Château Talbot, grand cru classé en 1855, Saint-Julien
«Voici la fin de l’année et l’heure des bilans. La tension est retombée. Le vignoble retrouve le rythme laborieux et routinier du début d’hiver. Le vin nouveau commence à être logé dans les bois neufs et nous voyons se dessiner ce que sera ce millésime. On peut se demander d’où sortent ces quelques cuves extraordinaires de cabernet sauvignon car de prime abord, le climat de l’année n’était pas avec nous. A un hiver plutôt sec et froid (le plus froid depuis 30 ans), un printemps frais et pluvieux a succédé. Il a entrainé une floraison capricieuse et une nouaison imparfaite. Le résultat : l’apparence d’une petite récolte, semblable à 2002, merlots confidentiels, cabernets sauvignons très “aérés”. Le début de l’été continue à être peu conciliant avec nos espoirs et il faut attendre août pour voir enfin s’installer un temps sec et chaud, jusqu’à un début de canicule qui a échaudé quelques raisins les plus exposés aux rayons de l’après-midi, souvent en bout de rang. Septembre s’annonce plutôt bien, nous vendangeons nos sauvignons blancs les 12 et 13 puis les sémillons le 17, à point, avec une belle fraîcheur et des arômes exotiques mêlés de pêche blanche et de poire. Jusque-là, tout allait bien et finalement le cumul des températures s’apparentait à 2010. Peut-être cela allait-il le faire ? Mais la deuxième partie du mois de septembre se gâte et de nombreuses précipitations sont enregistrées et pas que dans les pluviomètres. Les grains gonflent, l’eau est aux racines. Le botrytis cinerea, notre ennemi juré, peu présent jusqu’alors, va exploser littéralement début octobre. Le parti de ramasser les merlots du 1er au 3 octobre fut un bon pari. Pas de sur-maturité mais une belle concentration et l’équilibre sucre-acidité donne des lots de grands merlots vifs et expressifs, équilibrés. Nous allons ensuite prendre la décision d’arrêter les vendanges 6 jours. On ne dort plus et on vit dans une sorte de sauna ; humidité de l’air proche de 100 % et température de 18°C même la nuit. Les cèpes sortent dans toutes les garennes proches de nos vignobles et c’est à la faux que certains les ramassent. Mauvais présage. Mais la reprise des vendanges est là et les petits verdots, si sensibles, nous donnent de l’inquiétude, nous les vendangeons en une journée, dare-dare ! Les cabernets sauvignons enchaînent, on fait la part du feu sur les zones les moins nobles et on rentre le plateau au summum de maturité pour ce millésime. Les peaux se fragilisent mais le potentiel phénolique est intact et ils vont donner des cuvées certes limitées mais d’une complexité et d’un classicisme bordelais parfaits. L’eau, si elle est néfaste en excès, a ici, sur le coeur du plateau dans les plus grands terroirs, l’effet d’un polissoir sur une pièce d’orfèvrerie. Tout est sans aspérité, dans la netteté et dans la courbe, dans la sensualité ! La perfection n’est pas loin pour ces vieilles vignes au feuillage sénescent. Elles nous livrent leurs fruits comme un testament, témoin du travail de tous, dans un climat médocain affirmé. Nous finissons les vendanges le 16 octobre, exsangues et lessivés. Les fermentations malolactiques terminées, Noël verra les vins tranquilles logés dans nos barriques neuves. Les assemblages, ce mystère, alchimie de nos palais et de nos sensibilités, viendront construire ce millésime si difficile à faire venir sous le climat que j’ai décrit mais où la race devrait parler.»
Christian Hostein, chef de culture. Décembre 2012.
Château Belle-Vue et Château de Gironville, crus bourgeois, Haut-Médoc
et Château Bolaire, bordeaux supérieur, Haut-Médoc
«Le cycle de la vigne a été marqué au départ par un gel d’hiver fort et assez long, après une période douce.
La pousse s’est faite par à-coups, débourrement rapide et homogène jusqu’au premier levage, puis une pression sanitaire plus forte et durable qu’en 2007 avec, par exemple, un arrêt momentané de pousse et de végétation fin juin. Les conditions de floraison ont été moyennes, d’où une fécondation limitée, impactant les rendements.
