« Comme dans toutes les belles histoires, tout avait bien commencé. Un hiver frais avec des pluies, un printemps pluvieux et doux permettant l’installation d’une magnifique surface foliaire comme nous n’en avions pas observé depuis 5 ans. Une alternance de soleil et de pluie favorisant une pousse homogène et vigoureuse de la vigne.
Les premières difficultés sont apparues avec la floraison qui, compte tenu de l’alternance des pluies et de la chaleur, n’a pas été homogène. La pression des maladies (mildiou et oïdium) a mis le savoir-faire du vigneron à rude épreuve pour garantir une tenue parfaite de l’ensemble du vignoble.
Les pluies ont vu le développement des herbes des champs dans les rangs de vigne (armoise, pourpier, mouron des oiseaux, ray-grass), preuves d’une vitalité retrouvée depuis l’arrêt de l’utilisation des produits herbicides au profit du travail du sol. La faune a également repris ses droits. La suppression de l’utilisation systématique des insecticides et notre choix de limiter les traitements ont augmenté le nombre de typhlodromes (prédateurs naturels des insectes ravageurs de la vigne). Nous sommes confortés dans nos choix d’une viticulture toujours plus respectueuse de l’environnement, une politique mise en place il y a trois ans. Elle révèle notre grand terroir et son «bio-équilibre», que nous rétablissons année après année.
L’été sec, de juillet à début septembre (moins de 5 mn d’eau), a ralenti la maturité des baies. Le bel ensoleillement et les chaleurs en septembre ont confirmé le potentiel du millésime et les pluies de fin septembre ont lancé la pression des vendanges. Le vignoble, bien préparé par des effeuillages maîtrisés a très bien tenu, et nous avons observé sur plusieurs parcelles une reprise de maturité par secteur, tant la vigne était en attente d’eau. Le regard fixé sur les prévisions météo des différents sites du web, nous avons assisté à une dégradation radicale des conditions météorologiques à partir du 24 septembre et jusqu’au 27.
Phénomène rare pour Bordeaux, une semaine tropicale – 90% d’humidité + 25/ 28 ° la journée – a mis en place les éléments favorables au développement de notre traditionnel ennemi : le botrytis cinerea. Notre attente de la maturité des raisins s’est transformée alors en visites systématiques de chaque parcelle. Il s’agissait de capter de manière réfléchie le potentiel du millésime sans céder à la psychose du développement de ce champignon. Finalement, les merlots de très belle maturité ont été ramassés aux dates prévues, du 9 au 11 octobre. Le 12, ce fut le tour des très beaux petits verdots avec un joli fruité et beaucoup de puissance. Le bémol est venu du cabernet sauvignon, vendangé dix jours trop tôt à mon goût. Malheureusement, nous ne pouvions attendre davantage, la météo n’annonçant que pluies, vent, perturbations et fraîcheur, prévisions qui se sont bien confirmées.
Quel résultat, quelle qualité ? C’est la question du jour, les vinifications étant en cours. Au chai, entre précision œnologique et connaissance de notre terroir, c’est l’heure de la rigueur. Il faut isoler les lots, sélectionner les vins, travailler les cuves avec attention, et ne rien systématiser dans notre approche de la vinification pour aller chercher dans chaque marc le potentiel à exploiter. Les premières cuves terminées en fermentation alcoolique confirment nos attentes, de très beaux merlots et des cabernets un peu nerveux révèlent, au fur et à mesure que la macération avance, beaucoup de finesse et d’élégance.
Ce genre d’année où rien ne va de soi s’appelle un « millésime de vigneron ». Les choix humains, en 2012, ont été déterminants. Le potentiel est là. L’élevage sera important pour affiner et marier tous ces éléments bruts entre eux, mais ce nouveau millésime porte d’ores et déjà le style élégant et charmeur des grands vins du château Marquis de Terme. »
Ludovic David
Directeur du Château Marquis de Terme