Voyage autour de ma cave par Michel Bettane #26

Le village de Calce en Roussillon est une sorte de fief indépendant, qui n’aime guère se mêler au reste de la vie régionale et fier de l’originalité de son terroir calcaire, pour l’essentiel, de ses vignerons d’élite et de la reconnaissance d’une petite communauté d’amateurs et de cavistes aussi dévoués à sa cause que les supporters de l’OM à leur équipe de foot. Les vins blancs, par la nature de leur terroir, ont davantage vocation à l’universalité, mais sur place on aime et on boit surtout les rouges. La famille Gauby y a joué depuis trente ans un rôle de pionnier. D’abord, en créant un vin rouge d’exception par sa qualité et son prix, la célèbre cuvée Muntada, puis en modifiant considérablement son style. Le climat chaud, en effet, favorise une teneur en sucre naturel élevé dans la vendange et la tentation de rivaliser avec les grands vins du Rhône ou les grands crus italiens à la mode a fait abuser du bois neuf avec, à la clé, des vins excessifs. Le vinificateur étant le premier consommateur de son vin et devenant incapable de le boire a donc cherché à lui rendre une plus grande buvabilité, en densifiant la plantation et en recherchant une maturité moins riche du raisin. En 2002, cette recherche commençait à donner ses fruits.

La cuvée Vieilles vignes doit cet équilibre spécifique à son encépagement complexe et à une partie de son terroir plus schisteux que calcaire. Mourvèdre et syrah diminuent le degré d’alcool donné par les grenaches et de très vieux carignans plus que centenaires apportent une acidité bienvenue, qui peut choquer en vin jeune. À presque vingt ans d’âge, ce 2002 montre une évolution certaine de la couleur vers le brun, un nez encore puissant et vigoureux, un début de rancio amer type gentiane, mais aussi de plantes aromatiques de la région et une bouche sans sucrosité, encore nerveuse, peu complexe. Le vin se métamorphose dès que je l’associe au ragoût de pâtes bleues et à ma côte de porc braisée. L’amer se change en réglisse, le vin prend de la profondeur, s’allonge. Il ne gagnera pas en finesse ou en subtilité, mais sa texture plutôt souple, son délié sont très agréables et surprendront en bien ceux qui boivent ce type de vin avant sa cinquième année. Je continue à penser que les vins blancs de ce secteur ont plus de personnalité.

Domaine Gauby, vieilles vignes, côtes-du-roussillon-villages rouge, 2002  

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