Les merlots et petits verdots ont été défavorisés, les cabernets ont bien compensé. Les grappes étaient en nombre mais plus petites que de coutume. La maturation s’est faite de façon hétérogène et la météo pluvieuse a imposé des travaux en vert importants (effeuillage, toilettage). Heureusement les conditions favorables de septembre ont permis d’attendre sereinement la vendange. Au bilan, une année pour cépage tardif, avec de très beaux cabernets malgré une forte pression sanitaire (botrytis). Les vendanges se sont déroulées d’une seule traite sur 13 jours consécutifs, du 5 au 17 octobre 2012, dans des conditions météorologiques très variables au quotidien, humidité puis soleil. Le besoin de tri était important. On a immédiatement noté une belle libération de couleur, le risque de dilution lié aux pluies étant compensé par des saignées importantes. Ces conditions ont permis des vins concentrés, sur la fraîcheur. Ce millésime aux vins assez ouverts, avec un joli fruit et une bonne structure tannique, marqués par une intensité de couleur se situe entre 2008 et 2009. Une sorte de 2008 “plus”, en quelque sorte. Une fois de plus, la nature et les conditions d’environnement ont dicté leur loi souveraine, les équipes ont chaque jour adapté leur démarche technique et ont su optimiser nos cépages.»
Jean-Michel Marle, directeur d’exploitation. Janvier 2013.
Château de Lamarque, Haut-Médoc
«Nous avions qualifié de “millésimes de viticulteur” les trois derniers millésimes en rappelant la maxime du professeur Peynaud, c’est “avec de bons raisins que l’on fait de bons vins”. Le viticulteur n’avait pu préparer la qualité de sa vendange que grâce à de bons choix d’interventions culturales, dans la partie de cache-cache avec la météo annuelle. Le soleil des vendanges avait fini le reste pour en faire des millésimes exceptionnels ou de très grande classe. Le millésime 2012 fut évidemment soumis à la surveillance et à l’intelligence du viticulteur, tout au long de l’année, pour arriver “à mener au bout”, comme l’on dit au jeu du tarot, des raisins sains, à maturité et d’abondance contrôlée. Mais les conditions climatiques de la période des vendanges 2012 furent très compliquées, entre pluviométrie et température. Nous étions loin des conditions des années précédentes. C’est cette période qui va caractériser le millésime 2012. L’ambiance “pseudo-tropicale” installée à la fin août, avec quelques cessions chaudes et sèches, nous a permis d’attendre le 1er octobre pour commencer les vendanges, terminées le 19 octobre. Le vigneron a coiffé son chapeau de vinificateur pour mener les opérations. Il a fallu, pour chaque cépage et selon les parcelles, atteindre le bon équilibre (Ph, degré théorique, acidité …) et l’exacte limite de l’état sanitaire. Prendre le risque maximum, soit,. Mais il fallait avoir les moyens d’intervention à la vigne comme à la réception de la vendange. Nous avons eu cette année une vendange mixte : mécanique et manuelle. Avec une machine à vendanger de dernière génération, mais sans égrappage embarqué pour ne pas triturer la vendange, nous avons ramassé les premiers merlots, les autres l’ont été manuellement. Nous avons vendangé, mécaniquement, tous les cabernets sauvignons, puis manuellement, nos quelques cabernets francs et tous les petits verdots. S’il fallait une “force de frappe” rapide et qualitative, pour vendanger en limite équilibre-état sanitaire, encore fallait-il avoir les moyens d’un tri complémentaire et indispensable à la réception des raisins au cuvier. Jusqu’au millésime 2011, notre tri draconien se faisait sur une table vibrante de cinq mètres, après égrappage, avec une équipe de huit personnes expérimentées par de nombreuses années de pratique. Venait, après, le foulage avant l’arrivée dans les cuves. Mais cette méthode au résultat excellent était lente et faisait prendre des risques quant à la vitesse de la vendange. Depuis plusieurs années, nous nous sommes intéressés aux diverses formes de tri dans le but d’améliorer le travail mais aussi la rapidité. Au printemps dernier, notre choix s’est arrêté sur une machine de tri optique, présente chez certains de nos très fameux confrères (La Lagune, Léoville Las Cases), qui combine à la fois très haute qualité de tri, les caméras allant si on le souhaite jusqu’à analyser le taux de chlorophylle, et rapidité. Bien nous en a pris, eu égard aux circonstances de la vendange 2012. Nous avons pu, en effet, vendanger, nous arrêter, reprendre, très exactement au rythme que nous souhaitions. La vinification a été relativement facile et les fermentations alcooliques et malolactiques se sont déroulées normalement. Ce millésime présente un bon équilibre. L’assemblage s’est fait avec l’aide des œnologues Jacques et Eric Boissenot, 80 % consacré au grand vin Château de Lamarque et 20 % au second vin, D de Lamarque. Dans le millésime 2012, les cépages du Château de Lamarque sont 45 % de cabernet sauvignon, 43 % de merlot et 12 % de petit verdot. La mise en barriques s’est étalée de la mi-novembre à la fin janvier. En l’état, au 1er février 2013, le millésime 2012 du Château de Lamarque présente une robe rouge-grenat, éminemment dense et foncée, brillante et nette. Le nez est encore discret et se marque par un léger boisé (prise de barrique) avec des arômes de fruits noirs (myrtille, cassis). En bouche, bon équilibre et bonne structure, grande densité aux tanins fins, fruits bien présents, belle persistance. Un millésime classique aux allures d’un 2006.»
