Terroir Al Limit par Dominik Hubert, et si nous y étions vraiment, à la limite ?

Le Priorat, merveilleuse région, à 120 km au sud de Barcelone est l’un des terroirs les plus prometteurs d’Espagne. La viticulture y est présente depuis le 12e siècle grâce aux moines de la Chartreuse de Scala Dei qui, déjà à l’époque, chantait la gloire du grenache.

Le phylloxéra a eu raison de ces parcelles de vignes entre monts et vallées pour renvoyer l’appellation dans l’oubli le plus total. Le litre de vin du priorat se vendant même en cubi, dans les années 70.

Il fallu donc attendre l’arrivée de noms célèbres comme René Barbier avec le «Clos Mogador», Alvaro Palacios ou encore Luis Perez au «Clos Martinet».

Aux débuts des années 1990, la gloire du Priorat renait au gré de flacons qui délaissent l’encépagement historique, grenache et carignan, pour s’orienter vers la syrah, le cabernet-sauvignon et le merlot. Une vision bien plus moderne, hélas.

Les priorats, reflets d’une dizaine de villages, étaient alors des vins compacts avec des extractions marquées et des arômes quelquefois un peu trop vanillés n’ayant rien à voir avec le terroir originel.

La «troisième vague» s’inscrit aujourd’hui dans le fabuleux travail de Dominik Hubert avec Terroir Al Limit. Derrière ce nom intrigant se cache un domaine confidentiel dans le village de Torroja. Torroja est, avec Scala Dei, le cœur historique du vrai Priorat, où le catalan est de rigueur et où les parcelles éparpillées au cœur de la garrigue ressemblent à des petits jardins oubliés. Le paradis sur terre.

Crée en 2003, Terroir Al Limit se distingue sur les derniers millésimes par des vins au raffinement ultime, jamais sur l’extraction mais plutôt sur un principe d’infusion où la finesse de texture prime sur la matière tannique, fait rare en Espagne. Pour cela, un choix drastique est fait à la vigne. Chaque parcelle renferme un patrimoine de vieilles vignes sur de très petits îlots oubliés et des rendements minimes.

Coté cave, tout est minimaliste, les vins sont logés dans d’importants contenants pouvant aller jusqu’aux foudres, le bois se fait discret et souligne les textures du grenache et du carignan anoblies par la biodynamie.

«Pedra de Guix» 2010 est un blanc issu du pedro-ximenez et du maccabeu. Blanc du sud qui conserve une gamme aromatique portée sur l’amande et le cédrat. La texture de bouche renferme de la salinité et une approche élancée.

« Torroja-Vi de Vila » est loin d’être le premier vin du domaine, plutôt un subtil duo formé par des vignes de 60 ans de grenache et de carignan. 2010 frappe fort tout en fruits juteux, savoureux avec une sève longue et ample. C’est bien joué.

Issu d’une seule parcelle, orientée plein nord reposant sur une base granitique abrupte, «L’Arbossar 2010», pur carignan, se distingue par des nuances d’airelle, de framboises fraîches rejointes par une trame ample, aux tanins finement poudrés. La mise en bouteille aura lieu en juillet. 2006 est plus structuré avec une formidable capacité d’évolution dans le temps.

On rejoint ensuite «Dits Del Terra 2010» (les doigts de la terre) exposé plein sud toujours en carignan, tourné vers la cerise noire, où la maturité aromatique est plus appuyée sur ce millésime. Et le millésime 2007 est une formidable série de fruits noirs juste poudrés avec une allonge fumée.

Les deux grands crus du domaine viennent de deux parcelles isolées, perdues au cœur des massifs. La première, «Les Tosses», pur carignan, toute petite production, repose sur la fameux sol de Licorella et offre une lecture non pas faite sur la densité mais d’un raffinement extrême pour du carignan porté par des nuances de graphite.

Pur grenache, «Les Manyes 2010», encore en cours d’élevage est une magie toute en délicatesse d’expression avec une sensation tactile qui l’emmène au panthéon des grands grenaches. Le 2009, goûté à table, a donné la répartie à une côte de bœuf de Galice et poivrons doux, sa puissance affirmée se reflète à merveille sur la chair persillée de cette superbe pièce.

Antoine Petrus

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