Le vin pour métier, l’art pour le plaisir (ou le contraire)

Greffer de l’art au milieu des ceps redonne un second souffle à des vignobles bien décidés à profiter de toutes les opportunités de la mondialisation. Ici et là, divers domaines fourmillent d’idées pour, à leur tour, attirer des œuvres d’arts. D’autres, déjà bien engagés dans cette voie, songent à amplifier leurs efforts. Maurice Giraud réfléchit à l’installation d’une résidence d’artistes dans l’une des dépendances du château de Pommard. Jean-Claude Boisset y songe aussi et compte également récompenser des créations inspirés par le monde du vin. L’accoutumance à l’art est forte. Au risque d’atteindre un point de non-retour et de conduire ces “victimes” à sacrifier la viticulture ? Certainement pas. « La priorité reste le meilleur millésime possible. Le vin est un métier, le mécénat un plaisir », martèle le propriétaire d’un gros vignoble. « Nous avons visité beaucoup de wineries en Californie. Les plus spectaculaires proposaient souvent des vins médiocres », répond en écho Florence Cathiard, qui hésite sur la destination à donner aux hectares de bois récemment acquis situés à la lisière du domaine. Land art ou résidence d’artistes ? Plutôt que de cloner un modèle, l’idée est de le répliquer. Nathalie Vranken comme Jean-Charles Boisset soulignent à quel point il est important de tenir compte de l’identité de chaque terroir. Michel Jeanneau, quant à lui, rêve d’exporter ce principe de mécénat sur les principaux marchés étrangers « sans commettre l’erreur d’autres marques qui, à force de tout miser sur l’international, ont délaissé leurs racines ». Ce qui explique le financement par Roederer de la restauration des vitraux de la cathédrale de Reims, et la création prochaine de sa galerie-cellier au cœur de la ville. Propriétaire, selon son expression, « d’un domaine rebâti de toutes pièces » au Chili, Simon Dauré ne compte pas y réitérer un défi aussi identitaire et unique que celui qui a eu lieu au château de Jau. Mais il ne s’interdit pas « d’inviter des artistes sud-américains à travailler sur nos contenants ».

Pommery envoie l’art à la cave

Nathalie et Paul-François Vranken cultivent depuis près de quarante ans une réputation de francs-tireurs du champagne. Premiers à vendre des bouchons à la grande distribution, ils ont réussi à se hisser au second rang français derrière le leader incontesté LVMH, avant de reprendre le joyau Pommery. Le couple joue également d’audace en matière de mécénat. Depuis dix ans, les caves de leur domaine phare hébergent l’Expérience Pommery, la plus grande exposition souterraine d’art contemporain. Nathalie Vranken précise avec flamme « qu’il s’agit d’une initiative parallèle à Pommery qui ne s’inscrit pas contre ce que peuvent faire les galeries et les institutions culturelles. » Elle ne considère pas que ce rendez-vous comme étant au service de la marque, « il ne faut pas mélanger les genres ». Si jamais c’était le cas, cela ne rebute ni les touristes ni les esthètes. L’an dernier, ils étaient 145 000 à déambuler entre cimaises et râteliers de bouteilles.

Vincent Bussière

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