Marie-Hélène et Pierre-Gilles Gromand d’Evry, propriétaires. Février 2013.
Château Cantemerle, grand cru classé en 1855, Haut-Médoc
«L’éclosion des bourgeons s’est produite par un temps doux et sec à la croisée des mois de mars et avril. Le climat s’est ensuite inversé avec l’arrivée d’une vague de froid humide qui a perturbé et ralenti la pousse des rameaux jusqu’au début du mois de mai. La floraison en juin et le début de la véraison en juillet ont connu des températures un peu basses qui ont impacté le volume de production. Le retard pris par la vigne à ce stade laissait entrevoir une récolte tardive, mais le temps sec et ensoleillé qui a suivi aux mois d’août et septembre a offert une belle session de rattrapage au millésime. Les vendanges se sont déroulées du 1er au 16 octobre après quelques ondées fin septembre. Les merlots ont été ramassés avec le soleil, mais la pluie est revenue le 7 octobre, induisant une accélération de la cueillette. Globalement, il s’agit d’une année un peu compliquée, que l’on appellera peut-être un “millésime de viticulteur”. La lutte contre les maladies saisonnières de la vigne aura été déterminante pour amener un raisin parfaitement sain au cuvier. Le choix des dates de vendanges et la capacité d’agir au niveau du rythme de travail (récolte, tri post-égrappage et gestion des apports au cuvier) ont également été des conditions nécessaires pour réussir au mieux ce millésime. Des premières dégustations ressort une sensation d’équilibre et d’harmonie.
La couleur est soutenue et les arômes primaires s’expriment avec intensité. Le vin circule en bouche sans creux ni aspérité. La puissance inhabituelle des derniers millésimes cèdera probablement la place à la finesse, mais le plaisir de déguster sera certainement au rendez-vous dans quelques années comme c’est le cas actuellement avec les millésimes 2001 et 2004.»
Philippe Dambrine, directeur. Janvier 2013.
Château Paveil de Luze, cru bourgeois, Margaux
«Après un début d’hiver plutôt doux, le mois de février enregistre une quinzaine de jours de froid, record pour la région. Le printemps pluvieux engendre malheureusement une forte coulure induisant des petits rendements et une grande hétérogénéité en particulier sur les merlots. L’été s’installe enfin à la mi-juillet, nous décidons de lancer les effeuillages côté soleil levant ainsi que les premiers éclaircissages afin d’éliminer les quelques paquets au sein des grappes. Il s’ensuit un mois d’août chaud et sec, mais pas caniculaire, laissant enfin envisager un beau millésime. Malgré cette amélioration climatique, on voit à cette période une véraison hétérogène nécessitant un deuxième passage de vendanges en vert afin de se donner toutes les chances d’emmener ce millésime à parfaite maturité. Cette hétérogénéité nous confirme que les vendanges seront tardives avec le risque d’une arrière-saison capricieuse, nous comprenons dès à présent, cette année encore plus que les précédentes, l’importance d’une belle présentation de la récolte. Les fameuses pluies d’équinoxe tant craintes ne dérogent pas à la règle, avec un changement de temps dès la mi-septembre et ce jusqu’à la fin des vendanges. La succession d’averses et d’éclaircies, accompagnée de températures douces met les nerfs à rudes épreuves, mais il faut tenir car la maturité avance doucement. Malgré cette climatologie et la présence du botrytis, les efforts au vignoble payent. Nous comprenons qu’il faut attendre encore quelques semaines lors de la première visite de Stéphane Derenoncourt et Simon Blanchard, le 20 Septembre. Les quinze jours suivants sont stressants, les vendanges se précipitent dans le Bordelais, mais nous prenons le risque de ne pas compromettre les efforts de toute une année, et lors de la dégustation des raisins au vignoble le 4 octobre, nous décidons d’attaquer les vendanges le lundi suivant. Les merlots du Pont Rouge sont les premiers à être vendangés 19 jours plus tard que l’année dernière, ils sont encourageants dès les premières cuves, en laissant présager un millésime de bel équilibre. Deux jours après, nous attaquons les merlots du Paveil, les conditions sont difficiles et on arrive tant bien que mal à passer entre les averses, mais là aussi les cuves justes rentrées laissent échapper de jolis arômes prometteurs de fruits rouges.
