Champagne, réponses auxidées reçues les plus sottes (1/2)

Cave de Laurent-Perrier (D.R.)

On entend les choses les plus stupides sur le champagne. Voici quelques vérités en face des préjugés les plus véhiculés.

Le champagne de vigneron est toujours fait par le vigneron

Officiellement quatre catégories de producteurs sont reconnues et identifiables sur les étiquettes par un petit sigle le plus caché possible (vive la traçabilité), suivi d’un numéro d’enregistrement. Les récoltants manipulants (R.M.), vignerons qui élaborent eux-mêmes leur produit, les coopératives manipulantes (C.M.) qui élaborent le vin de leurs adhérents, les négociants manipulants (N.M.) qui élaborent des vins issus de leurs propres raisins et de raisins achetés, et enfin les récoltants coopérateurs (R.C.) qui eux n’élaborent rien mais commercialisent des bouteilles rétrocédées par leur cave coopératives. Mais les frontières ne sont jamais vraiment claires, tant la complexité et la force de pression de la fiscalité française obligent la viticulture à des montages abscons. Des vignerons se transforment en négociants pour pouvoir acheter les raisins des membres de leur famille, des négociants vinifient à part des vins issus uniquement de leur propre production, des coopératives créent des marques qui les font prendre pour des maisons de négoce. En fait, ce système a un avantage certain, empêcher le consommateur d’avoir des idées toutes faites.

Le champagne, ça vieillit mal

Ce lieu commun a le don d’irriter les bons producteurs. Mettons quand même à part les champagnes mal faits qui ne sont bons ni jeunes ni vieux et qu’il vaut mieux écluser aussi vite que possible. On comprend aussi l’intérêt des commerciaux de tout poil qui voient d’un bon œil le renouvellement rapide des stocks. Mais un champagne de qualité est un des vins qui vieillit le mieux, protégé par son acidité, mais surtout par ses bulles. Plus les raisins viennent de bons terroirs et plus lentement le vin atteint son apogée, souvent après huit ou dix ans de vieillissement sur lies, dans les galeries souterraines champenoises, plus quelques années de cave chez l’acheteur. Le bouquet s’amplifie, la persistance du goût s’allonge, les bulles s’intègrent mieux au vin, le terroir et les intentions du chef de cave trouvent leur pleine expression. Mais attention aux mauvais goûts de lumière, le champagne est très sensible aux rayons des lumières artificielles.

Le champagne, c’est tout sauf bio

Cela vous pose un homme, un vrai, un «con-noisseur», que d’affirmer d’un ton péremptoire que la Champagne est le vignoble le plus ignoblement cultivé de France et son vin un ersatz industriel ne méritant aucune autre admiration que celle que suscite sa réussite commerciale. Il est vrai que la génération précédente de viticulteurs n’a pas fait dans la dentelle écologique, abandonnant le travail des sols et les recouvrant de déchets urbains pour les protéger de l’érosion. Elle a su également augmenter largement les rendements au prix d’une diminution évidente de la qualité, qui a d’ailleurs entraîné une grave mévente au début des années 1990. Depuis, il y a eu quelques changements, un retour chez beaucoup au labour ou à l’enherbement, le respect des vieilles vignes même si elles produisent moins et un réel souci de développement durable. Seulement une vigne de champagne ne se conduit pas de la même façon qu’une vigne de grand vin tranquille, car il faut obtenir un raisin porteur de toutes les informations du terroir et du millésime, mais sans la richesse en sucre des autres régions et avec suffisamment de jus dans le raisin pour donner au vin une vraie légèreté sans dilution. Et la technique spéciale de son élaboration, deux fermentations au lieu d’une, est le contraire d’une industrialisation, puisqu’elle fait deux fois appel au travail et à la créativité du ferment. En revanche, elle demande de la rigueur et de la précision, mais c’est peut être cela que les néo-bobo-cools appellent industrie.

Michel Bettane et Guillaume Puzo

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