Cédric Gravier, président des vins de Bandol et propriétaire du domaine de La Suffrène, connaît les atouts et les faiblesses de son appellation face aux nouveaux défis de consommation. Entretien et précisions
Vous insistez sur le fait que le vin rosé de Bandol n’est pas qu’un rosé de Provence. C’est-à-dire ?
Ce vignoble de Provence est construit autour de la ville de Bandol. Il faut adhérer à l’association pour produire du bandol. Une obligation qui implique des contraintes en termes de production et de contrôle produit. La communication est normalement assurée par une interprofession, mais comme l’appellation n’en a pas, nous nous occupons aussi de cette partie sans contrainte pour les adhérents. Bandol a une carte à jouer sur cette différenciation et les différents types de rosés que les amateurs veulent découvrir. Nous sommes avant tout un rosé de Provence, mais nous avons nos spécificités grâce notamment au mourvèdre et à l’offre de millésimes plus anciens. Nous avons là quelque chose de très fort et un style unique, c’est ce qu’il faut continuer à mettre avant.
Il n’y a aucune notion de couleur dans le cahier des charges de l’appellation. Ce qui explique la grande variabilité des couleurs d’un producteur à un autre. Dans l’ensemble, nous sommes quand même sur des rosés un peu plus colorés que la moyenne.
Tout en souhaitant mettre en avant le côté identitaire de vos rosés.
C’est un vin de repas et d’apéritif. Un mélange de finesse et d’élégance, avec du caractère en plus apporté par le cépage, son adaptation au terroir et le travail des vignerons. Sa particularité se caractérise par sa structure plus importante et par sa longueur en bouche. À table, nos rosés s’associent très bien aux plats simples comme les plus gastronomiques.
La mise sur le marché se fait au 1er mars, une date tardive par rapport aux rosés d’autres appellations. Nous essayons aussi de mettre en avant le grand potentiel de vieillissement de nos rosés. Un, deux, et même 10 ans. D’un à trois ans de vieillissement, il y a vraiment quelque chose à faire auprès du grand public. La consommation des rosés plus vieux reste très anecdotique. Mais nous tenons à démontrer que le bandol rosé est un vrai vin, très intéressant au-delà de trois ans de vieillissement.
Et les rouges ?
La proportion de rosé a augmenté ces dernières années. Ce n’est plus un effet de mode, il a une vraie place entre le blanc et le rouge. Il s’initie désormais une démarche de recherche de différents types de rosé comme nous avons différents types de blanc et de rouge. Dans ce cas, Bandol a une vraie carte à jouer avec sa spécificité. Le rosé représente 77 % de la production, le blanc reste très anecdotique avec 5 %. Le rouge (18 %), reste l’ADN de Bandol. La réputation de l’appellation s’est construite grâce à son vin rouge. Mais en produisant moins de rouges, nous obtenons des vins encore plus qualitatifs en pratiquant un choix plus précis sur les vignes. Le marché du rouge est aujourd’hui un peu plus difficile, moins dans l’air du temps, mais il y a une réelle volonté chez la plupart des vignerons de le remettre sur le devant de la scène. Nous continuons à faire des cuvaisons très longues, mais des extractions moins fortes pour obtenir des vins construits sur la longueur. Les tannins sont peut-être plus élégants qu’avant et donnent un potentiel de buvabilité sur la jeunesse que nous n’avions pas. Les rouges vieillissent toujours très bien et ils ont une expression aromatique et une structure qui fait que nous pouvons quand même les consommer très tôt.