A partir du 11 octobre, viennent les cabernets, d’abord le franc puis le sauvignon, le temps ne s’est guère calmé, mais nous continuons, et l’évolution de la maturité des cabernets nous permet d’envisager sereinement la fin des vendanges. Au final, les vendanges d’une bonne maturité se sont déroulées du 8 au 16 octobre dans un temps record pour la propriété. Au vu des dégustations des baies de raisins, leur bonne maturité et leur joli potentiel nous encourage à faire des extractions douces lors de remontages espacés afin de respecter au mieux la vendange.
Les macérations post fermentaires se font à haute température afin d’obtenir un joli gras et des tanins enrobés.
A l‘écoulage, les vins sont très aromatiques, à la structure douce et élégante. Côté merlot Paveil, le nez de fruits rouges, framboise, groseille possède des notes fumées typiques des sols graveleux. La bouche est suave, ronde,
à la fois crémeuse et dense. La finale possède de jolis tanins soyeux. Côté cabernet sauvignon, nez de cassis, de framboise et de rose. L’attaque est franche, suivi d’un milieu de bouche aux tanins fins mais serrés. Belle finale aromatique et persistante.»
Frédéric de Luze, propriétaire. Février 2013.
Château Sénéjac, cru bourgeois, Haut-Médoc
«Entre deux averses, c’est ce qui résume bien l’année qui vient de s’écouler. Nous sommes dans le chai, en train d’assembler les différents lots qui vont donner naissance au millésime 2012 de Sénéjac. Ce dernier, le premier en ces lieux pour moi, fut difficile à mettre au monde. En effet, l’année a été marquée par une succession d’épisodes pluvieux durant les différents stades clés du cycle végétatif de la vigne. Avril, 153 mm. Mai, 50 mm. Juin, 85 mm. Cela a notamment entraîné la coulure des merlots, mais surtout une grande hétérogénéité des grappes lors de la floraison. De ce fait nous trouvions des baies à des stades différents sur une même parcelle, voire sur un même pied lors des analyses de contrôle de maturité avant les vendanges. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à la précision du choix des dates de ramassage des parcelles et à leur respect dans la mise en pratique, que nous pouvons dire aujourd’hui que 2012 sera un bon millésime et ravira, je le souhaite, les dégustateurs lors de la présentation en primeur dans quelques mois. Nous avons ramassé les jeunes merlots le 28 septembre et ceux du plateau les 2, 3
et 5 octobre. Le 4, on cueillait les cabernets francs. Il fallait viser juste. Nous avons repris le 8 octobre par les plantes de cabernet sauvignon pour finir les vendanges le 15 dans les vieux cabernets situés sur le plateau de Sénéjac,
qui ont résisté à la pluviométrie pléthorique. L’année 2012 s’est terminée dans le vignoble en reprenant les travaux d’hiver sous la pluie, en attendant les jours plus secs de janvier pour faire revenir le sourire sur les visages des vignerons et vigneronnes, désormais prêts pour une nouvelle aventure dont le titre est déjà connu : le 2013.»
Damien Hostein, directeur technique. Décembre 2012.
