Savennières entre les murs

Menée par des fortes personnalités, l’appellation a suivi très tôt une route singulière et les principes d’une viticulture bio. Avec l’arrivée d’une génération aussi engagée, elle est à son plus haut niveau

Cet article est à retrouver en intégralité dans Le Nouveau Bettane+Desseauve 2024 (pages 248 à 251). Vous pouvez l’acheter sur notre site ici ou en librairie.


Enchevêtrement de bocages, haies, vieux ceps, jeunes vignes, parcs et châteaux, la Loire paisible, le paysage dessine l’âme de la France. La puissance et la beauté des lieux saisit. Elle captive. Comme ici, à quinze kilomètres d’Angers, où le vignoble de Savennières couvre les coteaux exposés sud-ouest, perpendiculaires au fleuve, répartis de part et d’autre du village que l’on aperçoit lorsque l’on grimpe au lieu-dit La Petite Rivière. Le romantisme de l’endroit pousse à la méditation. Elle a d’ailleurs été pratiquée ici par les ordres religieux installés à la Roche-aux-Moines dès le XIIe siècle. Ils y développent la culture de la vigne avec la bénédiction des rois Plantagenêt. Aujourd’hui, l’appellation s’étend sur les communes de Bouchemaine, La Possonnière et Savennières, soit environ 170 hectares. Un emplacement idéal, modérément ensoleillé, à l’abri de vents trop violents et d’orages de grêle. Le chenin, cépage unique d’une appellation qui ne produit que des blancs, puise sa force et trouve une identité particulière dans des sols peu profonds de schistes sensibles à l’érosion et dans ceux de grès, roche très dure, traversée par des veines volcaniques. Par endroits, des sables éoliens, dont l’accumulation varie entre 20 et 150 centimètres, sont venus combler les aspérités du plateau en recouvrant la roche mère. Ils donnent des vins légers et fruités. Sur la roche mère, ils gagnent considérablement en complexité et en longueur.

Il y a quelques pentes sévères dans ce vignoble qui surplombe la Loire.

Passé, présent, futur
En 1952, lors de la création de l’appellation, le vignoble ne comptait plus qu’une soixantaine d’hectares. Le vin se vendait mal. Le renouveau économique arrive au début des années 2000, époque où les grandes familles bourgeoises de la région sont rejointes par des vignerons souvent agronomes venus d’ailleurs ou sortant de l’école supérieure d’agriculture. C’est toujours le cas aujourd’hui, avec la nouvelle génération incarnée, par exemple, par Vanessa Cherruau (château de Plaisance), les sœurs Anne et Marie Guégniard (domaine de la Bergerie), Emmanuel Ogereau, ou encore Ivan Massonnat, investisseur passionné qui a repris de belle façon l’ancien domaine Jo Pithon, rebaptisé Belargus. Ce sang neuf fait bouger les lignes. Avec des vendanges plus précoces dans la saison que par le passé, le style des vins évolue vers plus de tension. Les élevages plus longs qu’autrefois permettent aux vins de gagner en complexité. En règle générale, la fermentation malolactique est recherchée, sauf chez quelques-uns qui préfèrent l’éviter comme au domaine FL. « Pour une plus grande lisibilité des terroirs », précise Julien Fournier, son directeur.

Le royaume du chenin
Les coteaux où l’on trouve les terroirs les plus réputés sont ceux situés sur les sols de schistes, comme ceux des fameuses Coulée de Serrant et Roche aux Moines. Les hauts de coteaux et les plateaux s’appuient sur des socles de grès, appelés aussi schistes gréseux. Certains secteurs sont très caillouteux. Moins réputés, ils donnent des vins tout en texture avec, certes, des amers moins profonds, mais toujours habillés d’un grain raffiné. En surface, cailloux et sables offrent un bon drainage, permettant une juste maturité des baies. Comme le chenin ne mûrit jamais de façon homogène, il est nécessaire de procéder à deux ou trois tries, voire plus, au cours de la vendange. Le cahier des charges en exige au moins deux. Il spécifie également que les vendanges doivent être manuelles. Dénominations devenues des appellations à part, le vignoble de la Coulée de Serrant (sept hectares) et celui de la Roche aux Moines (une trentaine d’hectares) sont encore fortement associés à l’histoire des vins de Savennières.

 

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