Tour de France des vendanges, le final.

On termine la tournée des vignobles à l’heure de la récolte – dix-sept au total, voir ici, et – en remerciant Vignobles & Signatures pour ces précieuses informations fournies par les propriétaires des domaines.

Jean Durup Père&Fils, Chablis.
« Ici, on pratique la vendange méthodologique ! Avec plus de 660 parcelles, nous devons effectuer des prélèvements sur les grandes zones de notre vignoble afin de connaître la quantité de sucre et d’acidité contenus dans les raisins de manière à débuter les vendanges par les sites les plus mûrs. Le nombre de parcelles s’est considérablement élargi au fil des années : la propriété est passée de 2 hectares en 1968 à 197 hectares en 2012 ! Les vendanges sont également sportives, le domaine comptant la plus forte proportion de côtes pentues et caillouteuses des terroirs de Chablis. Pour ces pentes, nous engageons des vendangeurs non seulement motivés, mais aussi dotés bons mollets. Après une année difficile avec des gelées d’hiver et de printemps, de la grêle, et quelques attaques de maladies (moins que dans d’autres régions cependant), nous avons eu un bel été, favorisant la maturité des raisins. Les averses des 10 et 12 septembre leur ont permis de gagner en équilibre après le soleil du mois d’août. Nous avons donc pu débuter les vendanges autour du 25 septembre ».

Château de Tracy, Pouilly-sur-Loire

« Le briefing à l’équipe de vendangeurs : Soyez mi-nu-tieux ! Car après la culture raisonnée, la taille, le dédoublage, l’ébourgeonnage et la taille en vert, les grappes doivent être cueillies avec le plus grand soin pour maintenir cette moyenne exceptionnelle d’un rendement de 45 hectolitres à l’hectare pour 32 hectares. Le soir venu, quelqu’un de la famille d’Esttut d’Assay leur racontera peut-être l’histoire du premier ancêtre écossais, venu au XVe siècle, pendant la Guerre de Cent ans, aider le roi de France Charles VII contre les Anglais. Plus tard, Louis XI, séduit par les mérites de son descendant, François, lui donna en récompense la nationalité française. François séduisit Françoise de Bar, qui lui donna son coeur en 1586 en même temps qu’une dot dont la Seigneurerie du Château de Tracy faisait partie. L’amour s’est mêlé de vin, et l’histoire dure toujours. Aujourd’hui, les grappes sont mûres et magnifiques. Les sangliers en font leur goûter, il est temps de vendanger ! »

Couly-Dutheil, Chinon
« Ce domaine fondé en 1921, aujourd’hui dirigé par Jacques Couly-Dutheil et son fils Arnaud, l’un des plus talentueux et créatif jeune vinificateur du Val de Loire, possède de prestigieux terroirs, parmi lesquels les Clos de l’Olive et Clos de l’Echo. Il est est géré selon le principe de la lutte raisonnée et du respect de l’environnement (enherbement complet du vignoble, effeuillage, faibles rendements, etc.). Cette rigueur culturale permet de préserver la qualité naturelle des raisins et de vendanger cabernet franc et chenin blanc à pleine maturité. La personnalité de chaque terroir s’exprime ainsi pleinement dans des vins alliant fruité, générosité et élégance qu’un palmarès impressionnant de médailles récompense chaque année. Le fouillis joyeux de végétation qui sert d’écrin aux vignes pendant l’été a vu s’installer une famille de petits lapins et une colonie de papillons. Le décompte fait, ils sont beaucoup plus nombreux que les vendangeurs venus couper les grappes du Clos de l’Echo pendant que les quatre locataires habituels, des lièvres, se prélassaient au soleil de septembre. Personne ne les mangera, ils sont les meilleurs témoins de la nature et de l’art de vivre qui président au domaine. »


