser le cépage afin d’en faire ressortir le terroir. C’est encore une autre caricature. Moi, je suis entre les deux. »
En marge de ses sauvignons, Jean-Sébastien Marionnet ne cache pas son faible pour le romorantin, cépage historique de la vallée de la Loire, dont le domaine détient encore de précieux spécimens préphylloxériques, longuement élevés en cuve puis en bouteille. Un choix coûteux, mais hautement stratégique, pour un vin souvent abordé trop tôt, bien avant qu’il ne puisse révéler son plein potentiel. « Nous sommes en train de commercialiser les 2020. Jeunes, il est indispensable de les carafer, et l’on oublie souvent qu’il s’agit de grands vins de garde. J’ai ouvert tout récemment un millésime 2000 fabuleux, mais qui le sera encore davantage dans vingt ans. » Aux côtés des six hectares de francs de pieds sur cinq autres cépages, dont de rares gamays de bouze qu’ils auront longtemps été les seuls à vinifier au sein de la région, Jean-Sébastien produira bientôt pour la première fois une cuvée de pinot noir en grappes entières. « Un cépage passionnant », s’enthousiasme le vigneron, dont le visage s’assombrit lorsque nous l’interrogeons sur la crise qui secoue actuellement le monde du vin. « Le contexte économique n’épargne personne. Depuis le Covid, rien n’est revenu à la normale. La consommation baisse, surtout en restauration. Dans quelques années, je pense qu’un quart du vignoble français va disparaître », prédit-il avec une certaine mélancolie. « Aujourd’hui, ma seule ambition est de faire de bons vins et de transmettre. » Si ses deux enfants sont encore trop jeunes pour garantir une relève, ils auront été à bonne école en développant leur nez sur les cuvées paternelles. « Ma fille est championne d’équitation et n’envisage pas de suivre ma voie. Mon fils est plus jeune, mais il goûte déjà, s’intéresse, se questionne. Nous venons de célébrer les 84 ans de mon père et encore aujourd’hui, je me réjouis d’être ici, et pas à La Défense derrière un bureau. Vigneron, c’est un métier physique. Mais c’est surtout une grande fête. » 

Décès d’Éric Hénaux, directeur général de Tutiac

C’est avec tristesse que les vignerons de Tutiac ont annoncé le décès d’Éric Hénaux, leur directeur général de 2008 à 2013 puis 2016 à 2025, survenu le 21 juin 2025 à l’âge de 56 ans. Diplômé de l’École d’agronomie de Purpan, Éric Hénaux a marqué de son empreinte le vignoble bordelais durant plus de quinze ans à la tête de la coopérative. « Nous avons formé un duo essentiel au pilotage et au développement de notre coopérative. Son dynamisme contagieux, sa créativité quotidienne ainsi que son engagement sans faille resteront durablement inscrits dans l’histoire de notre entreprise et dans nos mémoires », déclare Stéphane Héraud, le président des Vignerons de Tutiac

Sous son impulsion, Tutiac a connu plusieurs transformations majeures, comme la création d’un site moderne de mise en bouteille à Marcillac, les fusions stratégiques avec les caves de Sauternes, Lugon et Gauriac, et une ouverture commerciale vers la grande distribution et les marchés internationaux. Il laisse un héritage fort et durable.

A sa famille, à Stéphane Héraud, le président de Tutiac et à l’ensemble des équipes de Tutiac, Bettane+Desseauve présente ses plus sincères condoléances.

Hakkaisan, des sakés façonnés par la neige

La localisation de la brasserie au pied du mont Hakkai n’a rien d’anodin. La région est célèbre pour ses hivers rigoureux et ses abondantes chutes de neige. Ce climat extrême, loin d’être un obstacle, est en réalité un atout majeur dans la production de saké. La neige fondue génère une eau d’une pureté rare, à la douceur inégalée. Acheminée directement par pipeline depuis le pied de la montagne jusqu’au cœur du kura (la brasserie), cette eau cristalline devient l’élément fondateur des sakés Hakkaisan. Elle incarne la minéralité, la fraîcheur et l’authenticité de ce terroir si particulier.

Le mont Hakkai.

Mais l’eau seule ne suffit pas à faire un grand saké. Le choix des variétés de riz est tout aussi crucial. Hakkaisan sélectionne avec exigence les meilleurs grains, dont les prestigieux Yamadanishiki et Gohyakumangoku. Ces riz, aux propriétés idéales pour la fermentation, sont soigneusement polis avant d’être travaillés avec rigueur et précision par le maître toji de la maison, Masatoshi Murayama. Véritable artisan du goût, il veille à chaque étape de la production, tel un chef d’orchestre soucieux de la moindre nuance.

La brasserie Hakkaisan sous un épais manteau de neige.

Héritage familial
Depuis sa création, Hakkaisan défend une vision exigeante du saké, où chaque bouteille est le fruit d’un dialogue permanent entre passé et présent. Si la maison est réputée pour la constance et la qualité de ses cuvées, elle n’hésite pas à innover, en adoptant de nouvelles techniques de brassage ou en adaptant ses produits aux goûts des consommateurs actuels. Cette capacité à évoluer tout en respectant les fondements fait d’Hakkaisan une brasserie résolument contemporaine.

Aujourd’hui dirigée par Masato Nagumo, représentant de la troisième génération, la brasserie continue de faire rayonner la philosophie de ses fondateurs à travers le monde. Héritier de son père Jiro et de son grand-père Masahito, Masato incarne un subtil équilibre entre attachement aux traditions et ouverture à l’innovation. Sous son impulsion, Hakkaisan s’ouvre de plus en plus à l’international, tout en conservant une production artisanale profondément enracinée dans les valeurs du pays du Soleil-Levant.

Masato Nagumo.

Style unique
Les sakés de cette brasserie japonaise, élégants, fins et accessibles, séduisent aussi bien les amateurs avertis que les néophytes. Hakkaisan est avant tout un style « haute couture », tant le souci du détail, la précision et la recherche de l’équilibre sont omniprésents. Sous la direction du maître toji Masatoshi Murayama, chaque étape, du polissage du riz à la fermentation, en passant par la préparation du kôji, est exécutée avec une attention extrême. La maîtrise des conditions de température et d’humidité, la dégustation permanente des cuves et les ajustements constants permettent de garantir une qualité et une constance exemplaires.

Hakkaisan propose une gamme de sakés d’exception, véritables bijoux d’équilibre et de subtilité. Parmi eux :

  • Awa Hakkaisan : un saké pétillant raffiné, frais et crémeux. (Disponible à la Maison du saké)
    Junmai Daiginjo Kongoshin : fleuron de la maison, plus poli ; il se distingue par ses arômes floraux et printaniers.
    Tokubetsu Honjozo : alliant finesse et accessibilité, c’est le saké le plus consommé au Japon. Il peut être servi frais ou tiède (env. 45 °C) pour accompagner une dorade ou des crustacés. Chauffé, le saké révèle des arômes racinaires et une belle puissance en bouche.
    Junmai Daiginjo Yukimuro : vieilli trois ans en chambre froide naturelle (snow-aged). Yukimuro est une glaciaire traditionnelle japonaise, modernisée par la maison Hakkaisan pour faire vieillir le saké à 3,7 °C grâce à 1 000 tonnes de neige.
    Daiginjo : incarnation de la précision et de l’élégance.
    Kasutori Shochu Yoroshiku Senman Arubeshi : spiritueux distillé issu du marc de saké.