Jean-Philippe Blot, le nouveau guide de la Taille aux Loups

Avec la disparition de Jacky, le vignoble a pleuré une légende et Jean-Philippe Blot a perdu un père. L’histoire de la Taille aux Loups à Montlouis est maintenant entre ses mains. Elles sont sûres. Par Valentine Sled

« Il a fait de l’appellation ce qu’elle est aujourd’hui, je l’affirme encore plus depuis qu’il est parti », déclare Jean-Philippe Blot avec émotion. En 1987, Jacky Blot, ancien militaire puis courtier en vin, se passionne pour le chenin en le goûtant à Montlouis-sur-Loire. Dès 1989, il y achète ses sept premiers hectares de vignes. Malgré son manque d’expérience, Jacky sait la direction qu’il veut prendre, choisit de travailler le chenin sec, intégralement en bio, sans utiliser d’intrants, avec une vinification en barrique, à la bourguignonne, qu’il affectionne tant. Une pratique critiquée et décalée à l’époque, mais suivie rapidement par d’autres vignerons. Depuis, l’appellation a acquis une aura, un statut, et 60 % des surfaces y sont cultivées en bio. Trente ans plus tard, les vins de Jacky Blot sont recherchés, convoités par les étrangers, présents sur les grandes tables gastronomiques et le domaine de la Taille aux Loups est devenu un emblème de la région, unanimement reconnu.
Les sept hectares d’origine sont devenus quarante-sept hectares de chenin à Montlouis et cinq hectares à Vouvray. Il y a aussi seize hectares de cabernet franc acquis en 2002 à Saint-Nicolas-de-Bourgueuil (Domaine de la Butte). « Le cépage profite du réchauffement climatique », précise Jean-Philippe Blot. Contrairement à son père, il a baigné dans les vignes et y a développé une technicité encore plus affûtée, sans en avoir vraiment conscience. Malgré une « grosse crise d’ado », il a toujours su qu’il prendrait le relais. Un BTS de viticulture-œnologie, des vendanges à Bordeaux et en Nouvelle-Zélande, une expérience de courtier en Indre-et-Loire pour parfaire sa connaissance de la région et il était prêt à travailler au domaine familial. Jean-Philippe est aussi à la tête de six caves et d’un restaurant à Tours qui l’occupe beaucoup, doté d’une carte des vins exceptionnelle de plus de 1 200 références pour accompagner une jolie cuisine de terroir.

Premier millésime
Ces vendanges 2023 étaient les premières sans son père. « J’ai envie de faire encore mieux pour lui rendre hommage. » Millésime difficile. Avec le dérèglement climatique, le raisin envoie de mauvais signaux qui laissent à penser qu’il est mûr sans vraiment l’être. « On va quand même réussir à atteindre nos 300 000 bouteilles annuelles car la charge de raisins était importante », explique-t-il, confiant. Jean-Philippe ne changera rien au fonctionnement du domaine. L’élevage en barrique, avant qu’il ne se répande dans toute la Loire, était la signature de la Taille aux Loups. Pas question d’y toucher. Il ne touchera pas non plus à l’icône Triple Zéro, son fabuleux effervescent naturel non dosé. « On a le plus beau cépage du monde, c’est le meilleur vecteur de terroir », assure Jean-Philippe, qui estime que le réchauffement climatique a contribué à rendre le chenin plus digeste, sans avoir besoin de dosage, en recherchant la sucrosité dans le vieillissement. Précurseur du vin nature en 1993, le domaine ne s’en est pourtant jamais revendiqué.
Le respect pour Jacky Blot demeure, en témoigne le nombre de lettres reçues à son décès. Il a marqué par sa clairvoyance et sa précision de dégustation, par sa manière de capter l’attention avec un vocabulaire imagé. « Je me rends compte de la force de ce qu’il a créé. » S’il est difficile de sortir de l’ombre de son père, il n’en fait pas un sujet. « Il aura toujours son nom sur les étiquettes », dit-il en montrant une bouteille avec humilité. Convaincu que Montlouis est un terroir à grand potentiel, Jean-Philippe est un garçon timide et sincère, le cœur sur la main, la main à l’ouvrage. Son vin est comme lui, comme était son père, l’expression de la sensibilité et de l’esprit de cette famille.

Crédit photo : Charlotte Enfer

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