Plus de mille vins à déguster en une semaine, des échantillons à des stades divers d’avancement, des prises de bois plus ou moins intégrées avec des tanins harmonieux ou dissociés, voire parfois revêches. Et il faut multiplier les dégustations, de châteaux en syndicats viticoles puis en négociants pour vérifier que les échantillons concordent. Beaucoup de concentration est nécessaire, les journées sont interminables, les dents noircissent à vue d’œil dès les premiers rouges du matin et les gencives sont agressées par les tanins trop accrocheurs.
Et ce millésime 2012 ? Enterré par les tapageurs qui jouent du buzz, ceux que nous n’avons pas rencontrés dans les dégustations, mais qui savent. Défendu par ceux qui ont à le vendre, c’est assez normal.
À notre avis, il n’est ni premier de la classe ni support à bonnet d’âne. Il aurait été pitoyable il y a 30 ans, les pluies et les conditions sanitaires délicates l’auraient malmené. Mais la viticulture de grand cru sait désormais gérer ces millésimes délicats et ceux qui ont fait l’effort de trier ont été récompensés. Il ne faut pas chercher en 2012 la plénitude d’un 2010, mais on verra de la fraîcheur, le fil rouge du millésime dans toutes les appellations. Ce seront des vins de consommation plus rapide mais d’un réel intérêt. Si les sauternes sont inégaux, les barsacs s’en sont mieux sortis. Les pessacs sont bien réussis, les pomerols sont étonnamment harmonieux. Moins homogènes à ce stade, les saint-émilion comptent nombre de réussites. Sur l’autre rive, la réussite est assez générale de Pauillac à Margaux. Les saint-estèphe sont moins charmeurs, ils ont besoin de plus de temps, mais les chefs de file,
les seconds crus sont réussis et montrent le potentiel du millésime.
Après cette folle Semaine des primeurs, une autre phase complexe démarre pour les propriétaires. À quel prix de sortie fixer ce millésime ? Une partie de la presse internationale a jeté le bébé avec l’eau du bain, l’euro est fort,
la conjoncture économique occidentale ne brille pas et l’accueil par les Asiatiques d’un millésime qui sera peu spéculatif n’est pas clair. D’un autre côté, ce qu’il y a dans le verre n’est pas si mal et nous prenons sans risque le pari qu’on se régalera bientôt avec ceux des bons vignerons. Dilemme.
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Alain Chameyrat