Domaine Paul Blanck, Kientzheim
« Sur ces terroirs magiques, peuplés d’histoires celtiques, et même un peu mystiques, venir vendanger sur des terrasses pentues un grand cru comme le Schlossberg est une vraie expérience. Vignerons de père en fils depuis la Renaissance, nous aimons que nos vins expriment les terroirs où plongent la vigne : la plénitude du calcaire, le moelleux et la fermeté de l’argile, l’harmonie de la magnésie ou encore le bouqueté, la finesse et la puissance de la silice. Imaginés dès les vendanges pour les passionnés du monde entier, certains grands crus resteront ici plus de cinq ans avant d’être commercialisés. Les vendanges des vins tranquilles ont démarré la semaine dernière, quinze jours après la récolte de Crémant. Si le millésime ne sera pas “d’exception”, l’état sanitaire est remarquable. Les raisins sont beaux, la récolte moins abondante. Le temps beau et sec a permis d’échapper aux attaques du botrytis. Le raisin possède un bel équilibre sucre-acidité. Quelques cépages comme l’auxerrois, le muscat ottonel et le gewurztraminer doivent encore attendre pour atteindre leur maturité gustative. Le cocktail nuits fraîches + journées ensoleillées réussit particulièrement aux pinots noirs qui ont une belle couleur et de beaux tanins mûrs. Quelques attaques anecdotiques, et la sécheresse en plaine, vont retarder la récolte. Nous vendangeons environ 250 parcelles sur sept types de sols, d’exposition et de pentes différentes, et neufs cépages qui mûrissent différemment. Cela prend au bas mot cinq à sept semaines. Sans compter les récoltes des vendanges tardives et sélection de grains nobles qui démarreront entre fin octobre et début novembre si la pourriture noble s’installe. »


Domaine Rolet Père & Fils, Arbois
« Authentique, solide, immuable, le Jura ne ressemble à rien d’autre. Dans le mystère de ces vallées profondes, ce domaine familial créé dans les années 40, est devenu un des fleurons du vignoble jurassien. Ici, les vendangeurs sont un peu surpris de voir se côtoyer avec bonheur le chardonnay, base des vins blancs du Jura, le poulsard et le trousseau, spécifiques au terroir jurassien, le pinot noir d’origine bourguignonne et le savagnin, cépage du vin jaune. Il n’y a pas là de quoi s’ennuyer ! Pas moins de deux douzaines de cuvées différentes vont être élaborées dans les semaines qui viennent. Dans le climat contrasté de cette année, les froids et humides juin et juillet ont mis à mal la floraison de la vigne et créé un climat propice aux maladies. Le résultat sera une petite récolte. Les périodes caniculaires du mois d’août ont provoqué de la grillure ici et là . Enfin, le temps s’est stabilisé et le soleil a doré les raisins de chardonnay et donné une bonne maturité aux cépages rouges. Les vendanges ont pu commencer avec les premières grappes de chardonnay dont le jus servira de base pour les crémants. Suivront ensuite le pinot noir, le chardonnay à nouveau, le poulsard et le trousseau. Nous terminerons par le savagnin. Pour l’instant, la qualité des raisins est satisfaisante et l’état sanitaire est bon. La belle semaine que nous avons eue a permis la concentration des sucres tout en maintenant un bon équilibre des acides… Nous espérons que le soleil restera de la partie dans les semaines qui viennent, mais on a toujours vu le beau temps revenir après la pluie et la pluie après le beau temps ! Rendez-vous dans trois semaines quand tout sera dans le tonneau. Nous serons encore sûrement les derniers à vendanger dans le Jura ».