Château de Rouillac, Pessac-Léognan
«Alors ange ou démon, ce millésime 2012 ? En tous cas pas de ces millésimes restés dans notre mémoire comme des symboles de sérénité, inspirant plus la méditation philosophique, la promenade à pied ou à cheval que le combat de boxe. 2012 s’apparente plutôt au concours de saut d’obstacles avec tous ses ingrédients, concentration, difficulté, chrono, agilité, prestance. Tout d’abord, après avoir résisté à la rudesse de l’hiver, la vigne se réveille grâce à un mois de mars chaud et sec. Début avril, une gelée de printemps vient reprendre quelques bourgeons et avec eux, une partie de la récolte. Nous évitons ce piège tendu par la météo grâce aux éoliennes de lutte antigel d’une part, à la mobilisation de toute l’équipe d’autre part. Le reste du mois d’avril est très humide gorgeant les sols d’eau. Le chaud mois de mai permet un développement très rapide de la vigne qui adore ces conditions sols humides-temps chaud. Malheureusement, le mildiou, champignon bien connu des viticulteurs, aime lui aussi ces conditions, il veut sa part de récolte. Son développement est explosif. C’est une des principales difficultés à laquelle nous avons eu affaire dans l’année. Notre vigilance nous permet d’éviter cet écueil en employant des méthodes douces pour la nature qui nous ont permis d’obtenir la certification AREA, agriculture responsable de son environnement en Aquitaine. La chaleur de juin permet à la floraison de se dérouler dans de bonnes conditions. Les premiers jours de juillet sont frais. Nous pensons alors que nous allons avoir un été médiocre. Cette idée est très rapidement oubliée à partir de la dernière décade de juillet où le beau temps arrive. Cette météo exceptionnelle, pas la moindre goutte de pluie pendant 2 mois, permet une bonne maturité des grappes, en blanc comme en rouge. La première pluie arrive fin septembre, elle est providentielle car elle permet de finaliser une maturité languissante par manque d’eau. Le deuxième épisode pluvieux arrive à partir du 12 octobre, il sera conséquent. Ainsi, grâce au terroir précoce du Château de Rouillac, les vendangeurs motivés et spécialement formés à leur tâche ont récolté les blancs du 12 au 19 septembre et les rouges du 1er au 11 octobre dans de très bonnes conditions de maturité. A condition d’avoir su franchir tous les obstacles, 2012 est une année généreuse. C’est également un qualificatif que nous donnons à nos vins après les assemblages. 2012 nous fait penser à un autre millésime, que nous évoquons à chacune de nos dégustations tant cette comparaison est flagrante. Mais il serait prétentieux de notre part de le citer dans ces lignes.»
Jean-Christophe Barron, directeur technique. Janvier 2013
Château Carbonnieux, grand cru classé, Graves
«2012 a été une année marquée par les caprices météorologiques. Le printemps pluvieux et froid a rendu le travail du sol et les traitements de la vigne très délicats. La pression des maladies fongiques a nécessité une vigilance de tous les instants et une grande technicité dans le choix des matières actives. La vigne a débourré aux dates habituelles mais sa croissance fut ralentie par des températures en dessous des normales saisonnières jusqu’au mois de juin. Ce n’est qu’après la floraison que le cycle végétatif a rattrapé son retard, les équipes de travaux en vert ont été renforcées pour pouvoir freiner cette liane qu’est la vigne et ainsi rééquilibrer le flux de sève vers les grappes. Les premières véraisons apparurent début août et laissaient envisager des vendanges plutôt tardives. C’était sans compter sur une météo qui a une fâcheuse tendance à se dérégler, ou plutôt pour cette année, l’heureuse tendance à remettre les choses dans l’ordre. En effet, la pluviométrie fut quasi inexistante de mi-juillet à mi-septembre ce qui a favorisé les phénomènes de maturation et de concentration des raisins et nous a amené à lancer les vendanges le 4 septembre, date tout à fait normale pour la propriété. Les blancs ont été ramassés en quinze jours et les rouges en quatorze, avec en moyenne une soixantaine de vendangeurs jusqu’au 17 octobre. Ce millésime capricieux, sa météo inhabituelle et sa nature généreuse nous ont offert des raisins riches, typés, racés. Ceux-ci nous ont permis de constituer un grand nombre de lots de belle qualité pour obtenir des vins dignes d’un grand cru classé. Il faut dire que nous avons équipé notre cuvier d’un nouvel égrappoir, dont le travail précis et respectueux du raisin nous a permis d’obtenir des baies d’une intégrité sans précédent. En blanc, les sauvignons ont cette fraîcheur et cette pureté que l’on retrouve uniquement dans les grands terroirs argilo-calcaires. Les sémillons sont particulièrement exquis avec leur note d’abricot et leur volume en bouche incroyable. En rouge, les merlots nous ont surpris et se sont dévoilés au cours des remontages avec une très belle robe profonde et intense. Les cabernets sont quant à eux fruités et pleins de caractère. Ils demanderont un élevage un peu plus long que d’habitude, mais cette force sera garante d’une grande longévité en bouteille. Ce qui a marqué cette année, c’est aussi l’arrivée de notre nouveau chef de culture, Frédéric Magniez qui avait travaillé précédemment sur les domaines de la famille Rothschild. Grâce à ses compétences et son efficacité, il a très rapidement pris le vignoble en main et conduit les derniers travaux d’été et les vendanges de main de maître. Les vendanges se sont déroulées pratiquement entièrement en dehors des épisodes pluvieux et, grâce à l’augmentation des effectifs et de la cadence, les raisins ont pu arriver au cuvier au meilleur de leur qualité. 2012 sera proche de 2011 pour les deux couleurs, avec cependant un peu plus de volume en bouche pour le blanc.»
