Alors que s’apprête à s’ouvrir à Londres la cinquantième session de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), les représentants des vignerons français et européens que sont la Confédération nationale des producteurs de vin et eaux de vie de vin à appellation d’origine contrôlée (CNAOC) et l’European Federation of Wine Origine (EFOW) pointent du doigt la la responsabilité de certains gouvernements dans l’échec des négociations entre le secteur et les sociétés candidates à l’exploitation des « .vin » et « .wine » et dénoncent l’opacité et les conflits d’intérêt qui entourent les prises de décision au sein de l’ICANN. Engagé dans un bras de fer avec l’industrie des noms de domaines depuis bientôt deux années, le secteur du vin se bat pour que les noms des AOC soient protégés (nous en avions parlé ici et là). Le nouveau délai de 60 jours accordé aux deux parties en avril dernier n’a pas permis d’aboutir à un accord.
Les présidents de la CNAOC et d’EFOW, Bernard Farges et Riccardo Ricci Curbastro, déplorent les conditions dans lesquelles se sont déroulées les discussions. « Ces négociations n’avaient aucune chance d’aboutir à partir du moment où des gouvernements sont intervenus auprès des candidats pour les dissuader de dialoguer avec nous. Plus grave le seul candidat qui avait réservé un bon accueil à nos propositions a subi dans les derniers jours une pression forte et a préféré de ce fait ne pas poursuivre les discussions. L’ICANN le sait. Une décision de délégation (des noms de domaine, NDLR) dans ces conditions constituerait une provocation. Elle illustrerait une nouvelle fois le manque d’indépendance de l’ICANN et la toute puissance en son sein de l’industrie des noms de domaine. Elle serait un affront pour l’Union Européenne et la preuve que le modèle d’un Internet basé sur les parties prenantes n’est qu’un faux semblant. »
Appelant à une réforme de la gouvernance mondiale de l’Internet et à la mise en place d’une organisation indépendante, les vignerons annoncent qu’ils engageront une vaste campagne d’information pour prévenir les consommateurs des risques encourus sur ces sites, en premier lieu la contrefaçon. Ils répètent qu’ils appelleront à leur boycott et prévoient une campagne de sensibilisation auprès des producteurs afin de les dissuader d’acheter des noms de domaine se terminant par « .vin » et « .wine ». « Nous avons le sentiment que nous assistons à un racket organisé au niveau mondial. Le secteur du vin le dénonce depuis plusieurs mois. Mais il ne s’agit là que d’un exemple parmi bien d’autres. En passant de vingt noms de domaine génériques (NDLR : de premier niveau, voir ici) à plus de mille, les risques pour les marques, les entreprises, les collectivités locales, les indications géographiques etc, de faire l’objet d’un racket sont multipliés par 500. »
Les organisations européennes et nationales représentant les vins d’origine demandent donc à leurs gouvernements de mettre en place des plate-formes pour identifier les sites qui seront en infraction avec la réglementation communautaire et de prévoir des mesures pour les neutraliser. Enfin, la CNAOC et l’EFOW engagent la Commission européenne à être plus offensive dans les négociations internationales, en particulier avec les USA. «Si la décision est prise de déléguer ces noms de domaine au mépris des règles internationales sur la protection des indications géographiques, il s’agira pour nous d’un très mauvais signal pour les discussions en cours entre l’Union européenne et les USA en vue de conclure un accord transatlantique. »