Guilbaud Frères, Clisson.
« Ici, on fait du muscadet depuis 1927, soit 10 ans avant la date de création en 1937 de cette appellation à la fois tellement connue et si « mal connue ». Etre proches du berceau médiéval de Clisson ne nous empêche pas d’être taraudés par l’aiguillon de l’innovation ! Il n’y a pas un muscadet, mais des muscadets. Le travail minutieux qui est effectué à partir des divers terroirs d’argiles, de schistes et de silices (respectivement Le Clos du Pont, le Château de La Pingossière, et le Domaine de La Moutonnière) produit des cuvées de grande finesse entre concentration, finesse et élégance. Cette année, le début de printemps exceptionnellement beau et chaud a été suivis de trois mois plutôt maussades, froids et pluvieux. Fort heureusement le mois d’août et la première quinzaine de septembre ont permis de débuter les vendanges (le 20 septembre) sous un ciel radieux. Notre première parcelle vendangée, située sur la commune de Mouzillon au lieu-dit “La Torelle”, nous laisse espérer un beau muscadet Sèvre & Maine sur lie, aromatique, concentré et gras. Malgré un déficit de récolte important (estimé pour l’instant à 50 %),
le millésime devrait être de belle qualité, avec un bon rapport d’équilibre sucres-acidité, voire même de garde, expression des minéralités de nos différents terroirs. »

Domaine Cauhapé, Monein.
« En 1980, Henri Ramonteu, passionné par les quelques pieds de vignes qui poussent sur sa propriété, abandonne son métier d’agriculteur pour s’initier seul à la vinification. En quelques années, il a fait de son domaine une des références de l’appellation. Niché au coeur du Jurançon, entre Pyrénées et Atlantique, le vignoble s’étend aujourd’hui sur 40 hectares de coteaux exposés sud-est. Ici les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail. Il arrive que nous vendangions fin décembre ou début janvier. Les grappes sont pincées afin d’accélérer le phénomène du passerillage. Les grains sont gaufrés par le gel et fripés par le temps donnent un vin d’exception sans comparaison ni repère. Le dernier challenge du domaine est la réhabilitation de deux cépages ancestraux, le lauzet et le camaralet, qui contribuent à la renaissance des jurançons secs (cuvées Geyser et Canopée). Cette année, le printemps frais a un peu décalé la floraison, mais la fin de saison plutôt chaude et un peu sèche nous permet de cueillir les premières grappes début octobre, époque normale du début des vendanges en Jurançon.
Le raisin est très beau. Nous sommes optimistes, une belle récolte se profile ! On imagine déjà des blancs secs très aromatiques et un moelleux d’une très belle fraîcheur. Fera-t-on des vendanges en janvier ? C’est possible. »

Château de Laubade, Armagnac
« Sur les 200 hectares des vignobles Lesgourgues, vendangeurs et vendangeuses se baladent ! Château Cadillac, en appellation Bordeaux, châteaux Haut Selve et Le Bonnat dans les Graves, château Peyros dans le Gers à Madiran et enfin Château de Laubade, en Bas-Armagnac. Ici, après un printemps au climat frais et pluvieux, qui n’a pas favorisé une bonne floraison, le cycle végétatif des vignes a accumulé un retard qui s’est poursuivi jusqu’à l’été. Fort heureusement, le climat très sec et ensoleillé qui a prévalu depuis la fin juillet et qui dure encore a permis de compenser ce retard. Aujourd’hui, le vignoble est très sain et les vendanges se déroulent dans de très bonnes conditions. Seuls les rendements sont attendus en baisse sensible, la charge par pied et surtout la taille des raisins s’annonçant plus petites que la normale. Les vendanges ont débuté lundi 24 septembre par le cépage folle-blanche, toujours le plus précoce. Les acidités recherchées dans le cadre de la distillation simple sont à leur niveau optimum, et les degrés sont bons, laissant présager une très bonne qualité. Les deux hectares du Plan de Graisse et de vieux cépages armagnacais, cultivés à titre expérimental et dans une volonté de préservation du patrimoine, ont été vendangés ensuite, ainsi que les vignes de Colombard, autour du 27 septembre. Aujourd’hui, c’est le tour du cépage blanco, dont le Château de Laubade est le premier vigneron. Environ trois hectares y sont replantés tous les ans. Cette année, ce sont les jeunes plantes de 2009 qui donnent leurs premiers raisins, contribuant ainsi à enrichir l’assemblage des futures grandes eaux-de-vie de la maison.»

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