Aubert de Villaine, président de l’association « Climats de Bourgogne » et copropriétaire de la Romanée-Conti.
Dans quel état d’esprit êtes-vous avant le verdict ?
L’Icomos a reconnu la légitimité de la candidature des Climats sur le volet scientifique, leur Valeur Universelle Exceptionnelle, et c’est une très grande satisfaction pour nous. Sur le volet de la protection, l’Icomos a reconnu ce qui existe déjà et ce qui a été engagé. Le renvoi concerne 2 % du projet, soit la zone non protégée au sud de Beaune, et porte sur le plan « paysage carrier » où l’Icomos aurait souhaité que nous soyons plus avancés. Nous sommes un peu surpris sur ce dernier point car il concerne une zone tampon et non centrale. Les Climats sont un ensemble que nous n’avons pas voulu morceler. Certes, nous aurions préféré une recommandation directe mais compte tenu de la qualité du dossier, ambitieux et complexe, les ministères de la Culture et de l’Environnement ainsi que l’ambassadeur de France à l’Unesco vont tout de même demander l’inscription. C’est l’ambassadeur de France qui présentera le dossier des Climats à ses collègues du Comité du Patrimoine Mondial.
Quand vous lancez, en 2006, l’idée de figurer au patrimoine mondial, vous êtes suivi par les Bourguignons ?
Il a fallu convaincre. On a constitué l’association en 2007 et réellement commencé à travailler en 2008. J’étais persuadé, comme les maires de Dijon et de Beaune, que cette inscription permettrait de faire comprendre à ceux qui vivent sur ce territoire qu’ils ont quelque chose de très précieux dans les mains et qu’ils doivent se donner les moyens de le protéger parce qu’ils en sont responsables. Faire reconnaître cette Valeur Universelle Exceptionnelle, c’est la faire respecter de l’extérieur ET de l’intérieur. La principale opposition, c’était la crainte, pour les viticulteurs, de contraintes supplémentaires. Je crois que nous les avons convaincus. La candidature réunit quelque 64 000 signatures de soutien.
Pourquoi est-il important que les climats soient inscrits au Patrimoine mondial ?
On vit dans un monde qui cherche les raccourcis en permanence, et la technologie les rend possibles. Or nos savoir-faire demandent du temps et de la patience. Il faut savoir ne pas aller trop vite quand tout nous y enjoint.
La notion de temps est peut-être encore plus prégnante ici qu’ailleurs ?
Cette prise de conscience de la valeur du temps – qui a donné sa forme à ce que nous connaissons aujourd’hui – est essentielle. Une des vertus de l’inscription des Climats au patrimoine mondial serait de nous permettre de ne pas l’oublier et à nos visiteurs d’y réfléchir.
Cette candidature vous a-t-elle appris quelque chose ?
C’est que ce territoire, pour unique qu’il soit, est un modèle universel pour les autres viticultures de terroir dans le monde et même pour d’autres productions, de thé et de jasmin de Fuzhou en Chine, d’huile essentielle d’ylang ylang aux Comores. Nous avons d’ailleurs organisé un colloque réunissant 17 pays en février dernier à Paris, sur ce thème.
L’inscription au patrimoine de l’humanité est-elle une forme de sanctuarisation ?
Nous ne sommes pas un monument figé, nous devons toujours être en recherche d’excellence pour nos crus en restant fidèles à nous-mêmes. Or la culture des Climats qui nous a été transmise n’est pas protégée. Sur la côte de Nuits, rien n’est classé par exemple. Respecter ce qui a été acquis et transmis et donner les conditions pour que ça puisse continuer de vivre, voilà le but.
Une telle distinction induira immanquablement une hausse de la fréquentation.
Effectivement. Dans la perspective du classement, le New York Times a d’ailleurs placé la Bourgogne au 15e rang sur 50 des destinations les plus intéressantes au monde.