Les raisins de la guerre

Ce week-end, la Maison Krug participera pour la premières fois aux Journées européennes
du Patrimoine
. C’est dans le cadre du centenaire de la Première guerre mondiale que les visiteurs découvriront ses caves, qui furent le lieu de vie des Rémois entre 1914 et 1918.

L’histoire de la Maison Krug a débuté en 1843 avec Joseph Krug, un homme anticonformiste et déterminé qui décida de constituer une bibliothèque de vins de réserve afin de pouvoir élaborer exclusivement des cuvées de prestige. Cette vision généreuse du champagne dans sa plus belle expression, délivré des aléas climatiques, allait bien au-delà des attentes de son époque. Les amateurs furent au rendez-vous, dans le monde entier. Six générations après lui, l’actuel directeur de la Maison, Olivier Krug, s’apprête à dévoiler un autre pan de cette histoire familiale et rémoise, les années de guerre. « J’ai partagé la préparation de ces journées avec une émotion certaine. Au-delà d’une histoire qui m’est proche, j’y ai vu le témoignage de nombreuses familles rémoises, elles aussi particulièrement touchées, courageuses et généreuses. Comme la plupart des collaborateurs de la Maison Krug, j’y trouve une source d’inspiration et de détermination constante. »

Reims sous les bombes

De septembre 1914 à novembre 1918, Reims subit 1 151 jours de bombardements. La famille Krug partage le sort de millions de Français touchés par la guerre. Elle soutient les familles de ses collaborateurs sous les drapeaux et met ses locaux à leur disposition et à celle de la population. Les Rémois se réfugient dans les caves où la vie s’organise. A la lueur des bougies et des lampes à pétrole, chacun s’occupe à lire, cuisiner, discuter, tricoter, pour passer le temps comme il le peut. Une classe est ouverte à laquelle assistent quarante enfants du quartier. Le temple de l’Église réformée tout proche étant détruit, la communauté protestante se réunit dans une des salles souterraines de la Maison, appelée “la Crypte”, pour y célébrer les offices. Témoignages de cette vie quotidienne en temps de guerre, des photographies découvertes récemment seront exposées dans les espaces souterrains de la Maison, là où elles ont été prises il y a un siècle.

Millésimes de guerre

Lorsque la guerre éclate en août 1914, la vendange s’annonce d’une qualité telle qu’on en n’avait plus vue depuis 1907. 1915 fera également un grand millésime. La récolte des raisins dans certains secteurs se fait à quelques centaines de mètres des tranchées et sous les bombardements. Mobilisé dès le début du conflit, Joseph Krug (petit-fils du fondateur) est fait prisonnier et détenu en Prusse jusqu’en 1917. Son épouse Jeanne, soutenue par le personnel présent, maintient l’activité, tout en s’engageant auprès des victimes de la guerre. Elle informe son époux de l’avancée des vendanges, de la qualité des vins, il lui transmet ses recommandations concernant les approvisionnements et les assemblages. Avec la Croix Rouge, elle soigne les soldats blessés dans les hôpitaux militaires alentour. Après la guerre, Jeanne poursuivra son engagement auprès de la population rémoise et participera notamment à la fondation de l’American Memorial Hospital pour les enfants de Reims et sa région.


KrugJournéesPatrimoine
L’exposition conçue pour les Journées européennes du Patrimoine a été élaborée sous le commissariat de Fabienne Moreau, historienne en charge du patrimoine de la Maison Krug. « Transmettre l’histoire de la Grande Guerre à travers celle d’une famille, d’une communauté d’employés, de soldats et de simples civils réfugiés relève d’une mission contemporaine exigeante. Plus que jamais la mémoire est l’avenir du passé. » Outre les photographies, différents éléments d’archive ont été assemblés au long d’un parcours qui s’achève sur les derniers exemplaires des millésimes 1914 et 1915.

La vie dans les caves de la Maison Krug au temps de la Grande Guerre,
samedi 20 septembre, de 10 h à 18 h et dimanche 21 septembre, de 14 h à 18 h.
Visite gratuite et accessible sans réservation.

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