Eric Perrin, propriétaire. Décembre 2012.
Château de Pressac, grand cru classé, Saint-Emilion
«Le millésime 2012 a été marqué par un printemps humide et frais, qui a entraîné un décalage de pousse et de phénologie entre les pieds et même entre les bourgeons d’un même pied. Il a également causé un retard dans la floraison qui s’est étalée dans le temps. Pour couronner le tout, la pression sanitaire a été très forte. Bref, au début de l’été, le moral n’était pas au beau fixe. Puis, la situation s’est inversée. Les mois d’août, notamment la seconde quinzaine, et de septembre ont été chauds et secs, avec des amplitudes thermiques importantes, gage de richesse aromatique. Dans la vigne, il a fallu beaucoup travailler. Contre le mildiou tout d’abord, il a fallu être très vigilant sur la protection. Pour l’homogénéisation des raisins d’autre part, nous avons embauché une importante troupe pour effectuer des vendanges en vert. Les grappes et morceaux de grappe en retard de maturité ont été méticuleusement éliminés. Toutes les grappes sur 200 km de rangs de vignes au total ont été inspectées. C’était le prix à payer pour corriger la floraison languissante et obtenir une maturité homogène. Les vendanges ont été tardives, le 4 octobre pour les “Pressac” (malbec), et à partir du 9 pour les merlots puis les cabernets francs. Les pluies de mi-octobre nous ont forcés à accélérer pour finir les cabernets sauvignons le 22 après un week-end très arrosé. Finalement, des vendanges tardives et rapides pour lesquelles nous avons embauché soixante-quinze vendangeurs, soit la moitié de plus que les années précédentes. Le résultat est enthousiasmant. Les merlots sont fins et enrobés, aromatiques sans aucune rusticité. Le travail acharné de l’été est récompensé, même si les rendements sont particulièrement bas.»
Jean-François Quenin, propriétaire. Novembre 2012.
Château Soutard et Château Larmande, grands crus classés, Saint-Emilion
«Le rapprochement des terroirs de Cadet Piola et Soutard nous a permis de vendanger quatre cépages, merlot, malbec, cabernet franc et cabernet sauvignon afin d’élaborer notre premier millésime du Grand Soutard. Une fois de plus, le terroir calcaire de Soutard nous a démontré son excellence. La vigne s’est montrée généreuse. Volume et qualité nous ont encore séduits. La pertinence du choix cultural en biodynamie s’est avérée très constructive, puisque nous avons pu porter les merlots et les malbecs à leur parfaite maturité. L’expérience de l’équipe et son organisation opérationnelle nous ont permis de commencer les vendanges le 3 octobre et de terminer le 13. A Larmande, les grands succès rencontrés jusqu’à ce jour nous ont conduits à persévérer dans notre stratégie de sélection parcellaire. L’abandon des parcelles situées sur les terroirs qui nous paraissaient peu favorable à l’excellence, deux hectares en tout, aura une incidence qualitative très positive. Le rapprochement d’un pourcentage plus important en cabernet franc nous permettra d’apporter fraîcheur et élégance, qualités très recherchées par notre clientèle traditionnelle.»
Véronique Corporandy, responsable technique. Février 2013.