Le roi Chambertin, la suite


LES FONDEMENTS DE LA QUALITÉ


Les deux vignobles du Chambertin et du Chambertin Clos-de-Bèze sont mitoyens, couvrent des surfaces comparables (12,90 ha et 15,39 ha respectivement) à même hauteur de pente, et avec la même largeur par rapport à la côte (environ 225 mètres). Les sols sont ceux classiques des coteaux de la côte de Nuits, des marnes bajociennes, un peu plus blanches et retrouvant la grande oolithe sur la partie haute, contre le petit bois. Les expositions et le micro-climat même sur une surface aussi restreinte et apparemment homogène montrent quand même de petites différences. La terre est un peu plus riche et profonde dans le bas, un peu plus rouge brun (oxydation du fer), le vent froid venu de la combe Grisard balaie plus la partie haute du Chambertin, moins le Clos de Bèze, la pente devient un peu plus accentuée et accidentée, au-dessus du Clos de Bèze, autour de la cabane rose dite du docteur Marion, les vignes forment un petit promontoire un rien plus ensoleillé, de même que les vignes du Chambertin proches du Clos de Bèze, par rapport à celles proches du Latricières. Tout dans tout le Clos de Bèze pourrait l’emporter d’une courte tête ! Et le vin ? Arrêtons de rêver et de croire que systématiquement tous sont bons ou identiques, mais aussi qu’on pourrait les différencier à l’aveugle ! En fait tout dépend de l’âge des vignes, de la situation des parcelles, de la qualité du matériel végétal, de la qualité de la viticulture, de l’adresse ou de la chance du vinificateur, et de mille autres choses. Au domaine Jacques Prieur, au domaine Damoy, au domaine Rousseau et chez bien d’autres on sépare les parcelles en vinification et l’on constate évidemment des différences, mais on réassemble les vins ! Donnons un exemple. Charles Rousseau ne contredira pas que l’addition à son clos-de-bèze originel des parcelles achetées à la famille Marion ont donné plus de profondeur à son vin. Chez lui le Chambertin est un rien plus fermé en vin jeune, plus tendu, sans doute en raison de l’influence des vignes des parties hautes et un peu plus froides, que son clos de Bèze, plus fin, plus soyeux, et son goût personnel met le Chambertin peut-être au-dessus.

Mais les reconnaîtrait-il vraiment en dégustation aveugle ? Chez Damoy le Chambertin est viril mais le clos-de-bèze (issu d’une sélection dans ses imposants 5 hectares) a sans doute plus d’harmonie et de complétude. De façon générale le raisin des deux crus ne mûrit pas exactement comme celui des crus sudistes de Vosne ; il mûrit un peu plus tard (au moins une semaine en moyenne, ce qui n’est pas rien !) et profite parfois davantage des fins de saison, mais ses teneurs en sucres sont inférieures. Heureusement les 10° honteux et illégaux d’hier ont fait place aux 12°, 12°5 de moyenne, parfois treize, mais on n’atteint pratiquement jamais les 13°,5 ou 14° comme parfois au clos Saint-Jacques. Il y a donc toujours une sensation de relative fraîcheur dans le goût d’un beau Chambertin, et pratiquement jamais les notes de chocolat, de thé fumé, d’épices sensuelles qu’on retrouve à Vosne. La texture est plus droite, moins sinueuse, la saveur très noble rappelle souvent, si l’on n’abîme pas les raisins, la rose, rose ancienne, sans rien d’animal ou de musqué, avec une finale réglissée vraiment originale, d’ailleurs plus marquée sur certains chambertins que sur les clos-de-bèze. Le tannin est ferme, l’évolution des parfums lente et discrète, mais dès dix ou douze ans, si le vin provient de vignes assez âgées, il passe au-dessus de tous les voisins, plus décidé dans sa saveur, plus persistant, mais profond, harmonieux, sans désir de séduire comme une Romanée ou un Musigny, aussi fin qu’eux, et pour beaucoup, dont Lalou Bize Leroy, qui les connaît plus que tout autre au monde, pour les produire et les déguster depuis cinquante ans sur plus de 80 millésimes, sans doute le plus grand de tous.

À LIRE >Le roi Chambertin

 

À suivre >«Mes vins références» Michel Bettane… >Les propriétaires…

 

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